Le pouvoir prépare une contre-attaque : Visites d’Aziz dans les wilayas du pays

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Comme au temps du 6/6 en 2009, le président Ould Abdel Aziz va entamer une tournée marathon dans les 12 wilayas du pays pour tenter de  » reconquérir  » le terrain politique occupé, ces derniers mois, par la Coordination de l’opposition démocratique (COD).

Il s’agit, pour le Raïs – qui a pris le temps d’écouter les critiques de son opposition- de répondre à tous les reproches, mais aussi de (se) tracer une nouvelle orientation, à mi-parcours de son quinquennat.

Le président de la République s’apprête à sillonner le pays. L’occasion pour lui de redorer son blason terni par les partis de la COD qui viennent de boucler leur tournée à l’intérieur du pays, mais aussi de rappeler aux populations qu’il est bien encore le maître des lieux. L’objectif de la réplique  » présidentielle  » serait en premier lieu, de permettre à Ould Abdel Aziz de prendre la main. C’est aussi une tournée qui pourrait servir de précampagne pour les futures élections municipales et législatives que certains pronostiqueurs ne voient pas avant fin 2012. Il sera, cependant, très dur à Ould Abdel Aziz de regagner le terrain perdu depuis plusieurs mois par la faute de l’inactivité d’une majorité pas vraiment soudée et le manque de punch d’un gouvernement qui s’est très vite essoufflé. Sur des questions comme le dialogue, la stratégie mise en place pour faire face à la sécheresse, la guerre contre le terrorisme, la lutte contre la gabegie, l’éducation, la santé et la gestion des plus importantes ressources du pays (fer, or, poisson), Aziz doit avoir des arguments massue pour espérer convaincre une opinion publique nationale, de plus en plus acquise aux arguments d’une opposition dont les parlementaires ont su, admirablement, exploité les débats au niveau de l’Assemblée pour tourner en dérision des ministres pas suffisamment outillés pour soutenir la polémique.

On pourrait anticiper sur le discours – les discours – que le Raïs tiendra à chacune des étapes de son prochain périple.

La question du dialogue sera liée, sans doute, à celle de l’organisation des élections municipales et législatives. On mettra en avant le caractère  » exceptionnel  » des conditions du dialogue et le refus des partis membres de la COD d’y prendre part, malgré la bonne volonté affichée par le pouvoir. On tentera, par tous les moyens, de taxer cette opposition d’extrémisme et de manque de bonne foi, son unique objectif étant, comme elle ne manque de le répéter depuis un certain temps, de bouter dehors Ould Abdel Aziz. Une  » inspiration  » qui viendrait des  » printemps arabes  » mais que le pouvoir ne manquera de présenter comme une erreur d’appréciation parce que la situation post-insurrection dans ces pays n’est pas vraiment l’issue à laquelle pouvaient s’attendre ceux qui réclament plus de démocratie dans le monde arabe.

Les dossiers brûlants

Assurément, la question à laquelle le président Aziz doit répondre devant les populations c’est cette nonchalance avec laquelle le gouvernement traite toutes les questions qui sont liées à leur survie. Pourquoi, cette promptitude quasi systématique, à favoriser la flambée des prix, par des décisions vexantes (comme celle d’augmenter le prix du carburant deux fois par mois), à ignorer superbement les doléances des manifestants qui prennent d’assaut l’Assemblée nationale et les alentours de la présidence de la République. Ce dernier aspect de la question, auquel le Premier ministre Moulay Ould Mohamed Laghdaf a déjà répondu ne convînt personnes. Manifester n’a jamais été donné comme un argument de  » bonne santé « . C’est plutôt le signe d’un malaise profond, surtout quand les manifestants sont souvent opprimés par les forces de sécurité.

Ce que le président Aziz pourra sans doute exploiter, comme preuve de relative  » bonne gouvernance « , c’est le sevrage des grands commis de l’Etat, qui se plaignent pratiquement tous du tarissement des ressources financières dont ils usaient et abusaient. Cela peut encore servir la thématique de la lutte contre la gabegie, sans toutefois donner de réponde claire à ces accusations de retour de pratiques clientélistes au bénéficie des seuls proches du président.

Sur le plan de l’action sociale, le  » bilan  » du Premier ministre servira de tableau de bord à l’offensive présidentielle contre l’opposition. Il dira que le pays va bien, que la Mauritanie a été félicité par les institutions de Bretton Woods (FMI et Banque Mondiale), que les caisses de l’Etat sont pleines à craquer (522 millions de dollars US équivalent à 3 mois d’importations de marchandises), que le gouvernement arrive à financer de projets sur fonds propres et que des réalisations importantes ont été faites dans les domaines de la santé, de l’éducation et des infrastructures de base. Des arguments qui valent ce qu’ils valent, quand on regarde la question du développement et de croissance avec le prisme de la macroéconomie, mais qui ne sont pas pris pour argent comptant par des populations qui pensent à leur survie. Et, justement, ce sera le plus grand défi du président Aziz que de convaincre les populations de la  » Mauritanie profonde  » qu’il y a un gouvernement qui pense à elles, en cette période de soudure très difficile. Le plan d’urgence  » Emel 2012 « , qui vient tout juste d’être lancé, n’a pas encore eu d’impact réel sur une situation alimentaire jugée préoccupante. Il faudra surtout que le président prêche la bonne parole pour qu’éleveurs et agriculteurs entretiennent l’espoir que la stratégie mise en place par le gouvernement les aidera à survivre à la sécheresse que d’aucuns comparent déjà à celle des années 70 du siècle dernier.

C’est pour dire que la tournée d’Aziz dans les wilayas en cette période de crise ne sera pas une simple promenade de santé. Elle n’aura rien à voir avec celle entamée en 2008, juste après le coup d’Etat contre Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, quand le général d’alors avait encore des préjugés favorables, n’ayant pas encore mis la main à la pâte. Trois ans après, la donne a complètement changé.

Sneiba Mohamed

Source  :  L’Authentique le 04/02/2012

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