La bourse des esclaves

(Crédit photo : anonyme)

Le Cheikh Saleh El Maghamissy est un prédicateur saoudien. Pur produit de l’école rigoriste du wahabisme, il continue à croire qu’en Mauritanie, on peut toujours acheter des esclaves. Non, il est même sûr, le Cheikh Maghamissy que la Mauritanie est une bourse à esclaves.

Muni de son bâton pèlerin, il le scande sous tous les cieux, sans que jamais personne ne lui porte la réplique. Il conseille même ses disciples de l’Arabie Saoudite et du Golfe de se rendre en Mauritanie pour acquérir des esclaves en vue de les « délivrer » en leur offrant leur liberté pour expier un quelconque péché. Selon les indices boursiers du prédicateur, la tête d’un esclave vaut 10.000 Riyals saoudiens, soit 800.000 ouguiya environ.

La sentence est terrible non pas seulement pour l’image de la Mauritanie, ni pour celle de son peuple, mais aussi pour la religion musulmane elle-même qui continue de donner, quelque part, l’image d’une religion qui tolère l’exploitation éhontée de l’homme par l’homme sans aucun fondement autre que la force brute et l’interprétation arbitraire des textes. La sentence est aussi terrible pour Radio Mauritanie qui a rediffusé, comme par provocation au peuple mauritanien en entier, le prêche rétrograde de cet imam non moins rétrograde. Nombreux étaient les auditeurs qui ne comprenaient pas pourquoi, de tels propos ont été autorisés à passer par nos ondes.

Vous comprendrez donc facilement que la polémique est belle et bien installée en Mauritanie sur la pratique de l’esclavage. Si ici, l’on nous impose la notion de « séquelles », les saoudiens eux, disent, preuves à l’appui, que l’esclavage est bel et bien toujours pratiqué en Mauritanie. Ainsi, le Cheikh Mohamed El Hassen Ould Deddew qui était l’invité d’une émission sur la chaîne saoudienne « Errissala » (Le Message) vendredi dernier, a pris, en pleine figure, la réplique de l’animateur, visiblement pas content que le cheikh nie l’existence de la pratique en Mauritanie. Le journaliste vexé devait faire une révélation d’importance qui donnera certainement froid au dos à plus d’un mauritanien : « mais, l’un d’eux a offert une esclave (de Mauritanie) à notre rédacteur en chef !! », ce à quoi le cheikh Deddew a répondu, froidement, le visage tiré : « je ne suis pas au courant !!! ».

Il n’y a pas de fumée sans feu. Et tout cela explique deux choses. Premièrement que l’esclavage continue à être une pratique répandue dans notre pays malgré les lois, les déclarations des politiques, les démentis des activistes conservateurs et autres nationalistes chauvins qui assimilent toute dénonciation de la pratique à une haute trahison, tout en laissant les esclavagistes agir en toute impunité. Secundo, que la filière de trafic d’esclaves entre la Mauritanie et les pays du Golfe, spécialement l’Arabie saoudite, dénoncée par les ONG, notamment celle des Femmes chefs de ménage, est une réalité que personne ne peut plus contester. Si l’on donne des esclaves comme présents à des saoudiens, rien n’empêche de les vendre, les troquer ou les céder pour absoudre une dette ! La Mauritanie officielle fermerait-elle alors les yeux devant ce commerce de personnes ? Rien n’est moins sûr.

Tout ce que l’on sait, c’est que les propos du journaliste, qui ne cessent de faire le tour du monde puis vendredi dernier, doivent être éclairés. Si les autorités mauritaniennes sont réellement engagées, sans équivoque, dans la lutte contre l’esclavage, elles auraient exigé une enquête et ouvert une instruction pour délivrer la pauvre esclave donnée en cadeau et traduire le « mécène » devant la justice. Une commission rogatoire est toujours possible en demandant aux autorités saoudiennes d’interroger le rédacteur en chef de « Erissala » sur cette affaire grave. Si l’esclavage n’est pas interdit au Royaume, il l’est formellement en Mauritanie. Et puis, c’est un citoyen mauritanien qui a offert une concitoyenne, réduite en esclave, à un saoudien ! Et puis, c’est un citoyen mauritanien, qui se trouve réduit à l’état de soumission et d’esclavage hors de son pays !

Ne se faisant aucune illusion sur les véritables intentions des autorités sur la question, elles qui interdisent aux oulémas, par le biais du faghih des boulangeries, de ne point aborder la question de l’esclavage, l’IRA s’est directement adressée à l’Ambassade du royaume wahabbite en Mauritanie pour tirer la première affaire au clair. Probablement, elle n’aura aucune réponse sur la question de savoir si la position exprimée par le cheikh Maghamissy était une position individuelle ou si elle reflétait la position officielle du Royaume.

Le second cas que nous tirons de cette affaire, lui, a mis le cheikh Deddew dans une position peu confortable. Ce qui est grave ici c’est que notre érudit a raté sa réponse. Au lieu de dénoncer le cas évoqué par le saoudien, il n’a pas trouvé de mieux à dire qu’un sec et indifférent « je ne suis pas au courant » ! L’occasion lui était pourtant ouverte d’ouvrir les débats et d’en savoir plus, et pourquoi pas, porter secours à sa concitoyenne ? Pécheurs du monde, dites-vous que pour vous absoudre et faire la kaffara, vous avez une bourse aux esclaves : la Mauritanie !

Amar Ould Béjà

Source  :  L’Authentique le 23/04/2012

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