Sénégal: vieux, riche, autocrate, Abdoulaye Wade s’accroche parce qu’il n’a pas le choix

La campagne présidentielle sénégalaise a débuté lundi 6 février. Validée par le Conseil constitutionnel, la candidature du président Wade a alimenté de vives tensions dans le pays. L’auteur Mody Niang, à l’origine d’une biographie sur le président sortant, se montre très critique sur les 12 années de pouvoir du dirigeant sénégalais.

Au pouvoir depuis 12 ans, le président Wade est en train de tromper les Sénégalais et la communauté internationale, notamment quand il affiche un certain attachement à la démocratie. Durant ses années en tant qu’opposant, tout comme celles qu’il a passées au pouvoir, il a toujours combattu, non pas pour la promotion d’une quelconque démocratie, mais pour accéder puis conserver le pouvoir.

Dotée d’une personnalité particulièrement complexe, instable et parfois insaisissable, le président Wade a toujours soufflé le chaud et le froid, au gré de ses intérêts du moment. Il s’est présenté successivement à quatre élections présidentielles (1978, 1983, 1988, 1993) et les a toutes perdues, sans jamais reconnaître les résultats officiellement proclamés et jetant sans état d’âme ses jeunes dans la rue.

Lors de son élection à la magistrature suprême au second tour d’un scrutin présidentiel historique, le 19 mars 2000, les Sénégalais ont alors commencé à découvrir un autre homme, ou plus exactement le même homme, mais qui avait réussi à dissimuler jusque là sa véritable nature au plus grand nombre. Doté d’une Constitution sur mesure qui lui attribuait tous les pouvoirs, bénéficiant d’un état de grâce rarement égalé, il allait rapidement montrer à ses compatriotes de quel bois il se chauffait réellement.

Une démocratie de façade ?

Il avait tout promis, tout et n’importe quoi. L’homme a effectivement à son compte des réalisations, mais celles-ci cachent une vaste escroquerie. Une fois son objectif atteint, il a vite dévoilé son vrai visage.

Il est, malgré les apparences, un autocrate qui raffole de louanges et particulièrement rétif à la critique. Il a divisé le Sénégal en deux camps qui se regardent en chiens de faïence : un qui le porte aux nues par ses tombereaux de louanges, et un autre animé par des hommes et des femmes qu’il considère comme des ennemis.

Aujourd’hui, une vingtaine de titres de livres d’auteurs considérés comme des « mal-pensants » sont carrément bannis des frontières nationales pendant que, de nombreux autres qui l’encensent, bénéficient de couverture tapageuse de la part des médias dits de service public. On peut aussi évoquer son appartenance confrérique fortement affichée, comme contraire à la laïcité et à la démocratie.

Avec une gestion des affaires publiques aussi désastreuse et jalonnée de scandales gravissimes, des réalisations coûteuses dont les soubassements sont plus politiciens, plus électoralistes que tournés vers l’intérêt des populations, une démocratie de façade qui cache mal des actes et des choix d’un homme ayant affiché publiquement sa préférence « pour un despotisme éclairé », la validation de cette candidature controversée, singulière et inédite à l’âge de 88 ans, tout cela a conduit aux événements malheureux qui secouent notre pays depuis plusieurs mois et dont nul ne peut prévoir les conséquences.

Malgré toutes les pressions, de l’intérieur comme de l’extérieur, le vieil homme s’accrochera à cette candidature jusqu’à son dernier souffle. Il a d’ailleurs commencé sa campagne électorale avant la lettre et clame partout qu’il va gagner l’élection présidentielle dès le premier tour. Tout indique – notamment son âge et les nombreuses casseroles qu’il traîne – qu’il arrivera difficilement à relever un défi aussi titanesque. L’homme n’a cependant pas le choix : il craint comme la peste de devoir un jour quitter le pouvoir et de rendre compte de ses nombreux forfaits. Il faut s’attendre donc à ce qu’il mette tout en œuvre pour arriver à sa fin, quitte à installer le Sénégal dans le chaos.

L’opposition ne se laissera sûrement pas faire, elle qui lui conteste vigoureusement sa candidature. La campagne électorale qui s’ouvre ce dimanche 5 février 2012 et l’issue du scrutin du 26 février 2012 sont grosses d’incertitudes. Il n’est pas exclu que, demain, notre pays soit confronté à des soubresauts qui risquent de plomber son avenir pour de nombreuses années. La seule lueur d’espoir qui pourrait nous épargner ce péril, ce serait que notre vieux politicien comprenne, qu’à 88 ans bien sonnés, son avenir est derrière lui et renonce à sa candidature.

Il est malheureusement illusoire d’attendre un tel sacrifice de l’homme qui ne s’imagine pas qu’il existe, pour lui sa famille nucléaire, une vie en dehors du pouvoir. Poussé par les minables courtisans de sa senzala, Il croit encore fermement qu’il est indispensable au Sénégal et, qu’avec son immense fortune, il pourrait se faire réélire pour un nouveau mandat de sept ans, dont il n’exercerait qu’au plus les deux premiers. Son fils, qu’il s’emploierait à mettre en selle, terminerait les cinq années restantes.

Mody Niang

Source :  Le nouvel Observateur le 07/02/2012

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