Gigantesque marche de l’opposition: L’étau se resserre

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La Coordination de l’Opposition Démocratique (COD), un collectif de douze partis politiques, a organisé une marche le lundi 12 mars. Un convoi monstre de plusieurs dizaines de milliers d’individus. Parti des environs de la nouvelle maison des jeunes/mosquée marocaine, il s’est ébranlé sur quelque quatre kilomètres, avant de s’immobiliser place de la mosquée Ben Abass, dans une sorte d’apothéose en forme de meeting.

La quasi-totalité des dirigeants de l’opposition, marchaient en tête : Bâ Mamadou Alassane, président en exercice de la COD , Ahmed Ould Daddah, chef de file institutionnel de l’opposition, maître Mahfoud Ould Bettah, président de la CDN, le colonel Abderahmane Ould Boubacar, ex-chef d’état-major, Ahmed Ould Sidi Baba, Mohamed Jemil Ould Mansour, de Tawassoul, auxquels est venu se joindre Ely Ould Mohamed Vall, ancien chef de l’Etat. Afflux massif de jeunes et de femmes, avec, notamment, les amazones de la mouvance islamiste modérée, vêtues de voiles de couleur uniforme.
Buts de l’exercice : protester contre « l’incurie » d’un pouvoir qui tire la Mauritanie vers le bas et l’enfonce dans une crise multidimensionnelle ; demander le retrait définitif du pouvoir militaire, soit, en l’occurrence, le départ du président Mohamed Ould Abdel Aziz, ex-général porté aux commandes, en 2008, par un putsch militaire légalisé, un an plus tard, grâce à un scrutin présidentiel taillé sur mesure.
Depuis plusieurs jours, la manif était annoncée, à grands renforts médiatiques, comme l’évènement politique de ce début d’année. Et les tenants du pouvoir n’en ont pas été de reste, en s’efforçant d’allumer toute une série de contre-feux, pour annihiler les efforts de mobilisation de la COD, mettant à contribution jusqu’à « ses » religieux. Des ulémas totalement acquis à la cause du prince qui se sont évertués à lancer des appels au calme, rendant hommage aux vertus de la paix. On a même vu des membres du gouvernement et autres hauts responsables au porte à porte, tentant de dissuader la population de participer à la marche. Bouquet de cette tentative de torpillage : la distribution gratuite de poissons et de dattes, l’après midi du lundi 12 mars, en différentes circonscriptions administratives de Nouakchott. Evidemment, un bon appât, en ces temps de vaches maigres. Mais, dans les faits, un flop magistral au vu de la ruée des populations de la capitale au rassemblement de l’opposition, en cette chaude après-midi de mars. L’évènement était bien là.
Mobilisation exceptionnelle : responsables, élus, cadres, militants et sympathisants anonymes ont battu le macadam, en criant leur ras-le-bol et leur grand désarroi devant l’incertitude de l’avenir. « A part le goudron, plus rien ne fonctionne, depuis 2008 » : une opinion à ce point répétée, dans le flot des manifestants, qu’elle aurait pu faire slogan.

Ely Ould Mohamed à boulets rouges sur le pouvoir
Parmi les orateurs de l’après-midi, Ely Ould Mohamed Vall, président du Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD) pendant la transition 2005/2007, est revenu sur l’agression anticonstitutionnelle du 6 août 2008. Non pas coup d’état, a-t-il précisé, « mais rébellion d’un officier contre un président de la République élu grâce à 53% des suffrages mauritaniens. Un acte de rébellion qui ne concernait pas l’armée, en tant qu’institution, mais tout juste un élément limogé de son poste, pour avoir transgressé son devoir de réserve ». Après ce petit rappel de l’histoire récente, l’ex-chef de l’Etat a abordé le présent contexte institutionnel de la Mauritanie. Il convoque, à cet effet, l’article 47 de la Constitution, qui décrit parfaitement la véritable situation de non-droit qu’on vit actuellement. Car le mandat de l’Assemblée nationale a expiré depuis le mois de novembre 2011. En conséquence, toutes les lois votées, par le Parlement depuis cette date, sont « illégales ». En conclusion, Ely Ould Mohamed Vall a invité les Mauritaniens à un vaste rassemblement citoyen pour mettre fin à « la crise multidimensionnelle ».
Avant lui, Ba Mamadou Alassane, président en exercice de la COD, avait pris la parole pour demander le départ du président de la République. Une requête justifiée, selon lui, par le constat d’une politique désastreuse, illustrée par l’ambiguë opération d’enrôlement, le bradage des terres de la vallée, la défaillance des structures sanitaires, le chômage endémique… Quant à Ahmed Ould Daddah, le leader du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), il a abondé dans le même sens que ses prédécesseurs à la tribune.
Au final, l’opposition mauritanienne présente le rassemblement populaire de lundi dernier comme le point de départ d’un processus, devant conduire, à terme, à la chute du pouvoir actuel. La COD promet une suite rapide à son action d’éclat qui met, incontestablement, le pouvoir sous pression, dans un environnement géographique frémissant, chargé de réelles perspectives de changement.
Notamment au Sénégal qui se dirige, tout droit, vers une nouvelle alternance, qui lui rendrait son image, historique, de vitrine démocratique, après quelques errements coupables, sous le régime Wade. Quant au printemps arabe, son souvenir reste encore très présent dans les esprits. La nature militaro-démocratique du régime de Nouakchott pourrait, donc, devenir un sujet de vives préoccupations, au cours des prochains mois. Quels arrangements faudrait-il trouver, pour une évolution en douceur ? Dans quel cadre ? Le pouvoir ne peut plus esquiver ces questions et ses réponses détermineront, sans aucun doute, bien plus l’avenir politique de la Mauritanie qu’un dialogue un peu trop conventionnel et limité, qui semble, plutôt, avoir cristallisé les blocages. Les temps changent, il faut savoir s’y adapter. Et vite, au vu des signes qui s’accumulent…
Amadou Seck

