Situation au Sahel : Ahmedou Ould Abdellah exprime sa vive inquiétude

(Crédit photo : anonyme)

« La situation au Mali et son impact sur le Sahel » a été le thème d’une présentation faite l’après-midi du 8 mai à Nouakchott par l’ancien haut fonctionnaire international M. Ahmedou Ould Abdellah, président du Centre des Stratégies pour la Sécurité du Sahara Sahel «Centre 4s», devant un parterre de diplomates occidentaux et africains accrédités en Mauritanie, des chercheurs, des journalistes et des ressortissants du Nord-Mali (Arabes et Touaregs) .

M. Ould Abdellah a fait part de sa vive inquiétude par rapport à la situation au Mali dans son ensemble, à la fois, au Nord, dominé par les radicaux islamistes Aqmi/Ansar Edine/Mujao/ Boko haram, et au Sud, où, la situation est plus explosive, notamment avec une armée (comprenant 60 généraux) divisée sur des clivages Officiers supérieurs/Sous officiers et de corps d’armée: Bérets verts/Bérets rouges.
Un contexte favotarable, a -t-il dit, aux seigneurs de guerre qui étaient au chômage depuis la fin des conflits de Sierra Leone et du Liberia et qui pourraient reprendre du service au Mali, où la junte au pouvoir assimilée par certains à une milice du fait qu’elle ne contrôle réellement que le camp de Kati et qu’elle présente des difficultés classiques, liées à l’inexpérience et l’arrogance.

Le vide et l’incertitude qui planent sur Bamako -a-t-il ajouté- sont favorables aux barons de la drogue et aident les radicaux islamistes à s’installer, à se poser en alternative et à envoyer des cellules dormantes vers des destinations, desquelles, le Sénégal et la Côte d’ivoire, pourraient ne pas être exclues, probablement, pas pour toucher des cibles nationales, mais pour viser, celles, étrangères.

Ould Abdellah, plutôt à l’aise dans les sujets stratégiques, a également souligné le danger de l’intervention extérieure, en ce sens, qu’elle ne manquera pas, dit-il, d’attirer des combattants radicaux extérieurs qui viendront prêter main forte à leurs amis radicaux au Nord-Mali.

La crise malienne est également une tragédie humanitaire a dit Ould Abdellah, précisant qu’elle a affecté 320.000 personnes dont 180. 000 refugiés dans les pays du voisinage du Mali, mettant en exergue l’insécurité et la précarité de leurs conditions et soulignant qu’au stade actuel, ces refugiés ne posent pas encore des problèmes sécuritaires dans les pays d’accueil, même si habituellement les mouvements rebelles infiltrent les refugiés.

Il s’est demandé ensuite, si les pays du Sahel resteront unis, ou, s’il y aura un effet de contagion, comme au Soudan
Le conférencier a indiqué que la crise actuelle exerce une distraction sur les autorités qui accordent maintenant plus d’attention à la sécurité au détriment du développement et qu’elle décourage les investisseurs, laissant le champ libre uniquement, à l’humanitaire.

Il a également évoqué la possibilité de tension dans les relations ente les Etats du Nord et ceux du Sud du Sahara qui s’est manifestée lors de la dernière réunion de la CEDEAO tenue à Dakar, quand la question de savoir qui donnait l’essence aux jihadistes avait été posée.
Abordant les réponses adaptées à la crise malienne M. Ould Abdellah qui a souligné que d’aucuns disent que le putsch du 22 mars a consacré le retour des partisans de l’ex-président Moussa Traoré, a appelé à la contenir, en évitant qu’elle s’enracine et appelé à se prémunir de la contagion, rappelant que les crises commencent , toujours, par être nationales.

Au niveau du Mali, M. Ould Abdellah a appelé à tout faire pour s’assurer du respect des populations avec plus de modestie, de gestion rationnelle des ressources, à cesser de cultiver le clivage : petit peuple/élite urbaine, à impliquer la société civile, à inclure les responsables du Nord dans le gouvernement malien actuel qui n’en compte aucun, consacrant ainsi, la division du pays et enfin, à réunifier l’armée malienne sur les principes de citoyenneté et de tolérance.
Selon Ould Abdellah, des pays comme l’Algérie, la Mauritanie, le Niger, la France, les USA ainsi que l’Union Européenne (UE) peuvent aider à résoudre la crise malienne qui est une conséquence de la crise libyenne.

