Bâ Madine, Directeur de l’Agence Nationale d’Accueil et d’Insertion des Réfugiés (ANAIR), au Quotidien de Nouakchott

(Ba Madine. Crédit photo : anonyme)

« Les étudiants seront systématiquement boursiers. Maintenant tous ceux qui ont un métier, nous allons les aider à retrouver un emploi »

C’est à Rosso que nous l’avons rencontré, s’affairant à l’organisation du site d’accueil devant abriter la cérémonie de clôture définitive du processus de rapatriement des réfugiés que doit présider le président de la république, Mohamed Ould Abdel Aziz, attendu incessamment dans la matinée à Rosso. Malgré qu’il soit débordé de tâches, Bâ Madine s’est prêté volontiers aux questions de notre reporter.

Quotidien de Nouakchott : Maintenant que le dernier contingent de rapatriés est rentré au pays, que vous inspire la célébration de cette journée du 25 mars auquel le chef de l’Etat va assister tout à l’heure pour procéder à la clôture définitive du processus de rapatriement ?

Bâ Madine : Permettez-moi d’abord un petit rappel sur la décision qui était prise de rapatrier nos compatriotes le 25 mars. En effet, compte tenu du deuxième tour des élections présidentielles aujourd’hui au Sénégal, la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie est fermée, donc il ne pouvait pas y avoir de rapatriement à cette date. C’est à cause de cela –et à cause de cela seulement- comme vous l’avez souligné, que le processus a été décalé mais avec un programme maintenu le 25 mars. Comme vous le constatez, le gouvernement sénégalais a envoyé trois grands envoyés plus l’ambassadeur du Sénégal. Le haut commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés est représenté par le Commissaire lui-même à cet évènement.
Cela dit, le fait de placer cette journée de réconciliation nationale sous le signe de l’accueil du dernier contingent de rapatriés, m’inspire d’abord un sentiment de satisfaction parce que, quand un processus est entamé et que toutes les parties qui l’ont engagé ensemble, conviennent d’un jour particulier pour y mettre fin, il faut d’abord remercier Allah de nous avoir guidés vers cela.
Ensuite, il faut se féliciter de l’action conjuguée du gouvernement mauritanien, du gouvernement sénégalais, du HCR pour atteindre les objectifs de rapatriement de tous les mauritaniens qui avaient exprimé le souhait de rentrer. Il faut rappeler que en 2007, le nombre de compatriotes qui avaient décidé de rentrer librement en Mauritanie était autour de 24.500. Actuellement, au jour d’aujourd’hui, 24.272 personnes ont été effectivement rapatriées. C’est dire que, si on est pas proche des 100 % d’objectif, on est au-delà des 95 % des objectifs. Donc quand vous engagez un processus et que vous le finissiez dans la fête, la seule chose à dire c’est Alhamdoullilah de nous avoir aidé à contribuer de cette façon à la consolidation de l’unité nationale. Parce qu’il s’agit effectivement de la consolidation et du renforcement de l’unité nationale.
Le rapatriement de nos compatriotes qui étaient réfugiés au Sénégal constitue un pas important dans le processus de réconciliation nationale, dans le processus qui fait que la Mauritanie va se réconcilier de manière définitive avec elle-même.

Le retour de ce dernier contingent de réfugiés marque t-il la clôture définitive du processus de rapatriement ou une porte reste encore ouverte pour ceux qui ne sont pas encore revenus pour des raisons diverses ?