Les à côtés de la marche

De quoi se mêlent les ministres d’Aziz
Certains ministres du gouvernement et de très hauts cadres de la république ont suivi à la minute la marche de l’opposition depuis son départ de la place sise devant la nouvelle maison des jeunes à travers des communications téléphoniques avec des personnes qui participaient à la manifestation. Juste à la fin, un ministre de souveraineté a voulu savoir combien de personnes ont participé au meeting. Son interlocuteur lui avance le chiffre de ’’ vers les 52 mille’’. A l’autre bout du fil, le ministre ne semblait pas croire son « collaborateur ».

A défaut de « Baltajiya ,» une bande de voleurs
Heureusement, les informations faisant état de la mobilisation d’une horde de délinquants qui viendraient perturber la marche de l’opposition ne se sont pas confirmées. En revanche, une bande de petits larcins a profité de la densité de la foule pour procéder à des vols de portables, argent et autres petits vols. Malheureusement pour l’un de ses membres à peine la dizaine d’années, un jeune homme l’a surpris en pleine investigation du sac d’une militante somnolente après la dizaine de kilomètres qu’elle vient de parcourir. La demande de clémence de quelques militants n’ont pas permis de l’extraire des mains d’un policier qui était dans les parages en bonne et due tenue.

Bus loués et parqués par l’Etat
Des centaines de bus du transport urbain ont été loués depuis dimanche 10 mars par des institutions de la république pour les empêcher de l’être par la coordination de l’opposition démocratique. Le paradoxe est que leurs propriétaires ont profité en doublant la mise. Ainsi, un bus en activité loué par la COD coûte moins cher qu’un bus immobilisé par la majorité. Gabegie, mauvaise gestion ou grande panique ?

C’est une rébellion pas un coup d’état
Le public, plusieurs dizaines de milliers de personnes a longuement applaudi les propos de l’ancien Président du Comité Militaire pour la Justice et la Démocratie Ely Ould Mohamed Vall. Selon l’ancien colonel, ce qui s’est passé le 6 août 2008 n’est pas un coup d’état, c’est une rébellion. Les institutions de la Présidence et du Parlement sont dans l’illégalité totale et les partenaires ou ambassades qui traitent avec elles le font dans une énorme contradiction avec le droit.

Marcheurs masqués
Certains marcheurs ont pris le soin de bien s’enturbanner avant de s’engager dans la manifestation. Peur de se faire reconnaître par la centaine de flics en boubous infiltrés dans les rangs des manifestants. Les enturbannés sont de hauts fonctionnaires de l’Etat qui ne voulaient pas rater cette occasion de manifester, mais sans courage, leur mécontentement. Histoire dit l’un d’eux de ne pas se faire détecter par l’un de ces espions qui va rapidement aller nous « vendre » à l’Etat.

Aziz dégage !
En plus d’être un slogan repris par tous les manifestants depuis le départ jusqu’à l’arrivée, cette expression est revenue dans la bouche de tous les intervenants sauf Ely Ould Mohamed Vall qui a promis de revenir dans quelques jours plus amplement sur la situation du pays.

A vos ordres mon général !
L’ancien colonel Abderrahmane Ould Boubacar était assis à côté d’Ely Ould Mohamed Vall sur la tribune officielle. C’est lui que Sidi Ould Cheikh Abdallahi avait nommé comme chef d’état major de l’armée nationale lors de la destitution des généraux qui a conduit au coup d’état du 6 août 2008. L’interpellant, l’un des présidents de la COD l’appelle le Général par mérite Abderrahmane Ould Boubacar. Un autre le qualifie de chef légal de l’état major de l’armée puisque nommé par un Président démocratiquement élu.

Rassemblés par Sneiba

Source  :  lecalame.info le 15/03/2012

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