HOMMAGES: BA Mamoudou Samboly (carrière politique, administrative et militaire)

Ba Mamoudou SambolyAncien président de l’Assemblée Nationale, plusieurs fois ministre, grande notabilité du Fouta, Bâ Mamoudou Samboly est une figure emblématique de l’histoire de notre pays. Militant du parti de l’Entente de Sidi El Moctar N’Diaye, il aura largement contribué à l’accession de notre pays à la souveraineté internationale. Dans le témoignage émouvant qui suit, il retrace quelques aspects de sa carrière politique, administrative et même militaire.

M Bâ nous raconte comment il a rencontré, pour la première fois, le père de la nation, Maître Moktar Ould Daddah, et comment, à cause de certaines divergences qui les opposaient, il a été amené à démissionner de sa fonction de président de l’Assemblée nationale. Pour cet octogénaire, le fait le plus important qui a favorisé la consolidation de l‘unité nationale, c’est la fusion de tous les partis au sein du Parti du Peuple mauritanien.

« A notre époque, dans toute la région, seule la ville de Kaédi disposait d’une école fondée en 1922. C’est dans cette école que j’ai fait mes études primaires à partir de1929. C’est à l’école supérieure Blanchot de Saint-Louis du Sénégal que j’ai poursuivi mes études secondaires. Ensuite, je me suis retrouvé à l’Ecole Normale des Instituteurs de Sébikhotane.

Après ces études, j’ai été incorporé dans l’armée pour accomplir le service militaire en1941 après avoir passé la visite d’aptitude. En principe, je ne devais faire qu’une année dans l’armée mais, quand les Alliés ont débarqué en Afrique du Nord, on nous a maintenus sous les drapeaux jusqu’en 1946, c’est-à-dire jusqu’à la fin de la deuxième Guerre mondiale.

Après la libération, je devais rentrer en Mauritanie mais avec les amis que j’ai trouvés à Dakar, j’y suis resté comme cadre au cabinet du Haut commissaire. Je dois souligner que dans ma carrière politique, pendant la période coloniale, j’ai toujours milité au sein de l’opposition. C’est pour cette raison que les autorités coloniales n’ont jamais voulu m’affecter en Mauritanie. Après Dakar, j’ai servi à Saint –Louis à la direction de Finances d’abord comme directeur adjoint, ensuite comme chef de la division Solde.

En 1952, les élections territoriales ont été organisées. Je me suis présenté comme candidat au Gorgol. Evidemment, comme je vous l’ai dit, compte tenu de l’image d’opposant que les colonisateurs me collaient, je ne devais pas être élu. Notre parti a eu un seul élu à Atar en la personne de Dey Ould Sidi Baba. A Kaédi, où j’étais candidat, notre liste a remporté les élections dans toutes les circonscriptions sédentaires mais avec le seul département des Agueilat, le moins peuplé, les colons nous ont fait battre.

On me faisait passer comme quelqu’un qui ne voulait pas de la Mauritanie et qui préférait rester au Sénégal. J’avais beaucoup d’amis au Sénégal pour y avoir fait une partie de mes études à Saint –Louis. En 1958, quand j’étais au service des Finances à Saint-Louis, le député de Matam de l’époque était venu me rendre visite à la maison, accompagné de Abdoul Doro N’Diaye et Moustapha Touré, deux personnalités politiques de cette région. Ils m’ont dit qu’ils ont arrêté avec le Gouverneur général du Sénégal le principe que je quitte la Mauritanie afin de m’installer définitivement au Sénégal puisque, selon eux, je n’arrive pas à y être élu. En contrepartie, je devais être nommé commandant de cercle de Matam pour remplacer un colon français qui occupait ce poste. Je leur ai dit qu’en fait, ils ne pensaient qu’à leur carrière politique. Car, dans leur esprit, en me nommant à cette fonction, je vais leur assurer leur victoire aux futures joutes électorales. Je leur ai fait comprendre que je ne suis pas né au Sénégal et je suis Mauritanien. Je les ai remerciés et décliné fermement leur offre. Ce qui prouve que les allégations selon lesquelles je ne voulais pas de la Mauritanie sont totalement infondées.