Je pense qu’il faut d’abord redéfinir le cadre du retour. Le retour est organisé pour tous nos compatriotes réfugiés au Sénégal qui ont exprimé le désir de rentrer librement. C’est un retour volontaire. Il y en a pour des raisons diverses, choisissent de ne pas rentrer ou de se réinstaller ailleurs. C’est leur droit aussi. Mais vous conviendrez avec moi que la Mauritanie est désormais un Etat de droit où les droits de tous les citoyens, ceux des étrangers sont garantis. Donc ceux qui veulent revenir sont la bienvenue. Mais à partir d’aujourd’hui, les candidats au retour pourront le faire suivant d’autres formules qui seront mises en place. Toutefois, il n’y’aura plus de retour assisté ni organisé. Les retours se feront comme par le passé parce que l’association des réfugiés qui était au Sénégal avait demandé à rentrer au pays et d’être accueillie officiellement dans la dignité et l’honneur. C’est ce que le gouvernement mauritanien, avec l’assistance du gouvernement sénégalais et du HCR, a fait. Et pour l’avenir, tous ceux qui voudront revenir, pourront le faire mais suivant d’autres formes d’organisations de retour.

Sans doute que le défi de la réinsertion va se poser pour ceux des rapatriés qui sont élèves, étudiants ou des ouvriers qualifiés. Comment comptez-vous faire pour aider les uns et les autres à se réinsérer dans le tissu socioéducatif et socioéconomique ?
Le dernier rapatrié est un ancien fonctionnaire. Il a parlé tout à l’heure en direct. Donc je vous renvoie à ce qu’il a déclaré. Maintenant, s’agissant de tous ceux qui sont en cours d’étude, je veux rappeler que tous les étudiants rapatriés inscrits dans les universités mauritaniennes, sont boursiers. L’Etat leur offre, par le biais de l’ANAIR, une bourse. Donc tous ceux qui reviennent et qui sont encore en étude, seront inscrits dans les écoles et les universités. Les étudiants seront systématiquement boursiers. Maintenant tous ceux parmi eux qui ont un métier, nous allons les aider à retrouver un emploi. Vous savez qu’en Mauritanie, ceux qui ont un métier à faire valoir, doivent travailler et il se trouve que nous autres mauritaniens, il nous arrive de ne pas aimer faire certains métiers. Mas nous sommes 3 millions d’habitants, avec un potentiel de 4.500.000 postes de travail, ca veut dire que y’en a parmi nous qui ne travaillent pas. Le potentiel de poste de travail est supérieur même pour le développement de la Mauritanie qu’à la population mauritanienne. Il suffira, vous avez vu la multiplication des postes de formation, tous ceux qui voudront se former dans des métiers porteurs, nous sommes prêts à les instruire. Tous ceux qui veulent autres choses, il faudra que nous recherchions avec eux d’autres formules. Tout ce que je peux dire, est que tous ceux qui sont rentrés et qui veulent s’insérer activement dans le tissu socio-économique, nous sommes prêts à les accompagner, notamment dans le secteur agropastoral. Nous avons 140000 d’hectares de terre irrigables, nous avons de l’eau et des terres, il n’y a que 30000 hectares qui sont exploités sur un formidable potentiel de 110.000 hectares qui peut faire travailler toute la Mauritanie et nourrir de manière conséquente tout le pays. Cessons de nous quereller sur un certain nombre de choses et engageons-nous activement dans le développement du pays par le travail. Et seulement par le travail, nous pourrons développer la Mauritanie.

Vos conclusions à l’issue de cette manifestation ?
C’est de dire aux rapatriés que vous êtes revenus chez vous. Vous n’êtes plus des réfugiés au Sénégal et le président, avait dit en 2008, ici dans cette place même aux rapatriés, nous n’accepterons pas et vous ne devez pas non plus accepter qu’on fasse de vous des réfugiés dans votre propre pays. Qu’ils sachent qu’ils sont désormais des citoyens en pleine possession de leurs droits. Qu’ils réclament leurs droits, mais qu’ils s’acquittent aussi de leurs devoirs. Quand ils le feront, ils seront des citoyens. L’Etat sera à leurs côtés pour les aider à s’insérer harmonieusement dans le tissu économique. Quand aux populations mauritaniennes, la composition sociologique des personnes présentes ici montre que la Mauritanie unie est contente de leur retour. Puisse Allah, consolider davantage notre unité nationale.

Propos recueillis par Moussa Diop

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 28/03/2012

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

 

 

Quitter la version mobile