Autour d’un thé ( du 31/05/2012)

(Crédit photo : Sneiba / Le Calame)

{jcomments on}A quelque deux ans de la fin du mandat du Président Mohamed Ould Abdel Aziz, le pays est toujours plongé dans la confusion qui a suivi le débarquement de Sidi Ould Cheikh Abdallahi par une poignée de militaires mécontents.

Et ceux-ci, mués en démocrates donneurs de leçons, ont bien fait des émules au Mali et en Guinée Bissau. La légèreté et la souplesse avec laquelle la communauté internationale avait, à l’époque, géré la crise institutionnelle en Mauritanie n’est, certainement pas, pour rien, dans ce qui s’est passé, dans ces deux pays où des militaires, sûrs de la bonne « compréhension » de cette communauté n’ont pas hésité à perpétrer des coups d’Etat qui ne seront, certainement pas, non plus, les derniers en Afrique. A entendre la majorité et l’opposition échanger, on se croirait en pleine campagne électorale. Un pays « démocratique », en situation exceptionnelle, affublé d’institutions parlementaires qui fonctionnent sur la base de considérations constitutionnelles inédites, contestées et contestables, du seul point de vue du Droit. Et, pourtant, ça légifère, ça discute, ça parlemente. En attendant, nous dit-on, un énième dialogue. Or, c’est parce qu’on a dialogué que le pays est dans cette situation cacophonique peu enviable. Les Accords de Dakar, c’est du passé ! C’était juste bon pour nous faire avaler de grosses couleuvres. Autant ne plus en parler. La Mauritanie est souveraine. Dialogue d’octobre 2011 avec la COD 4, redevenue 3. C’est bon. Ça avance. Ça recule. Ça viendra. Sachons attendre. Les résultats sont tellement gros qu’il n’est pas possible de les boire d’un trait. Et puis, il n’y a que la mort qui vient en même temps. Toutes les autres choses de la vie viennent par intermittence. Et, s’il n’y avait pas eu ce con de Biram, tout allait être fini. C’est à cause de lui que l’application des résultats traîne ! Attendons, d’abord, de le juger et de l’envoyer au poteau, pour vivre tranquille. L’opposition ne pose plus problème. Son « dégage, Aziz ! » a son « reste, Aziz ! ». La majorité a fabriqué de jeunes dissidents de l’opposition qui ne demandent que la sacralisation, à vie, de Mohamed Ould Abdel Aziz. Rougissez, ennemis de la Nation ! Quand on est ingénieux, on a solution à tout. L’affaire Biram, pour détourner, un moment, les Mauritaniens de leurs soucis quotidiens et de leur ras-le-bol, reste plus qu’Aziz pour redonner du travail aux spécialistes de la manipulation, du faux et usage de faux. Entre ces deux extrêmes – Dégage et Reste – une troisième voie surgit. Encore une initiative pour « redialoguer ». Des gens de la majorité qui entendent dompter la réticence de l’opposition radicale non-dialoguiste. Certains prétendent ne plus rien comprendre car, disent-ils, « nous ne pouvons pas passer notre vie à dialoguer »… Pourtant, cette nouvelle manœuvre est en parfaite phase avec la logique du machiavélisme politique, sournois et calculateur, qui domine la scène nationale, depuis le coup d’Etat du 6 août 2008. Les positions parfois incompréhensibles, les alliances souvent contre-nature, les revirements spectaculaires et les compromissions avilissantes ne peuvent être compris qu’à travers le prisme, réducteur, d’intérêts partisans et individualistes. Les promoteurs des nouveaux bons offices ont, déjà, rencontré deux ou trois leaders de l’opposition boycottiste. Qui engagent-ils ? Sur la base de quelles garanties ? Pour quels résultats ? De l’autre côté, Boïdiel, Messoud et Abdessalam rejettent, systématiquement, tout autre dialogue. Jusqu’ici, la stratégie du système en place, depuis son arrivée au pouvoir en 2008, est basée sur la division de l’opposition. La technique marche bien. Chaque fois qu’il est au bout du rouleau, une composante de cette opposition vient, « miraculeusement », le sauver : reconnaissance du putsch par le RFD ; reconnaissance rapide de la légalité des élections de 2009, par Tawassoul ; engagement du dialogue par l’APP. Et, certainement, dans quelques semaines ou mois, réengagement d’un autre dialogue (inutile, bien entendu) avec l’ancienne opposition boycottiste. Alors, les tendances se renverseront à nouveau. Messoud, Boidiel et Abdessalam demanderont le départ d’Aziz, les autres les appelleront à prendre le train en marche et à rejoindre un énième dialogue. En fait, c’est simple, la politique. Et vous remarquerez, ce faisant, que ces messieurs et dames n’ont guère de problèmes, eux, de problèmes quotidiens de nourriture, d’abreuvement ou autres petits tracas qui perturbent tant les gens ordinaires, comme vous et moi. Peut-être qu’on devrait jouer à dialogue-dialogue-pas, nous aussi…

Sneiba

Source  :  Le  Calame le 31/05/2012

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