Jemil Ould Mansour: « Quand un élu change de veste et de position, il doit se taire et se faire discret »

Mohamed Jemil Ould Mansour, chef de file de Tawassoul.Le chef de file du parti Tawassoul M. Mohamed Jemil ould Mansour s’est livré à un violent réquisitoire contre la majorité présidentielle. Il a notamment déploré l’attitude de ses collègues du parlement qui ont changé de camp en cours de mandature.

Très en verve, l’opposant a enfin qualifié les déclarations du ministre mauritanien des affaires étrangères de soutien à la rébellion malienne. For-Mauritania, Kassataya et Taqadoumy vous proposent une retranscription de son intervention.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au Nom de Dieu, bon et miséricordieux. Paix soit sur le Prophète.
La pire des épreuves est celle dont on est capable de rire. En effet, l’histoire des nations rapporte qu’il arrive que les représentants du peuple rient de leurs propres malheurs. Une sorte d’autodérision. Une soupape pour oublier, le temps d’une bonne blague, la réalité amère et le quotidien insupportable.
Monsieur le Président, je ne sais comment devrions-nous qualifier ce dialogue  dont on nous rabat les oreilles et qui justifie l’avalanche de textes qui nous arrivent ces derniers jours. Tous les collègues qui se sont succédé à la tribune ont évoqué ce dialogue, un  peu comme pour dissiper le doute qu’il crée chez eux.  C’est un dialogue, Monsieur le Président et Son Excellence Monsieur le Ministre, qui s’est déroulé dans les conditions que nous connaissons tous : médias exploités de façon unilatérale, répression de manifestations pacifiques, lois ouvertement violées. C’est un dialogue décevant, de très maigres résultats par rapport aux questions centrales nécessitant des réformes en profondeur, par rapport à l’équilibre des pouvoir, les prérogatives, autant de sujets qui avaient été exploités pour renverser un président élu. Un dialogue dont les informations provenant de son sein rapportaient,  tous les jours, la connivence intime et suspecte entre les protagonistes.
C’est un dialogue dont l’auteur, Mohamed Ould abdel Aziz, vient d’en réclamer un nouveau. Il lui a ainsi asséné un coup fatal. Ce dialogue vient juste de se terminer, ses conclusions n’ont pas encore été votées par le Parlement que Ould Abdel Aziz réclame un nouveau dialogue. Il est normal que la Coordination de l’Opposition Démocratique dise qu’elle n’était pas concernée par un nouveau dialogue de fantaisie. C’est un dialogue dont on nous a présenté certaines des conclusions en nous faisant comprendre, en même temps, que leur application serait retardée. Les élections prévues par les résultats de ce dialogue seraient renvoyées à une date indéterminée. Mais qu’est ce que c’est ce dialogue ? De quel dialogue parlez-vous ? A quelles réformes faites-vous allusion ? De quelles élections ? De quel équilibre entre pouvoirs ? De quelles réformes  sociales, économiques ? De quelles réformes constitutionnelles profondes touchant l’équilibre des pouvoirs ?
Certes, vous êtes des élus du peuple. Mais quand les électeurs envoient un élu pour les représenter et que cet élu retourne sa veste, la décence voudrait qu’il se taise! Il s’agit de la volonté du peuple, de l’élection par le peuple. Quand vous êtes élus par le peuple pour défendre des couleurs, appliquer un programme, au nom d’un parti et que vous décidez de changer de position, de couleur politique, de parti, il vous revient de vous taire et de vous faire discrets jusqu’à la fin de la mandature.
On nous parle alors de la majorité des voix du peuple. Des décomptes un peu brumeux. Vous affirmez, en direction de la partie de l’Opposition [Messaoud Ould Belkheir, ndlr]  qui dialogue avec vous, que cette dernière représente 18 à 20 % des voix du peuple. Celui qui veut modifier des chiffres encore présents dans l’esprit de tout un chacun, se moque de son interlocuteur. Exactement comme il se moquait de lui quand ses médias rapportaient ses interventions, ses meetings et ses manifestations. Ces médias ne rapportaient que ce qu’il disait contre ses anciens alliés de l’Opposition. La preuve en est que dès la fin des meetings, les médias l’ont oublié et son revenus à leur traitement habituel et unilatéral de l’information. De quel dialogue s’agit-il ? De quelle ouverture s’agit-il ?
