En attendant le printemps…

(Crédit photo : Ahmed ould Cheikh/Le Calame)

La semaine dernière, notre sous-région a connu deux événements d’une extrême importance : l’accession au pouvoir, par la voix des urnes, de Macky Sall, au Sénégal, et l’arrivée, par celle des armes, du capitaine Sanogo, à la tête de l’Etat malien.

Le premier rappelle la Mauritanie de mars 2007 et le second celle d’août 2008. Autant le Sénégal a été encensé et sa démocratie citée en exemple, autant le Mali a fait l’objet de condamnations unanimes et été voué aux gémonies. Ces situations extrêmes, nous les avons, nous, paradoxalement réunies, passant, en quinze mois, du jour à la nuit. Notre général putschiste a eu, il faut le reconnaitre, plus de chance que le nouveau capitaine Dadis du Mali. Ce dernier a renversé une démocratie vieille de plus de vingt ans et un président qui s’apprêtait à rendre son tablier dans un mois. Notre militaire n’était, lui, jamais resté loin du pouvoir, sur lequel il lorgnait depuis 2005, et attendait l’occasion de le reprendre aux civils. Et, contrairement à Sanogo, le contexte lui était favorable. L’Europe, qui s’inquiétait beaucoup de l’immigration clandestine et de la montée en puissance d’AQMI, trouvait, avec lui, un chevalier servant et docile. Démocratie et élections libres ? L’Union africaine et son comité de paix et de sécurité pouvaient aller se rhabiller. Quand l’ancienne puissance colonisatrice se prononce, il faut se mettre au garde-à-vous. L’intérêt de l’Europe prime sur tout le reste.
Une realbolitik que ne semble pas avoir assimilée le chef de la junte malienne. Il aurait dû, d’abord, délier les cordons de la bourse, pour se faire, rapidement, des amis dans les centres de décision des pays qui comptent se présenter en champion de la lutte contre le terrorisme et jurer, par tous les saints, qu’il ne laissera plus passer un seul immigrant clandestin à travers son territoire. Les menaces de la CEDEAO et de l’UA ne tarderaient plus, maintenant, à se transformer en bravades sans lendemain. Et, d’une position de fermeté, on glisserait, tout en douceur, vers la recherche d’une « solution-garantissant-un retour-à-l’ordre-constitutionnel ». Un accord serait, ensuite, conclu, quelque part, débouchant sur une élection présidentielle à laquelle les militaires pourraient participer. Leur candidat gagne, la boucle est bouclée et le problème malien est évacué. CQFD. En attendant le prochain coup d’Etat.
Politique réaliste ? Voire de la réalité ? Certains croient, encore, que tout ce qui est réel est rationnel. Tout est, évidemment, une question de point de vue et l’on conçoit bien, hélas, qu’il y ait de sérieuses nuances entre celui de Sarkozy et celui de de Gaulle, par exemple. L’irrationnel, l’émotionnel, l’évènementiel, le médiatique commandent, bien plus souvent, aujourd’hui, qu’il y a cinquante ans, la politique. Du coup, les solutions aux problèmes conjoncturaux se révèlent, de plus en plus vite, sources de nouveaux problèmes. On le constate en Mauritanie, tout en l’attente de son printemps. Mais qui s’en soucie, dans un Hexagone tourmenté, lui-même, par une gestion déplorable de ses propres réalités ?

Ahmed ould Cheikh

Source  :  Le Calame le 03/04/2012

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