Le racisme existe, pas les « races »

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François Hollande veut supprimer le mot « race » de la Constitution. Nicolas Sarkozy juge sa proposition « ridicule ».  Cette guerre de mots cache une divergence beaucoup plus profonde qu’il n’y paraît.

 

Entre un candidat de gauche qui croit au droit à l’indifférence, au coeur du modèle républicain français, et un président de droite qui préfère flatter le droit à la différence sur un mode plus anglo-saxon.

 

Le droit à la différence part du principe que les humains sont différents, en raison de leur couleur de peau et de leur origine ethnique, mais qu’il faut les traiter équitablement. C’est la tournure prise par l’antiracisme américain, parfois plus efficace mais aussi moins subtil que l’antiracisme français. Au lieu de refuser les catégories de la ségrégation, il s’est surtout battu pour obtenir un rééquilibrage communautaire. La communauté noire, puis d’autres, se mobilisant – voire rivalisant – pour obtenir des mesures de discrimination positive en fonction de la « race ». Ce qui peut paraître efficace à court terme, pour faire émerger quelques modèles, ne change pas forcément les mentalités de tous. Notamment de l’Amérique blanche profonde.

En France, le défi est différent. L’antiracisme de ces soixante dernières années ne s’est pas construit face à la ségrégation mais face à l’extermination. En refusant les catégories du nazisme. Le mot « race » n’a d’ailleurs pas la même signification en anglais qu’en français. Ici, il ne désigne pas seulement la couleur de peau. Il fait écho à une idéologie où tous les humains ne font pas partie de la même espèce selon leur apparence. Cet inconscient a la vie dure. Comment le combattre ? En expliquant que les « races » n’existent pas. Mais comment convaincre si le terme figure dans notre Constitution ? Les résistants qui l’ont inscrit ne pensaient pas à mal, bien au contraire, quand ils ont voulu l’égalité entre les citoyens « sans distinction de race ». Ils n’avaient pas encore le recul nécessaire pour s’émanciper du vocabulaire de leur époque. Il est temps de briser cette chaîne et de tourner la page.

Déminer les préjugés

Personne n’a dit que supprimer le mot « race » de notre Constitution supprimera le racisme. Il s’agit d’espérer déminer les préjugés à l’origine des discriminations. C’est déjà beaucoup. Et certainement mieux que de vouloir inscrire le mot « diversité » dans la Constitution, comme le souhaitait jadis le président sortant. Sous couvert de mettre en valeur la diversité, il s’agissait surtout de permettre la création de statistiques ethniques et de reconnaître le droit à la différence. Au pire, cette consécration aurait fortifié les stéréotypes. Au mieux, elle aurait permis de faire illusion. Quelques symboles de la diversité, exposés de façon quasi exotique, cachant une forêt de renoncement à l’égalité des chances… Beaucoup plus coûteuse à mettre en oeuvre.

En voulant supprimer le mot « race » et en mettant l’égalité au coeur de son programme, tout en proposant de financer des « emplois d’avenir » dans les quartiers « prioritaires » – et non plus « sensibles » -, François Hollande renoue avec ce que la tradition républicaine égalitaire a de plus ambitieux. C’est loin d’être ridicule.

(Essayiste et journaliste, rédactrice en chef  de la revue Prochoix, Caroline Fourest est l’auteure de La dernière Utopie (Grasset, 2009) et de Libres de le dire, avec Taslima Nasreen (Flammarion, 2010)

 

Caroline Fourest

Source  :  Le Monde le 16/03/2012

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