Quant à la crise politique, j’aurais pu me contenter de ce qu’en a dit mon collègue, l’honorable député Yacoub Ould Moïne. Mais, pour ce qui me concerne, je ne sais ce que recouvre le mot crise. Est-ce que cela recouvre la situation d’un Etat dont le Chef a déclaré, publiquement, qu’il travaillait en dehors de la Constitution ? Est-ce que la crise recouvre une situation politique caractérisée par la marginalisation des personnes et des groupes ? Cette marginalisation ne concerne pas seulement l’Opposition mais aussi et surtout le groupe de la Majorité. Les marches des étudiants, les protestations des travailleurs, les manifestations des populations des villes qui réclament l’eau et l’électricité, les personnes qui, malheureusement, s’immolent par le feu, les travailleurs qui réclament leurs droits, les revenants de Lybie et de Côte d’Ivoire, les habitants des bidonvilles (Gazra), les investisseurs qui commencent à se rendre compte de l’opacité des passations des marchés, du clientélisme qui les caractérise, les difficultés dans la sous région avec le Sénégal, le Mali, le Maroc. A quoi reconnaît-on les symptômes d’une crise ?
Avoir une majorité de l’opinion publique peut être vérifié de deux façons, soit par les élections soit par l’adhésion à une politique donnée. S’il y a une chose difficile à prouver, c’est bien l’adhésion des Mauritaniens au programme du Gouvernement. Qu’on interroge les pauvres, les riches, les fonctionnaires ou les employés du privé et ne parlons pas des chômeurs, le résultat serait le même. Quant aux élections, visiblement, vous vous y refusez. Or, ce sont là les deux seules méthodes permettant de vérifier votre popularité. Il faut dire que, pour ce qui concerne les élections, je peux comprendre le Gouvernement. En effet, il est persuadé de sa perte, que les élections soient honnêtes ou même truquées. La crise politique est là. Je puis rassurer l’honorable député, Yacoub Ould Moïne, que la crise est visible pour tout un chacun ; celui qui a le pouvoir la voit tout comme la voit aussi celui qui a l’argent mais aussi celui qui tire les ficelles du clientélisme et des abus de pouvoir [allusion à l’intervention de Ould Moïne, ndlr]. Mais tous ferment les yeux et cela pourrait être dramatique.
Monsieur le Président, certains de nos collègues, ici présents, tiennent des propos qui commencent à me dérouter. On nous interdit de parler des relations étrangères car cela serait du domaine des rapports entre les Etats et nous ne devons pas les prendre à la légère. Les questions liées à l’Armée et à la Sécurité seraient sacrées et personne ne doit les aborder. Parler de l’objet des multiples manifestations et conflit sociaux serait une incitation au désordre. Défendre les intérêts des citoyens serait du domaine de l’exagération et de la surenchère. Nous sommes priés de nous en abstenir. De quoi voudriez-vous qu’on parle et que voudriez-vous qu’on fasse ?
Nous sommes chargés de contrôler le travail d’un gouvernement où siège un Ministre des Affaires Etrangères. L’un d’entre vous nous demandait, l’autre jour, de ne pas relever ce qu’il considère être un lapsus. Mais quel lapsus ? Le lapsus du Président ? Comment peut-on considérer comme lapsus une longue interview donnée au journal français Le Monde ? Interview où le Président dénigre un pays voisin sans la moindre précaution diplomatique. Un lapsus quand le Ministre des Affaires Etrangères apporte un soutien claire à une rébellion ou une révolte dans un pays voisin, le Mali? De quel lapsus parle-t-on ? Comment pourrait-on laisser passer cela ? Il s’agit du destin de tout un peuple. De ses intérêts économiques. De ses intérêts de sécurité. De ses intérêts sociaux que vous n’avez pas pu sauvegarder. Comment pourrait-on ne pas en parler ? Nous en parlerons, en long, en large et en profondeur. Et nous vous disons que le régime que vous soutenez et qui vous empêche de regarder la réalité en face est incapable et inadapté aux exigences de la situation actuelle du Pays. Que ce soit du point de vue du style, du contenu, de la vision et de l’épaisseur diplomatique, ce régime est tout simplement inadapté.
Une majorité instable, changeante au grè des exécutifs n’est pas digne de respect. Malheur à celui qui compte dessus. Nombre de collègues, traduisant le mépris dans lequel ils nous tiennent, affirment que nul gouvernement ne pourrait réaliser le tiers de ce que l’actuel exécutif a à son actif! Je demande, du haut de cette tribune, des excuses au député, auteur de ces déclarations…

Source: KASSATAYA (avec Taqadoumy et For-Mauritania)

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