Mauritanie : avancées économiques mais retards sociaux considérables pour la femme mauritanienne

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Les femmes mauritaniennes montent au créneau le 8 mars prochain à l’occasion de la journée internationale de la femme. Pour marquer cet évènement à Nouakchott, elles ont décidé de briser la loi du silence en marchant pacifiquement jusqu’à la Maison brune pour dénoncer les violences faites à elles et aux filles.

Le Réseau des Femmes Journalistes et Action ainsi que d’autres associations et ONG mauritaniennes initiatrices de cette marche veulent relever un nouveau défi. Celui de combattre davantage les violences faites aux femmes et aux filles responsables chaque année de plusieurs morts, des séparations douloureuses et de souffrances humaines. « J’ai été un soir, battue par un homme qui était mon mari. Je n’ai jamais été battue de ma vie. Ce soir-là, j’ai failli vraiment en mourir, j’ai vu ma vie m’échapper ».Ce témoignage bouleversant de Tahra Mint Hembara, publié récemment par Cridem est légion en Mauritanie, un aveu de la victime qui a mis beaucoup de temps avant de rompre le silence en prélude à la célébration de cette journée. Une façon pour elle d’interpeller toutes les victimes à faire preuve de courage pour dénoncer les coupables. Elles sont aujourd’hui des milliers de femmes à vivre ce calvaire qui touche toutes les couches sociales et toutes les composantes du pays. Considérées jusqu’ici comme un tabou. les violences conjugales se règlent en générale à l’intérieur de la famille. Et c’est cette médiation qui dissuade la femme en général à ne pas porter plainte. Cette pesanteur sociale entraîne malheureusement depuis des années des discriminations dont elles font l’objet. A l’occasion de la journée du 8mars, le Réseau des Femmes Journalistes et Action soutenu par l’Association mauritanienne pour la Santé de la Mère et de l’Enfant,l’Association de lutte contre la Dépendance, Femmes AID, le Comité de Solidarité avec les Victimes des Violations des Droits Humains entendent bousculer ainsi les autorités gouvernementales sur l’évolution rapide du code pénal mauritanien qui place la charia au coeur de son inspiration et rappeler le rôle non négligeable des femmes dans le développement économique et social.En effet le code1983 apparaît aujourd’hui hybride c’est-à-dire comme un mélange du droit islamique et du droit moderne français. Ce qui dans la pratique entraîne quelques fois des confusions consciemment ou inconsciemment selon les cas. Ce qui freine assez souvent les procédures des plaintes dans les commissariats de police et on assiste à des abandons fréquents des poursuites pour beaucoup de cas d’hommes violents. Ce sont les jeunes filles et les mineures qui sont les plus vulnérables du fait qu’elles subissent quelque fois sans crier gare des viols ou des maltraitances ou encore de gavages, l’apanage des familles riches qui obligent des filles âgées de 5 à 10 ans de manger de quantités gargantuesques de nourriture. Les conséquences sont énormes, maladies cardiovasculaires, hypertension et diabète. Pour ces organisations féministes le temps est venu de briser le silence et de renforcer les lois en vigueur pour mieux punir les coupables d’autant plus que la population a peu confiance dans le fonctionnement de la justice et de la police. L’autre inquiétude qui ne laisse pas indifférente la femme c’est la mortalité infantile dont le taux est le plus élevé de la sous région avec 680 décès pour 1000 naissances. Il s’agira notamment pour le gouvernement de Ould Laghdaf de mettre les bouchées doubles pour augmenter les dépenses publiques de santé. Mais avec un budget de plus de 8 milliards d’ouguiya c’est un pari perdu d’avance. La santé maternelle et infantile est donc une priorité pour que la femme puisse jouer pleinement son rôle dans le développement économique. D’ailleurs à ce sujet, malgré une conjoncture mondiale difficile, la femme mauritanienne reste très active même si l’Office National des Statistiques révèle que plus de 28 pour cent seulement d’entre elles le sont notamment on les trouve dans le commerce .Véritables chevilles ouvrières, elles détiennent au moins la moitié des boutiques dans la capitale et dans les autres villes du pays. A titre d’exemple le marché Chinguetti ou communément appelé « marché des femmes » installé dans les quartiers les plus huppés de la capitale est devenu par la force des choses un monopole commercial au féminin. D’autres avancées dans l’industrie agroalimentaire et informatique permettent de dire aujourd’hui que la mauritanienne est leader du marché du lait et du fromage de chamelle et dans le domaine du montage d’ordinateurs avec la création d’une usine représentant Microsoft en Mauritanie. Malgré le poids des traditions beaucoup de femmes ont réussi à percer dans la politique et réussi à se porter candidates aux différentes élections du pays et occuper d’importantes responsabilités. Le gouvernement de Ould Laghdaf en compte 4. Et au parlement 17 députées et 8 sénatrices. Au de-là de cette évolution positive ces dernières années, les femmes mauritaniennes sont surtout fragilisées par les logiques de la puissance publique qui ne les reconnaît que quand ça les arrange et tardent à sanctionner les hommes violents qu’il s’agisse de violences conjugales ou de viols sur les mineures surtout s’ils appartiennent à des lobbies puissants féodaux ou de la classe dirigeante de tous bords. Avec pour conséquence l’impunité en général. Ce qui va pénaliser davantage l’émancipation de la femme et la dynamique du changement dont Lalla Kaber la première femme réalisatrice dans l’histoire du cinéma appelle de tous ces voeux dans son film court métrage « le sentiment des autres » qu’elle vient de présenter au festival du Caire. Même menacée de mort, elle se réfugiera toujours dans le 7éme art. C’est son destin. Le 8 mars prochain, les femmes seront unies pour dire qu’elles représentent « la moitié du ciel » et qu’elles sont « l’avenir de l’homme » qu’on le veuille ou non.

Bakala Kane

(contribution reçue à Kassataya le 07/03/2012)

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