La semaine dernière, j’étais bien installée devant mon ordinateur au journal. Ok, ce n’est pas mon ordinateur mais celui de Sneiba à qui, sans préavis, j’ai piqué la bécane arguant du fait que, d’un, je suis une femme et que, de deux, je suis une femme. Et que lui est un homme galant.
Bref, j’étais bien installée, faisant semblant de travailler dur pour la postérité du Calame, montrant à mon patron que je suis une bosseuse, nez plissé de concentration, air plus que sérieux, la classe internationale de la travailleuse exploitée; je remercie Facebook au passage : rien de tel que ce réseau social pour se donner l’allure de celui qui travaille alors qu’il est tout bonnement en train de « veux-tu être mon ami? » ou de tchater sur tout et n’importe quoi avec les membres de la grande confrérie des Nous Z’Autres qui sont experts dans l’art de faire semblant de mériter leur maigre salaire alors qu’ils sont sur FB ou Twitter…Bref : je bullais, profitant d’une fenêtre miraculeuse où internet voulait bien fonctionner et où Mauritel faisait ce pour quoi on la paie : nous fournir un accès internet, ce qui n’arrive pas souvent.
J’étais donc concentrée sur la réponse géniale à envoyer à un « comment vas-tu? » de la part d’un « ami FB », écoutant d’une oreille distraite une conversation entre Seck Amadou, grand reporter calamois et journaliste émérite, et un ami à lui. Et voilà que mon ami Seck Amadou lâche, dans une envolée de boubou bien repassé, ces quelques mots : « Je suis sûr, je pense, je ne sais pas… », virgules incluses et ton guerrier encore plus inclus.
Je suis sûr, je pense, je ne sais pas…
Celle-là, on ne me l’avait jamais faite! Du grand art, dans toute sa divine splendeur!
Je regarde mon ami les yeux ronds et le bouche ouverte… Je répète la phrase génialissime : je suis sûr, je pense, je ne sais pas… et tombe en amour de cette rhétorique.
Seck m’explique benoîtement, devant ma bobine tout sauf illuminée, que cela signifie « une évolution dans l’incertitude ». Ben oui…
Evolution très logique, me dit il.
Comme je ne suis pas bête et que je sais me tenir, j’ai acquiescé du bonnet, secouant ma tête d’un air profond, faisant semblant d’analyser le concept du truc qui veut que « nous sommes sûrs, nous pensons, nous ne savons pas ».
Cela fait des années que Nous Z’Autres journalistes de grand talent et citoyens très ordinaires, cherchons à résumer notre pays, sa mentalité, ses façons de penser, de concevoir, de stratifier, de planifier, de rectifier, de papoter, de digérer, etc… et c’est au détour d’une simple conversation entre gens de bonne volonté et de bonne éducation que la lumière fut!
Je suis sûr, je pense, je ne sais pas… tout ça dans le même élan, il n’y a qu’un Nous Z’Autre pour l’inventer dans toute sa pertinence involontaire.
Il a raison Seck! Affirmer tout ça c’est typiquement rimien, exclusivement estampillé République Dattière Rectifiée.
Regardez :
Même moi je peux appliquer le schmilblick :
• Je suis sûre que j’existe
• Je pense être
• Je ne suis pas sûre d’y être
Ou alors, concernant les chaises musicales entre Généraux de brigade et les allers retours entre la sureté générale et le ministère de la Défense, au sujet du « pourquoi Hady a-t-il été écarté de la SG? », il n’y à qu’à voir les explications avancées par notre microcosme d’analystes politiques assermentés :
• Biram Ould Dah Ould Abeid a dit : je suis sûr que c’est parce que nous avons secoué le cocotier
• un journal de la place a écrit : je pense que c’est parce que notre quotidien a dénoncé l’inertie supposée des pouvoirs face à la délinquance
• la derwichette a dit : je ne sais pas si j’y suis pour quelque chose.
Autre application :
• je suis sûre que notre pays existe
• je pense même qu’il existe
• je ne sais pas s’il est les 2 en même temps
Allons plus loin :
• je suis sûre que notre sultan est un ex militaire, formation moteurs en tous genres et mécanique générale
• je pense qu’il ne l’a pas oublié
• je ne suis pas sûre s’il aime qu’on le lui rappelle
Je pourrais vous trouver des centaines d’exemples comme ça.
Je suis sûre, je pense, je ne sais pas… Tout simplement génial!
Salut
Mariem mint DERWICH
Source : lecalame.info le 25/01/2012
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