La « conscience » blessée

(Crédit image : anonyme)

Biram a réussi le tour de main magique d’avoir toute la Mauritanie « bien pensante » contre lui en dirigeant une prière insolite du vendredi dans un espace ouvert et « non autorisé ».

Il franchira le Rubicon quand il laissera faire ses « disciples » qui ont incinéré des livres considérés comme le référentiel de la voie malékite, très suivie en Mauritanie et dans la zone Maghrebo-sahélienne.

Fait inédit, la TVM a réservé plus de dix minutes à l’évènement en retransmettant une manifestation qui s’était rendue à la Présidence, le lendemain, pour demander au Président Aziz de « pendre le mécréant » Biram ! Pour faire dans la force de l’image, la TVM passera en boucle le moment où les amis de Biram incinéraient les livres jaunes portant la croyance de siècles de religion, d’idéologie, de pensées et de pratiques présentées comme saintes, car tirées du Coran et de la Sunna. Radio Mauritanie agira également. La toute nouvelle radio privée  » Radio Mauritanides  » entrera dans le jeu.

Tous les partis politiques, de la majorité et de l’opposition, ont condamné l’acte. Les personnalités religieuses, les notabilités traditionnelles ont fait de même. Des militants gauchistes qui se disaient jusque-là athées ou lacis se sont empressés de se démarquer de lui. Les ONG des droits de l’homme, première couveuse de l’IRA marquent un silence exprimant surtout leur gêne.

L’aile encore « vivante » d’El Hor s’en démarque clairement. Tout était donc planté en termes de décor pour procéder au meurtre religieux puis politique de Biram.L’homme est désormais bon pour le crématorium ! Quelques heures après tout ce « théâtre », c’est une Task Force spéciale de la police qui encerclera le secteur où il réside, coupera le courant, fermera toutes les issues menant vers le carré de la maison de Biram pour procéder à son interpellation. Il ne manquait que la couverture aérienne, les missiles Tomahawk, CNN, Al Jazeera et Fox News !

Les voisins du « mécréant », sa famille, ses enfants et lui-même n’ont droit à rien. Quand la machine de la justice sauvage s’enclenche, point de respect des règles de procédure, ni des droits les plus élémentaires du présumé coupable qui devient détenu après avoir été planté dans nos esprits comme coupable dans les medias publics et leurs milliers de corollaires !

Dans le cas d’espèce, la perquisition de la maison de Biram a bien eu lieu après 22 heures. Son arrestation aussi. Oubliez un moment, le « crime » de Biram et interrogez le code de procédure pénale sur la question !

Tout le monde est presqu’unanime à dénoncer la radicalisation à outrance du mouvement de Biram par cet acte insolite heurtant la conscience de tout mauritanien éduqué dans la lignée de ce conservatisme rhétorique, rigoriste souvent aux antipodes de certaines valeurs modernes. Même s’il exprime un désarroi contre le fondamentalisme conservateur et figé constituant le socle de la société d’inégalité, d’injustices et de racisme que nous vivons, l’acte demeure incompréhensible et loin de répondre à une logique pouvant faire avancer la cause de l’anti-esclavagisme et de l’anti-racisme en Mauritanie. Dans le meilleur des cas, Biram aura, quelque part, abusé de son droit à l’expression libre. Mais, est-ce la pire des choses qui soit arrivée en Mauritanie contre l’Islam et les Musulmans dans ce pays ?

Peut-être que Biram a trop tôt sous-estimé le potentiel de mobilisation du radicalisme socio-religieux des plus forts en s’en prenant au dernier rempart de leur chasse gardée, la religion.

Et dans cette optique, il ne suffit pas de condamner Biram, comme d’autres l’ont été tout au long de l’histoire de la Mauritanie sans pour autant essayer de comprendre le pourquoi et les mécanismes qui conduisent à une si brutale interruption de la chaine de l’ordre social. Mais, avons-nous aujourd’hui, en tant qu’Etat et en tant que peuple à focaliser toute notre attention sur les agissements de gens qui ont toujours tenu, depuis de longues années, un discours contestataire à l’égard de la version locale du malékisme ?

Ce qui s’est passé ne doit pas être une occasion pour casser Biram en tant qu’individu, ni cibler les haratines en tant que groupe, comme ce fût le cas dans les années de braise lorsqu’on a usé de toutes les méthodes pour casser les négro-mauritaniens et imposer un ordre qu’ils contestent aujourd’hui ; certes à divers degré, mais auquel ils n’adhèrent pas en tant que Mauritaniens.

En d’autres termes, cherchons la faille en nous-mêmes et dans notre ordre social ainsi que dans notre rapport avec la religion. Osons, surtout, de revisiter les interprétations que nous en faisons pour s’expliquer tout cela et essayer en toute quiétude, de trouver des gardes fous qui nous ramèneraient notre cohésion aussi bien sociale que politique et spirituelle !

Amar Ould Béjà

Source  :  L’Authentique le 03/05/2012

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