Mauritanie : échecs considérables du régime de Ould Aziz

bakala_kane_rim

A mi-parcours de son quinquennat le président mauritanien  Ould Aziz laisse planer un doute cette semaine à Nouakchott qu’il pourrait ne pas briguer un second mandat en 2014. Il l’a laissé entendre au cours d’une concertation  à la Maison brune avec les parlementaires de sa majorité qui viennent d’adopter la révision de la constitution.

Un aveu qui intervient dans un contexte troublé par la grogne des étudiants violemment réprimés par les forces de l’ordre et des enseignants du secondaire.

Pour les observateurs il s’agit ni plus ni moins d’un calcul politique pour repousser et pourquoi pas coupler les législatives avec les présidentielles de 2014. Une hypothèse qu’il faut prendre au sérieux malgré la piqûre de rappel de respect du calendrier électoral par des parlementaires européens qui viennent de séjourner dans la capitale mauritanienne.Depuis des mois le président Ould Aziz s’emploie à donner une  image  toujours du président des pauvres  par des visites de projets de développement à Nouakchott comme à l’intérieur du pays .Il est attendu prochainement  dans la capitale économique pour un meeting populaire à Voum El Baz un quartier populaire de Dakhlet-Nouadhibou et la pose de la première pierre de la nouvelle préfecture de Chami . Le moins qu’on puisse dire  cette agitation du chef de l’Etat est symbolique de sa stratégie très populiste pour combler le déficit populaire au moment où ses forces de l’ordre violent l’Université de Nouakchott en s’attaquant violemment aux étudiants en grève depuis des semaines pour l’augmentation de leur bourse et les moyens pédagogiques pour la recherche. Une répression à caractère racial parce qu’elle ne vise exclusivement que les étudiants du Syndicat National des Etudiants Mauritaniens (SNEM) déplore la coalition de 5 syndicats à Nouakchott dans un communiqué publié par Cridem. Ils insistent sur cette situation «  injuste et préméditée par les autorités du pays pour détourner l’attention des citoyens des graves problèmes et des échecs du régime de Ould Aziz ». C’est la même détermination chez les 60 professeurs grévistes dont le syndicat (SNES) entend poursuivre la lutte jusqu’à la satisfaction de leurs revendications centrées sur leurs conditions de travail et de vie. Ces mouvements qui secouent l’éducation nationale interviennent au moment où Ould Aziz ne sait pas où donner de la tête comme en témoigne sa dernière rencontre  avec les parlementaires de sa majorité au cours de laquelle le locataire du palais semble abasourdi par les secousses sociales et politiques qui perdurent au point de laisser attendre l’éventualité de ne pas briguer un second mandat. C’est clair, l’année 2012 sera difficile pour lui  politiquement et pour la Mauritanie à cause du  grave déficit pluviométrique  de 2011 qui va  impacter sur l’économie du pays. Malgré les solutions mises en place par le gouvernement de Ould Laghdaf avec le programme d’urgence contre la sécheresse de 45 milliards d’ouguiya  des milliers de mauritaniens sont menacés de famine. Les 300 boutiques à Nouakchott et 1000 autres à l’intérieur du pays ne sont que des palliatifs très coûteux pour parer au plus pressé même si l’on sait que ces produits alimentaires subventionnés reviennent moins chers aux populations démunies c’est-à-dire 40 à 60 pour cent de moins sur le prix du marché selon la version officielle .L’agriculture et l’élevage sont les deux mamelles du monde rural quasi taries depuis des décennie. Le secteur agricole apparaît plus fragilisé et souffre de carences de gestion financière et humaine. Mais au de-là  de cette difficulté c’est la production céréalière qui est pointée du doigt. La Mauritanie importe plus de la moitié de ses besoins. Une politique cohérente nécessite plus que des aides aux ayants droits surtout si l’on sait que l’agriculture mauritanienne peut contribuer jusqu’à 6 pour cent du PIB. A ce rythme de croisière le secteur est loin d’être viable faute de vrais financements par l’Etat. Le développement rural est devenu au fil des années un  véritable parent pauvre de l’économie du pays avec seulement un budget équivalent en 2011 à  un peu plus de 5 milliards d’ouguiya. C’est peu pour combler  ce déficit céréalier. Les déclarations d’intention ne font qu’augmenter la pauvreté qui reste l’apanage du milieu rural représentant moins de 46 pour cent de la population globale. C’est d’autant plus vrai que l’émergence d’un marché financier est un préalable à l’émergence d’un secteur agricole  en Mauritanie .Depuis 1992 il existe un crédit agricole sous forme de coopératives agricoles de redit et d’Epargne et leur Union ( Union Nationale de Coopératives Agricoles de Crédit d’Epargne UNCACEM) couvrant l’ensemble de la vallée du Fleuve Sénégal. Mais ce crédit ne finance que la culture irriguée sous l’impulsion de l’Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) dont la Mauritanie est membre très actif. A mi-parcours de son mandat,Ould Aziz n’a pas mieux fait que ces prédécesseurs dans l’agriculture et l’éducation nationale. L’ampleur des mauvais usages de ces deux secteurs est tellement grand pour empêcher un quelconque décollage économique. Le président mauritanien a encore 2 ans pour rectifier le tir au moins commencer par mettre en place le plus rapidement les Etats généraux de l’Education qui piétinent depuis plus d’une année avec la participation de tous les acteurs du système éducatif y compris la société civile et les partis politiques toutes tendances confondues. Et enfin tracer les contours d’une autosuffisance alimentaire pour éviter les famines périodiques et lutter contre la hausse des prix des denrées de première nécessité aggravée par la crise mondiale.

Bakala Kane

(Contribution reçue à Kassataya le 25/02/2012)

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

Les opinions exprimées dans la rubrique Tribune n’engagent que leurs auteurs. Elles reflètent en aucune manière la position de www.kassataya.com 

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page