Sélibaby : Chronique d’un rêve désenclavé

(Façade de l'agence de la Société Générale à Sélibaby. Crédit photo : Mamadou Lamine Kane / Noor Info)

Impossible d’accès, surtout en période de pluies il y a deux ans à peine, la région du Guidimakha, à travers sa capital Sélibaby, connaît un impressionnant élan de désenclavement, avec en point d’orgue un aéroport international presqu’achevé.

Reportage dans une wilaya où les perspectives d’émergence d’un pôle économique majeur du pays et de la sous-région, se développent.

La place centrale de Sélibaby, en plein centre-ville. La principale, et seule place publique, qui sert aussi de garage et marché, de la capitale régionale. Tout autour, les succursales de la BMCI, Mauripost, la BNM, Mauritel, et installée il y a moins d’un an, la dernière, flambante neuve, la Société Générale.

De cette place, on sent l’effervescence et le vent de dynamisme qui s’emparent de Sélibabi. «Le désenclavement était une priorité pour la région. Les oueds infranchissables avaient rendu la zone presque sinistrée, et abandonnée, alors que c’est un potentiel pôle majeur de croissance» explique le chef d’agence de la Société Générale à Sélibaby, Alassane Thioye, jeune trentenaire, originaire de la ville aussi.

Ce potentiel n’est pas imaginaire à ses yeux. Certes, il n’y a ni industries extractives, ni usines de transformations, mais le potentiel de l’élevage et de l’agriculture est tel, que les perspectives de développement de la région, avec le désenclavement sont «très importantes». Dans le même temps, «la ville est un véritable nœud d’échange commercial, à quelques encablures des deux frontières, sénégalaise et malienne» souligne le cadre. Dans ce cadre des PME liée à la production agricole, ou à l’élevage peuvent émerger. «La Société Générale, comme toutes les structures qui participent par leur présence ici, accompagne ce désenclavement, économique aussi» assure Alassane Thioye.

Mais il ne faut pas se leurrer : une situation économique déjà effective attise les convoitises des différentes banques. Financièrement, le Guidimakha connaît un flux massif annuellement, de devises en provenance de l’Europe, particulièrement de la France. Et même si ces flux sont difficiles à capter du fait du réseau propre à la communauté soninké notamment, principale pourvoyeuse de devises de la région, les banques grignotent petit à petit sur ces plates-bandes informelles. «Avec nos coûts de plus en plus faibles, et la garantie d’un circuit sécurisé, nous parvenons petit à petit à nous glisser sur ce pont financier suspendu entre la France et le Guidimakha» souligne le chef d’agence de la banque française, aux couleurs rouge et noire. Rien d’étonnant ainsi à ce que les priorités d’installation de la banque après Nouakchott et Nouadhibou, les deux capitales, administrative et économique, fussent Zouérate et Sélibaby.

 

Un axe routier et un aéroport international

L’axe Kaédi/Sélibaby, presque fini (il reste à peine 30 kilomètres de tronçon incomplet), est une véritable révolution pour les habitants de la wilaya. «Imaginez qu’il y a deux ans à peine, vous pouviez passer plus de dix jours sur la route vers le Guidimakha, entre Kaédi et la région, particulièrement en période de pluies. C’était plus qu’une enclave : la wilaya du Guidimakha était une véritable prison» se rappelle goguenard, Hamady Bâ, chauffeur à Action Contre la Faim/Espagne, qui tient une base à Sélibabi.
Les cas de noyades, de voitures emportées, dans des «filets d’eau en apparence calmes», qui s’avéraient être de véritables pièges mortels, étaient régulièrement rapportés.

Aujourd’hui, le goudron neuf, et les travaux annexes d’évacuation d’eau, ainsi que les ponts évitant les oueds, réintègrent le Guidimakha dans la vie économique du pays et du sud.

A deux kilomètres et demi à peine de Sélibaby, l’aéroport international, dont la piste est presque prête, couronne ce désenclavement en cours. Financé à 100% par les fonds publics mauritaniens, l’aéroport est une forme de reconnaissance de l’impact économique des fils de la wilaya installés à l’étranger, qui investissent massivement dans leur terroir. «La fin des travaux est prévue pour la fin de l’année, et cette structure aéroportuaire pourra accueillir tout type d’avion, sauf l’A-380 et le 747» informe Oumar Elimane Ly, chef de la mission de contrôle du bureau d’étude ALPHA Consult.

Ahmed Ould Jiddou, directeur adjoint des Infrastructures des Transports représentant du ministère de l’équipement et des transports, à Sélibaby pour voir l’état d’avancement des travaux de l’aéroport, constate que cet aéroport est nécessaire pour la région. «Au-delà des flux financiers importants de l’Europe vers cette région, le Guidimakha est amené dans les années à venir à un développement inévitable de son économie. L’état mauritanien ne pouvait pas ignorer une telle donne» développe-t-il.

Au-delà, Manga Souba, notable et grand commerçant de la région, estime que si les changements intervenus à Sélibaby sont importants, notamment dans l’infrastructure et l’assainissement (les gabions qui longent les larges rigoles inondées en temps de crue et qui déversent l’eau en dehors de la ville, en témoignent), il ne faut pas oublier une frange importante de la population de la wilaya, qui reste isolée de la capitale régionale, et donc qui n’a virtuellement pas accès à l’approvisionnement ou aux postes de santé, en période de pluies notamment. « Des structures comme Action Contre la Faim et d’autres organismes internationaux font une part de boulot incroyable, mais pour maximiser leurs efforts dans le sens des populations défavorisées, il conviendrait que ces organismes court-circuitent les ONG locales qui drainent vers eux une part importante des investissements, et aillent directement vers les zones et foyers directement recensés » développe le commerçant.

L’agro-pastoral pour développer l’économie locale

Dans le sens de ce développement évoqué par le représentant du ministère de l’équipement et des transports, l’agro-pastoral devrait servir de pierre angulaire selon la plupart des acteurs économiques et politiques de la capitale régionale.

«Nous avons de grands commerçants dans la région, mais ce n’est pas une activité créatrice d’emplois. Pour garder la région forte de ses jeunes forces vives, et éviter un massif exode rural, il faut créer de l’emploi, et les perspectives qu’offre l’agro-pastoral dans ce sens, sont importantes» selon Manga Souba, qui pense de plus en plus à investir durablement dans l’agriculture.

Le maire de la ville, Mohamed Vall, abonde en ce sens. «La région, notamment la zone de Sélibaby, regorge d’eau, mais inefficacement captée durablement. Avec une politique publique volontaire dans le sens des agriculteurs, l’impulsion tant attendue pour l’agriculture mauritanienne, dont le sud est le grenier, pourrait se faire» argue le maire, joint au téléphone.

Manga Souba est d’accord avec le maire. « Il y a un manque total de petits barrages de rétention d’eau pour favoriser une agriculture locale, où on planterait du maïs, du sorgho entre autres, des légumes. pourtant des tonnes d’eau, déversées à partir de Kiffa chaque années, dévalent la zone, et ne sont pas captées » dit écoeuré Manga Souba.

En attendant, agriculteurs et éleveurs, à l’approche de la période pluvieuse, prient pour que cette année soit plus abondant en eau, pour les cultures, et le bétail de plus en plus squelettique, qui hante les alentours de Sélibaby.

Mamoudou Lamine Kane
à Sélibaby

Source  :  Noor Info le 15/05/2012

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