Coup d’état au Mali : « Le CNRDR (comité national de redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat) a décidé de prendre ses responsabilités en mettant fin au régime incompétent et désavoué de monsieur Amadou Toumani Touré. La constitution est suspendue jusqu’à nouvel ordre, toutes les institutions de l’Etat sont dissoutes jusqu’à nouvel ordre.
Un gouvernement inclusif d’union nationale sera constitué après consultation de toutes les forces vives de la nation. L’objectif du CNRDR ne vise en aucun cas une confiscation du pouvoir et nous prenons l’engagement solennel de restaurer le pouvoir à un président démocratiquement élu dès que l’unité nationale et l’intégrité territoriale seront rétablies. » (Déclaration lue sur les ondes de l’ORTM par le Lieutenant Amadou Konaré, porte parole du comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat ).A moins de s’installer dans une certaine logique voulant que ce qui arrive à Amadou Toumani Touré soit l’expression d’un retour du bâton, le coup d’état militaire qui s’est produit entre mercredi 21 et jeudi 22 mars 2012 au Mali a tout l’air d’une abdication de l’armée d’un pays qui avait plus besoin d’être protégé que de vivre une suspension de ses institutions et une fermeture de ses frontières terrestres, le temps de faire consommer par l’opinion la raison des armes…
Les putschistes ont avancé comme raison de leur coup de force un manque de moyens pour faire face à la rébellion touarègue ainsi qu’à la présence de groupes armés terroristes dans le Nord du Mali. Là-dessus, l’encadrement militaire se voit pointé du doigt parce que tenu pour responsable de toutes les humiliations infligées aux troupes depuis janvier avec le déclenchement de la rébellion. Une armée sans cesse défaite.
On peut certes reprocher à celui qui reversa Moussa Traoré en 1991 et réussit héroïquement une transition ayant permis d’inscrire le Mali sur la liste des rares pays démocratiques d’Afrique, d’avoir faibli au crépuscule de son règne car n’ayant pas su assumer ses responsabilités de chef de guerre face à une rébellion qui s’est invitée sur un champ de bataille déjà investi par des terroristes et autres bandes armées, que son voisin mauritanien s’est arrogé le droit de corriger depuis plusieurs mois…
Voilà donc un putsch à propos duquel les détracteurs d’ATT disent déjà : « ça lui apprendra à trop vouloir la paix ! » On lui reproche d’avoir laissé le Nord de son pays « libre pour le terrorisme », de ne pas s’investir assez pour combattre des ennemis qui ne font pas «plus de 300 hommes (…) à la portée de n’importe quel Etat » (Mohamed Ould Abdel Aziz, dans une interview au journal français Le Monde) ; de s’être montré trop mou après ce qu’ont subi les militaires maliens (Ménaka, Aguelhoc, Tessalit, etc.) de la part des rebelles, bref d’avoir négligé la sécurité…
Eh oui, qui veut la paix prépare la guerre ! Mais ce qui vient de se passer au Mali donne à réfléchir sur la mentalité des militaires de l’Afrique en général : ils sont plus forts pour renverser les pouvoirs que pour défendre leur patrie…Ce n’est qu’un constat qui peut être discuté. Mais il y a à se demander pourquoi à chaque fois qu’il est question de se battre pour la Nation les militaires finissent par « retirer leur confiance » à leurs chefs suprêmes !
Un petit exemple : Au milieu des années 70, la Mauritanie est en guerre contre le Polisario. Epuisées, démoralisées, réalisant qu’elles ne remporteront pas cette guerre après avoir subi plusieurs attaques ennemies dans la capitale, les troupes renversent Moktar Ould Daddah et lui disent : l’armée a décidé de vous retirer sa confiance.. Si les premiers officiers qui ont dirigé le pays, à partir de juillet 1978, ont donné l’impression d’être de bonne foi, la plupart d’entre eux n’ont pas hésité à s’installer dans le confort et à s’embourgeoiser. Au pays des colonels, la richesse et les influences deviennent les armes les plus efficaces et les meilleurs atouts de persuasion. Entre le confort des villas cossues et des bolides rutilants et la rigueur des espaces arides et risqués, point besoin de faire du thinking twice ! C’est d’ailleurs, entre autres, pour cette raison que, trente ans plus tard, alors que le pays est menacé au Nord par des groupes terroristes qui tuaient sans pitié les soldats à Tourine, lemghayti, Al Ghallawiyya, etc., et que l’envoi au front d’officiers supérieurs était envisagé, le coup d’état du 03 août 2005 est survenu pour sonner le glas des 21 ans de pouvoir d’un certain Maouya Ould Sid’Ahmed Taya…
Décidément, il est plus facile de renverser un président que de partir se battre au front…
On ne va peut-être pas trouver les mêmes raisons au putsch d’août 2008 qui écourta le mandat de Sidi Ould Cheikh Abdellahi. Son tombeur Mohamed Ould Abdel Aziz avait justifié cet acte par le fait que le pays était très mal protégé contre les terroristes…Et depuis, la Mauritanie se ‘vaccine’ contre Aqmi en allant prendre une bonne dose d’immunité dans le nord malien. C’est la guerre préventive qui a failli couter cher à un gendarme mauritanien un certain 20 Décembre 2011 à Adel Bagrou dans l’Est du pays.
Kissima Diagana
Source : kissimadiagana.blogspot le 22/03/2012
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com
Les opinions exprimées dans la rubrique Tribune n’engagent que leurs auteurs. Elles reflètent en aucune manière la position de www.kassataya.com