Sarkozy-Le Pen, les liaisons dangereuses

(Crédit photo : Benoit Tessier / REUTERS)

Le mardi 24 avril 2012 pourrait marquer d’une pierre blanche l’évolution des droites françaises. En déclarant à Longjumeau, sur les terres de sa porte-parole Nathalie Kosciusko-Morizet, que le Front national est « compatible avec la République », Nicolas Sarkozy a spectaculairement validé l’opération de « dédiabolisation » entreprise par Marine Le Pen.

Ce faisant, il tente de sauver son élection mais cautionne aussi, en cas de défaite, un possible rapprochement de la droite et de l’extrême droite, alors que les prochaines élections législatives s’annoncent extrêmement difficiles pour l’UMP .

Avant lui, aucun président de la République n’était allé sur ce terrain là. Aucun haut responsable de l’UMP ou de feu le RPR n’avait non plus osé de tels appels du pied à l’électorat FN et surtout une telle reconnaissance du parti d’extrême droite.

La thèse que défend Nicolas Sarkozy est de dire qu’à partir du moment où Marine Le Pen est autorisée à se présenter à l’élection présidentielle, ce parti est « compatible avec la République » et qu’il faut évidemment écouter les 6,4 millions d’électeurs qui ont choisi d’aller voter pour lui.

Mais partant de là, le président candidat cautionne de facto les thèses défendues par ce parti en affirmant qu’aucun sujet ne doit être tabou. Le Front national se singularise des autres partis en défendant un projet axé sur la préférence nationale, le rejet de l’immigration et la sortie de l’euro.

En réalité, l’opération dédiabolisation a commencé dès le début de la campagne. Nicolas Sarkozy a laissé son ministre de l’Intérieur Claude Guéant, affirmer que « toutes les civilisations ne se valent pas ». Puis, il a cautionné la polémique sur la viande hallal lancée par Marine le Pen.

Ensuite, il a annoncé sa volonté de réduire de près de moitié les flux migratoires et précisé que les conditions du regroupement familial seraient durcies ; enfin il a annoncé qu’il faudrait désormais dix ans de présence sur le territoire français pour bénéficier du minimum vieillesse et dix ans de présence dont cinq ans d’activité pour toucher le RSA.

Toutes ces annonces n’ont pas empêché Marine Le Pen de recueillir 18,03 % des suffrages au premier tour de l’élection présidentielle en surfant sur le désespoir social et les promesses non tenues sur le pouvoir d’achat. La présidente du Front national est devenue la clé du second tour.

La conséquence la plus spectaculaire est la perte de boussole du représentant de la droite parlementaire. Désormais toutes les vannes sont ouvertes ou presque. Ce que Patrick Devedjian, un des anciens fidèles du chef de l’Etat, a condamné dès dimanche soir en déclarant : « l’extrême droite n’est forte que quand la droite est faible ».

Ce n’est évidemment pas la première fois, dans l’histoire de la Ve République, que la droite se retrouve affolée par l’extrême droite. Elle a commencé à vivre sous la pression du parti lepéniste à partir des années 1983-1984 et n’a cessé de l’être depuis.

L’évènement le plus spectaculaire a été la qualification de Jacques Chirac et de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2002.

Mais avant, il y avait eu une autre alerte. Aux élections régionales de 1998, le FN avait obtenu 15 % des voix. Il avait fait élire 275 conseillers régionaux et s’était retrouvé en position d’arbitre dans une vingtaine de régions.

Certains élus UDF avaient craqué et accepté les voix du FN pour être élus président de région. Au RRR cependant, les consignes avaient été très strictes : pas question de pactiser.

Alain Juppé et Philippe Séguin, en désaccord sur tout le reste, étaient au moins d’accord la dessus.

Pour contrer la poussée continue du FN, la parade imaginée par Jacques Chirac et ses fidèles a été de créer l’UMP en 2002. Autrement dit de regrouper la droite parlementaire pour mettre fin aux divisions endémiques entre le RPR et l’UDF.

Le parti unique a en fait servi de rampe de lancement à Nicolas Sarkozy qui, pour s’imposer face au FN en 2007, a choisi non pas une opposition frontale mais une récupération de ses thèmes.

Cinq ans plus tard, c’est cette stratégie qu’il pousse jusqu’à l’extrême au risque de tout perdre et de laisser dernière lui une UMP cassée en deux.

Il y aura ceux qui voudront pactiser avec le FN et les autres. Un champ de ruine.

Françoise Fressoz

Source  :  « Le 19 heures de Françoise Fressoz » ( blog / Le Monde) via Le Monde le 24/04/2012

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