Tout le monde a tendance à l’oublier: voici cinq ans, jour pour jour, l’élection présidentielle portait Sidioca au pouvoir. Sans le coup d’Etat du 6 août 2008, nous serions, aujourd’hui, en pleine campagne électorale pour élire un nouveau président.
Sans son arraisonnement par les militaires, notre démocratie, citée en exemple unique dans le monde arabe, se serait affirmée et consolidée. Les bailleurs de fonds, qui nous ont témoigné leur confiance, à Paris, lors de la réunion du Groupe consultatif sur la Mauritanie, allaient nous doter d’énormes financements pour des projets et infrastructures tous azimuts. Les télévisions et les radios libres allaient élever notre liberté d’expression au rang des plus vieilles démocraties. Bref, on allait être un pays normal, gouverné par un président normalement élu, qui n’avait jamais touché une arme, chef respecté d’un Etat où les militaires s’occupent de ce pourquoi ils ont été enrôlés, où les députés sont bien élus et ne s’organisent pas en bataillon pour se vendre au premier venu, où les membres du gouvernement sont choisis sur des critères de compétence et non d’appartenance à tel ou tel ensemble, où les proches du président, loin des Trabelsi tunisiens, n’usent pas de cette proximité pour obtenir des faveurs indues et des promotions imméritées, où la moindre boutique-témoin vendeuse d’un kilo de riz n’est pas considérée comme une grandiose réalisation, où l’activité économique et les gros marchés ne sont pas aux mains d’une poignée de courtisans, où les pauvres ne s’appauvrissent pas, jour après jour, où la famine ne frappe pas à nos portes, où les relations avec les voisins sont empreintes de respect, où la justice est véritablement indépendante et où l’on n’envoie pas, arbitrairement, des gens en prison pour de fallacieux motifs.Et dire que ce n’est qu’un bref aperçu de ce qu’on a raté, en stoppant notre marche vers la démocratie. Mais voilà : le train s’est arrêté, brutalement, un certain 6 août 2008. Nos militaires ne voulaient pas qu’on continue à rêver plus longtemps. Quinze mois, pas un jour de plus. La récréation est finie! Passons aux choses sérieuses. Nous n’avons pas dégommé notre frère d’armes pour vous laisser croire que nous allions rentrer dans les casernes. Ce que suggérait, en fait, Clémenceau, c’est que le pouvoir est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des civils. La politique n’est-elle pas la continuation de la guerre, par d’autres moyens ? Et, ne sachant pas faire la guerre, gouvernons donc le pays ! On ne peut pas être mauvais en tout. Si ? Ah, mauvaises langues que ces civils ! Faudrait la leur couper, tiens, même si l’on sera, bientôt, l’exception, dans le monde arabe. Après avoir été l’exception démocratique. A croire, en effet, que nos militaires ne savent parader… qu’en marche arrière.
Ahmed ould Cheikh
Source : lecalame.info le 14/03/2012
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