Crise économique : l’Afrique est-elle la solution pour l’Europe ?

Après la Chine qui pourrait racheter une partie de la dette européenne, l’Afrique au secours du Vieux continent ? Abdelmalek Alaoui, co-auteur de l’ouvrage « Le Maghreb dans les relations internationales », a organisé récemment un forum au Maroc pour en débattre.

Avec l’installation de l’Europe et des Etats-Unis dans une crise économique durable, l’Afrique est au cœur de nombre d’interrogations quant à sa capacité à représenter une alternative crédible comme relais de croissance pour l’Europe.

A cet égard, nombre de décideurs du continent, réunis en conclave à Rabat lors d’un forum consacré à l’intégration régionale africaine, ont eu l’occasion d’examiner – lors d’un dialogue tridimensionnel inédit – la réalité de cette « solution » africaine.

Des obstacles encore nombreux

En préalable, beaucoup s’accordent sur le fait qu’il ne faut pas sous-estimer les obstacles encore nombreux qui se dressent devant une émergence économique véritable du continent noir. Ces derniers sont d’abord d’ordre sécuritaire. En effet, pris en étau par une façade atlantique en proie au trafic de drogue et à la piraterie et une bande sahélo-sahélienne minée par le terrorisme islamique, l’Afrique a du mal à penser sa sécurité durable de manière globale et concertée. Cette absence de convergence et de coordination dans la sécurité est aujourd’hui le premier frein à l’investissement, occasionnant des comportements de repli de la part des entrepreneurs potentiels.

Cette position de repli est aggravée par un déficit chronique de la bonne gouvernance illustré par un raccourci saisissant : pour aller de Dakar à Abidjan par la route, ce n’est pas moins d’une bonne centaine de check-points militaires et policiers que le voyageur devra traverser, ce qui implique presque autant d’actes de corruption.

De surcroît, le basculement du centre de gravité du commerce africain de Paris ou Londres vers Dubaï ou Doha – illustré notamment par les nouvelles routes aériennes – sont autant de signes que la perte d’influence de l’Europe et des Etats-Unis est désormais une réalité tangible avec laquelle il faudra compter, qui impacte d’autant les cartes géostratégiques régionales. En effet, après une période ou la Chine était souvent citée comme tissant sa toile africaine de manière volontariste, on assiste désormais à un investissement massif des pays du Golfe, via notamment leurs puissantes compagnies aériennes dont il souhaitent rentabiliser des flottes d’appareils parfois pléthoriques.

Vers un partenariat euro-africain rénové

Au-delà de cette reconfiguration qui traduit un renouvellement des équilibres stratégiques mondiaux, cette situation permet aujourd’hui de dire que si l’Afrique constitue aujourd’hui indéniablement une partie de la solution, le continent ne pourra, à lui seul, freiner l’irrésistible déclin du monde latin, à moins que ce dernier n’opère une vaste remise en question de sa démarche consumériste à son égard.

Plus qu’un marché ou un gisement de matières premières, l’Afrique aspire en effet à devenir un partenaire de l’Europe, quitte à construire ce partenariat à travers un séquencement qui passerait par une régionalisation accrue et des partenariats plus intenses au sein d’aires géographiques cohérentes.

Ainsi, selon les observateurs présents lors du Forum de Rabat, les pays du Maghreb pourraient jouer ce rôle d’ »ouvreurs de piste » et être à la pointe d’un partenariat euro-africain rénové. Basé sur une coopération économique régionale plus intense, cette intégration permettrait – enfin – à l’Afrique de se projeter dans l’avenir avec ambition.

Cette ambition, pour passer du stade de l’utopie à la réalité concrète doit ainsi s’appuyer sur un credo repris par nombre de spécialistes en géopolitique : avant de s’insérer dans la globalisation, l’Afrique doit réussir sa régionalisation.

Abdelmaleck Alaoui

Source  :  Le Nouvel Observateur le 27/01/2012

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