Sneïba : Autour d’un thé

(Crédit photo : Sneïba / Le Calame)

Les putschistes maliens n’avaient pas de ligne rouge. Visiblement, ils n’avaient pas en tête, comme les nôtres, de rester au pouvoir. Et même si un coup d’Etat est difficilement justifiable, les raisons des mutins Sanogo et autres sont beaucoup plus plausibles que celles des auteurs de la multitude de putschs perpétrés en Mauritanie.

Le retour des civils au pouvoir au Mali a eu lieu à l’issue d’un heureux accord entre la CEDEAO et la junte. Deux enseignements essentiels ressortent de ce dénouement. D’abord, le prix de l’aventure. En deux semaines d’absence de l’Etat, la partition d’un pays qui était, résolument, engagé sur la voie du développement, a été consommée. Un saut rocambolesque dans l’incertitude, assorti de plus de cent mille réfugiés et de toutes sortes de violations des droits humains. Ensuite, c’est bien la détermination de toutes les forces vives du Mali qui a résolu la junte à se rendre à la constitutionnalité. Ses appels à une conférence nationale et ses manœuvres d’appâter certaines figures emblématiques de la classe politique n’ont fait que renforcer la volonté populaire de recouvrer la légalité. Cette parenthèse malienne démontre, ainsi, combien la Mauritanie fut au bout du gouffre, en août 2008, et qu’aucune ligne, aussi rouge soit-elle, ne peut tenir face à l’opiniâtreté et au courage d’un peuple résolu à ne pas se laisser abuser par une poignée d’aventuriers, fussent-ils généraux ou maréchaux.
Des milliers de têtes de bétail qui meurent au Brakna. Un programme d’urgence dont la mise en œuvre est dénoncée, une fois de plus, par tous les bénéficiaires. Des étudiants en colère depuis plusieurs mois. Des fournisseurs qui réclament quelque vingt milliards de dettes (19 milliards 600 millions exactement, selon le ministre des Finances). Les prix hors de prix, les manifestants dans l’enceinte de la Présidence, le carburant qui pète le feu. Les grognes à Aoujeft, Bassiknou, Guérou. Le blocage politique. Les marchés gré à gré. La crise sécuritaire. Le climat lourd, lourd, lourd. Et, mine de rien, un Président qui prend part à un marathon, pour décompresser. C’est, peut-être, la plus jolie manière de répondre aux attentes des populations qui commencent à réaliser, de plus en plus, que la Mauritanie d’hier n’est en rien différente de celle d’aujourd’hui et que le mépris des gouvernants d’autre fois ne s’est pas « totalement » dissipé. La récente histoire du poisson et des dattes pour dissuader les populations d’aller à la marche de l’opposition est là pour désillusionner les plus indécrottables gogos Mais le meilleur commentaire, sur la participation du Président au marathon de vendredi dernier, est celui d’un ami : « Le Président a raison d’y participer, peut être qu’il y a des per diem ». Car, attention, le Président sait tout. C’est un Président intelligent. Novateur. Innovateur même. Inventeur. Simple à démontrer. Les gens de la COD sont des tricheurs sur les grandioses réalisations du « Président ». J’y reviens quand même. Le Président les inspire et pas dans sa spécialité de militaire mais en économie. C’est quand il est venu au pouvoir, en août 2008, que le Président a parlé, pour la première fois au monde, du principe de l’adéquation de la formation avec les besoins du marché du travail. Cela méritait le prix Nobel de l’économie. Pour la première fois, le Monde a découvert que la littérature est à l’origine du sous-développement des pays comme la Mauritanie. Les nombreux axiomes sur la gabegie et les théorèmes, ma-thé-ma-tiques, sur le gré à gré. Les inclassables théories sur la barbe et ses rapports avec la vérité. Heureusement qu’il y a eu le 6 août 2008 ! Tout le mérite revient aux parlementaires frondeurs qui ont fait découvrir, au Monde, un génie civil et militaire. Mais les gens sont méchants. Le Président ressemble, dans l’imagerie populaire, à la viande du cou : Mangée et dénigrée. Par tous. Les proches. Directement. Les lointains. Indirectement. Ah, ça, ce n’est pas du travail. Collez nous la paix. Vos sempiternels « dégage » ne dégageront personne. Allah seul peut dégager un Président, même à quelques jours de la fin de son mandat. Le Mali est là pour nous rappeler cette amère vérité. Cours, Président, marathone à tout va ! 2014, c’est encore loin…

Sneïba

Source  :  Le Calame le 18/04/2012

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