Les faux frères d’Afrique

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La Mauritanie semble avoir d’énormes problèmes à manager ses relations africaines. Non seulement avec certains Etats, mais aussi avec les peuples d’Afrique noire. Résolument tournée vers son « milieu » arabe, sa classe politique née dans les carantes et limitées officines des putschistes de 1978, a tellement diabolisé le continent africain et les africains que l’on pourrait être amenés à penser que nous ne sommes pas de ce continent.

L’objectif affiché était de rompre avec l’ère de Feu Moctar Ould Daddah, le père de la Nation. Le résultat est visible : aujourd’hui,  » tout «  vaut mieux que cet africain. Un coréen du sud est mieux vu chez nous que n’importe quel autre ressortissant de n’importe quel pays africain du sud Sahara.

La propagande nationaliste, exacerbée par les conflits politiques internes latents sous diverses formes (identité, question de la langue et « l’arrimage » culturel de manière générale, etc…) ont été aussi l’occasion, pour les extrémistes, de couper l’ordre ombilical liant la Mauritanie à son milieu géographique, culturel, politique et historique immédiat.

En effet, dès l’arrivée des militaires au pouvoir, les alliances diplomatiques du pays changent. Au lieu d’une présence marquée et souvent surdimensionnée dans les sphères africaines, l’on se tourne vers Baghdad, Damas, Tripoli et Ryad. Pour certains, ce n’était pas seulement une opportunité de sortir du « joug africain » pour affirmer une identité arabe longtemps contestée (du moins politiquement jusqu’en 1974), mais aussi pour se faire fortune. Certains leaders nationalistes arabes vivent aujourd’hui de la « réserve » constituée, à l’époque, des fonds politiques injectés par les pays « parrains » !

Très rapidement, les rapports censés être fondés sur la réciprocité fraternelle deviennent une subordination intellectuelle, politique et parfois même militaire. Progressivement, des fonds affluent pour financer des organisations clandestines qui se structurent et noyautent l’Etat avec l’objectif d’ancrer la Mauritanie sur tel ou tel autre modèle arabe…

Confondant l’arabité avec une animosité systématique avec l’africanité (et non la négritude en tant que concept identitaire engagé), les tenants de ces courants tueront l’africain en chaque mauritanien. Il s’ensuivra la diabolisation de l’Afrique et le dédain entretenu contre l’africain et au-delà, le noir. C’est ce qui, entre autres, poussera l’Etat mauritanien à se retirer de la CEDEAO sans aucune raison valable, faisant fi des intérêts vitaux de la Mauritanie et de son peuple. Pourtant, le citoyen, lui, perpétue la longue transhumance vers le sud derrière son troupeau ou à la recherche de bénéfice et du bien-être, ou encore, plus récemment, à la recherche du savoir.

Dans les médias officiels, l’Afrique n’est évoquée, le plus souvent, que dans ses aspects avilissants, dégradants. Partout, on cherche à complexer ceux, parmi nos citoyens, qui se sentent fiers d’être africains ! Dans certains milieux intellectuels chauvins, on réveille même les vieilles théories colonialistes sur l’infériorité de l’hommeafrician. Et ces « lépénistes des tropiques » sont souvent reliés même par les médias publics !

Ce comportement de l’Etat a eu comme conséquence directe, la marginalisation de notre pays dans les affaires africaines. La place de trait d’union, que nous avons désertée, qui est une vocation naturelle avant toute autre charge idéologique et identitaire, est reprise et exploitée par d’autres pays comme le Maroc, la Tunisie, l’Egypte et l’Algérie qui ont su asseoir et entretenir des relations légendaires avec des pays et des chefs d’Etat africains et n’en tirent que aura pour leurs pays et prestige pour eux-mêmes.

Aujourd’hui, ils sont plus pesant sur le continent que nous et leur avis compte dans chaque décision, même si le Maroc ne fait plus partie de l’UA ! Et pour aggraver notre cas et accentuer l’isolement de notre pays en Afrique, nos autorités ne cessent, depuis deux décennies, de faire preuve d’une xénophobie grave contre les ressortissants des pays d’Afrique noire.

Qu’ils soient en règle ou illégaux, les ressortissants africains ne se sentent jamais à l’aise chez nous. Ils sont chroniquement harcelés par les services de sécurité et leurs innombrables filières. Devant la justice, ils sont facilement condamnables et mis aux arrêts avec autant de légèreté que de mépris. Non protégés par aucune ambassade (il y a moins de dix ambassades africaines du sud Sahara chez nous !), les ressortissants des pays noirs souffrent le martyr. Et ce qui se passe actuellement contre ces ressortissants à Nouadhibou, n’est pas pour améliorer notre image dans le continent. Et pourtant, notre avenir réside dans l’antre de notre passé : l’Afrique.

Nous sommes aussi africains et devons en être fiers au lieu de donner cette piteuse et lamentable image de faux frères de l’Afrique !

Amar Ould Béjà

Source  :  L’Authentique le 18/04/2012

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