Quarante-huit heures après son annonce, le projet de fusion entre la rébellion touareg et le groupe islamiste Ansar Dine dans le nord du Mali a été bloqué lundi en raison de désaccords de fond, notamment sur l’application de la loi islamique.
« Nous avons refusé d’approuver le communiqué final, parce qu’il est différent du protocole d’accord que nous avons signé (samedi, ndlr). Toute la journée d’aujourd’hui, nous avons discuté, mais il n’y a pas eu d’entente », a déclaré à l’AFP Ibrahim Assaley, élu du Nord malien et membre du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), la rébellion touareg.
« Dans le communiqué écrit par Ansar Dine, on parle d’application de la charia (loi islamique) +pure et dure+, on parle aussi d’interdire le Nord aux organisations humanitaires non-musulmanes: ce n’était pas précisé dans le protocole d’accord », a-t-il poursuivi, joint par l’AFP depuis Bamako dans la grande ville septentrionale de Gao.
« C’est comme si on voulait nous dissoudre dans Ansar Dine », a-t-il lancé, jugeant que les exigences du groupe islamiste sont « dignes d’une organisation religieuse ». « On n’a pas accepté ça », a insisté M. Assaley.
« Après le protocole d’accord qui est une base de travail », le chef d’Ansar Dine, Iyad Ag Ghaly, a envoyé de Tombouctou, autre ville du Nord, « un communiqué sous pli fermé. Quand on a lu le communiqué, il y a eu des gens du MNLA qui ont dit qu’il faut corriger des choses. Nous avons refusé », a déclaré à l’AFP Moussa Ag Achérif, l’un de ses proches.
« C’est à prendre ou à laisser », a-t-il assuré, précisant toutefois qu’Iyad Ag Ghaly « vient à Gao demain (mardi) matin pour régler le problème ».
La rébellion touareg et Ansar Dine (Défenseur de l’islam, en arabe) ont signé samedi un « protocole d’accord » sur leur fusion au sein d’un « Conseil transitoire de l’Etat islamique de l’Azawad » (région nord).
Mais, après plusieurs semaines de discussions, beaucoup de sujets qui fâchent avaient été laissés de côté dans ce document signé par le MNLA, au départ sécessionniste et laïc, et Ansar Dine, qui prône l’application de la charia dans tout le Mali.
Ansar Dine et son allié Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), adepte du jihad (guerre sainte), sont désormais dominants, aux dépens du MNLA, dans l’immense Nord malien qui échappe au pouvoir central depuis deux mois, une partition de fait précipitée par le coup d’Etat militaire du 22 mars à Bamako.
– Les islamistes « consolident » leurs relations –
Une rencontre entre Iyad Ag Ghaly et ses hommes, les principaux chefs d’Aqmi ainsi que le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest (Mujao), présenté comme dissident d’Aqmi, s’est par ailleurs tenue de jeudi à lundi à Tombouctou.
« Ils ont consolidé leurs relations », a déclaré à l’AFP l’entourage d’un imam de la ville.
De son côté, le Mujao « garde son autonomie, mais n’a plus désormais de différends avec les autres jihadistes. Ils ont la même ambition de faire le jihad, mais ils se partagent le terrain », a affirmé une source proche de la rencontre.
Selon des sources concordantes, l’Algérien Nabil Makloufi, qui coordonne les actions d’Aqmi dans les « katiba » (cellules combattantes) du Sahel, Abou Zeid et Mokhtar Belmokhtar, deux autres chefs d’Aqmi, ont participé aux discussions.
Après le gouvernement malien, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao, 15 pays) a dénoncé lundi à son tour « la tentative de création » d?un Etat islamique et rejeté cette « soi-disant déclaration d’indépendance », se disant de nouveau prête à prendre « toutes les mesures nécessaires » en vue de préserver l’intégrité territoriale du Mali.
Alors que les islamistes n’ont jamais été aussi forts dans la région, un nouveau groupe armé, le Front de libération du Nord-Mali (FLNM), a annoncé lundi sa création pour « combattre les groupes islamistes » voulant instaurer la loi islamique.
Selon des recoupements de l’AFP, ce mouvement ne compte pour l’instant qu’une centaine d’éléments. Pas de quoi, pour l’heure, effrayer Ansar Dine et Aqmi, aux effectifs nombreux et lourdement armés.
Source : AFP via Jeune Afrique le 29/05/2012
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