Il a appelé les libyens de l’extérieur et ceux de l’intérieur, à s’entendre pour l’instauration de la paix au Mali ,laquelle, ne pourra avoir lieu sans la stabilité en Libye. M. Ould Abdellah a aussi appelé la Libye à verser des compensations aux sahéliens.
Plusieurs interventions ont suivi cet exposé. La première, de Hachim Ould Sidi Mohamed un arabe du Mali , membre du « Centre 4s » a été relative à l’absence de l’Etat malien au Sud et la substitution des radicaux islamistes à celui-ci au Nord, lesquels, ont commencé à faire de l’humanitaire en pillant les entrepôts (PAM, CICR) pour les distribuer et à recruter dans certaines communautés notamment les songhaïs .
Puis, celle de M. Hama Ag Sid’Ahmed, un représentant du MNLA (venu à titre personnel) qui a indiqué que la situation qui prévaut au Mali est le résultat de 12 années de complaisance et de laxisme, durant lesquelles, la communauté internationale et la CEDEAO étaient restées sourdes.

Il a indiqué que le MNLA cherche l’autonomie ou l’indépendance et qu’il n’a ni les moyens, ni l’objectif de lutter contre Aqmi. M. Ag Sid Ahmed a expliqué que le putsch du 22 mars est plutôt la conséquence de la mauvaise préparation de la présidentielle qui devait être organisée en Avril 2012, au Mali.
Puis M. Souleymane Cissé Ambassadeur du Mali en Mauritanie qui tout en soulignant que le gouvernement intérimaire se renforce à Bamako, a indiqué que le Mali est dans une situation difficile. «Nous sommes même à terre!» a-t-il dit.

M. Cissé a réfuté toute adhésion populaire au putsch du 22 mars soulevée dans l’exposé du conférencier, indiquant que le putsch a été soutenu seulement par 15 députés sur les 147 que compte le parlement malien, et que tous les grands partis du Mali se sont retrouvés dans un front anti-putsch .

M. Cissé a déclaré être choqué par l’attitude du MNLA qui a déclenché -selon lui- la catastrophe et qui doit en être tenu pour responsable, car, il a créé une situation qui a permis à d’autre forces de s’incruster; précisant que le MNLA est minoritaire et que le Mali est prêt à tout sauf à l’idée d’indépendance du Nord. M. Cissé a enfin préconisé le soutien effectif de la communauté internationale au nouveau gouvernement constitutionnel du Mali .

Réagissant aux propos de M. Cissé, le représentant du MNLA a affirmé que les autorités maliennes nient, depuis 1963, l’existence d’un problème au Nord, qu’Aqmi est au Nord du Mali depuis 12 ans et que c’est bien le MNLA , présenté comme minoritaire, qui a fait partir l’armée malienne de l’Azawad. M. Ag Sid’Ahmed a ajouté et qu’il y a toujours eu, un simulacre d’institutions au Mali, une corruption généralisée et que dans la situation actuelle, il n y a pas eu de dissolution de la junte du CNRDRE et que le président intérimaire est sans pouvoir.
«La faillite du système n’est le fait ni du MNLA et encore moins du putsch», a-t-il conclu.
M. Hachim est intervenu après cet échange pour dire que le vrai problème c’est le Sud et le retour à l’ordre constitutionnel, mettant en garde contre les risques que présentent aujourd’hui les radicaux islamistes, qui sont passés de la sanctuarisation à l’urbanisation.
M Hachim a appelé à une répartition des rôles en confiant à la CEDEAO la mission du retour à l’ordre constitutionnel et aux « Pays du champ » (CEMOC) celui de dégager les radicaux islamistes qui ont occupé le Nord-Mali
Intervenant à son tour, Me Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Saleh a relevé la triple dimension de la crise malienne : une crise d’autorité consécutive au putsch, d’unité nationale et une troisième, liée à la présence de réseaux terroristes.

La conférence s’est terminée par un deuxième échange assez révélateur entre l’Ambassadeur du Mali et le représentant du MNLA quand ce dernier a souligné l’absence d’un quelconque représentant des populations du Nord dans le gouvernent malien, la chasse à l’homme faite aux originaires de la minorité du Nord à Bamako et leur insécurité, l’Ambassadeur du Mali a réagi: « Vous avez été préfet, gouverneur, ministre, secrétaire général. Présentement, le haut conseil des collectivités (équivalent du Sénat ) et le deuxième vice-président de l’assemblée nationale sont Touaregs». «C’est peu…», a réagi, dans le tumulte, une voix non identifiée.
La conférence et les échanges se sont déroulés à l’hôtel El Khater en présence d’Ambassadeurs occidentaux accrédités en Mauritanie dont, l’Ambassadrice des USA, l’Ambassadeur de France, l’Ambassadeur délégué de l’UE, la représentante résidante du PNUD, l’Ambassadeur de Turquie, l’Ambassadeur de Mali, des représentants du MNLA et de la communauté arabe du Mali, ainsi que des chercheurs et journalistes.

Isselmou Ould Moustapha

Source  :  Tahalil Hebdo le 10/05/2012

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