Ensuite, un jour je suis allé répondre à une invitation de Maître Moktar Ould Daddah que je rencontrais pour la première fois. Il appartenait à l’UPM alors que moi j’étais membre de l’autre parti adversaire, « l’Entente ». A l’époque, quand on n’est pas du même bord politique, on ne se parlait pas. Moktar m’a parlé en ces termes « M Bâ, vous ne me connaissez pas mais moi je vous connais. Dépassons les clivages politiques. Aujourd’hui, moi, je ne suis d’aucun parti. Je vous parle au nom de la Mauritanie. Je souhaiterais que nous les intellectuels, nous nous donnions la main pour bâtir notre pays. Je vous demande, vous aussi, de ne plus vous considérer comme seulement militant de l’Entente». J’ai répondu à Moktar que j’appartiens à un parti, je ne peux prendre aucune décision sans informer mes camarades. Je reviendrai avec eux le voir et ensemble, on prendra une décision. Il m’a fixé un rendez-vous, une semaine après. A ce rendez-vous, j’ai répondu avec une délégation de notre parti, comprenant Hadrami Ould Khattri, Bouyagui Ould Abidine, et un certain Diéri Sidibé de Rosso. Moktar nous a tenu le même discours. C’est au cours de cette réunion que nous avons arrêté le Congrès d’Aleg.

« Les raisons de ma démission de la présidence de l’Assemblée».

A l’époque, au niveau de toute l’AOF, les partis se regroupaient. On a formé un comité dont Moktar a pris la tête. On a jeté les premiers jalons du parti du peuple mauritanien. Au retour du Congrès d’Aleg, je suis entré au Gouvernement. J’ai occupé les postes de ministre des Domaines. Au remaniement ministériel de 1959, on m’a affecté le Plan, l’Habitat et le Tourisme. J’ai ensuite été ministre des Finances. J’ai aussi occupé le poste de président de l’Assemblée de Nationale que j’ai quitté pour les raisons suivantes. Des rumeurs faisaient état d’un changement de régime. Moktar ne m’en a pas informé. Je l’ai appelé pour lui demander audience pour m’éclairer sur cette affaire. Il m’a dit qu’il n’était pas disposé en ce moment à me recevoir et qu’on en parlera dans l’avion parce qu’on devait se rendre ensemble en visite officielle au Mali.

Cette attitude de Moktar ne m’a pas plu et dans l’avion je ne lui ai rien dit. Au retour de la visite officielle au Mali, quand j’étais dans mon bureau à l’Assemblée Nationale, M Moulaye Mohamed, qui était député, m’a informé qu’il y a eu remaniement et qu’Ahmed Ould Cheikh et Elimane Kane ne sont plus ministres. Il s’agit de deux jeunes cadres compétents sur lesquels je comptais beaucoup. Grand fut alors mon étonnement. J’ai appelé Moktar au téléphone pour lui signifier mon mécontentement et surtout ma déception qu’il ait mis tous le éléments valables du gouvernement à la porte. Je lui ai également dit que j’ai appris l’information par quelqu’un alors qu’en tant que président de l’Assemblée nationale, je devais être consulté.

Les Mauritaniens ne comprendront jamais qu’il a pris cette décision sans m’en informer. Dans ce cas, je ne peux continuer à collaborer comme ça. A partir de ce jour là, il devait continuer à faire ce que qu’il veut sans moi. Voila comment j’ai quitté la présidence de l’Assemblée nationale et même la scène politique.

A notre époque, le point le plus important sur lequel nous étions tous attachés, c’était l’unité nationale parce que nous venions de sortir de la division des partis et des ethnies, etc. Il fallait consolider la construction de la Mauritanie qui était revendiquée par certains pays voisins. Beaucoup de pays ne reconnaissaient pas notre indépendance. De toute la Ligue arabe, seule la Tunisie se préoccupait de notre sort et nous venait en aide.

Sur le plan économique, il faut rendre hommage à Sidi El Moctar N’Diaye qui fut président l’Assemblée territoriale, qui a joué un rôle important dans l’exploitation des mines de fer en exigeant qu’elles soient exportées exclusivement à partir des ports mauritaniens sinon elles resteront en sol. Un port a été construit à Nouadhibou pour exporter le fer. Il faut se féliciter aussi de la création de l’abattoir frigorifique de Kaédi qui a permis l’exportation de notre viande. Je pense que ces deux réalisations pouvaient permettre à notre pays de prendre son envol économique.

Sur le plan politique, le fait le plus important qui a contribué à la consolidation de l‘unité nationale, c’est la fusion de tous les partis au sein du parti du peuple mauritanien ». Mémoire vive

La résistance mauritanienne contre l’occupation coloniale a été âpre, intense, longue et multiforme. D’abord au Trarza, au Brakna, en Assaba, au Tagant, dans les deux Hodhs, et ensuite dans les régions nord du pays : Inchiri, Adrar, Nouadhibou et Tiris Zemmour. Il n’y a presque pas une localité où des martyrs ne sont pas tombés sur le champ de bataille. Toutes les franges de la société ont pris part activement à la résistance, soit en s’engageant comme résistants armés, soit en assurant la logistique et la protection. Une autre forme de résistance s’est exprimée à travers le refus des familles d’envoyer leurs enfants à l’école française. ; une résistance culturelle soutenue par l’intelligentsia religieuse qui avait légitimé la résistance et émis des fatwas expresses et sans équivoque dans ce sens.

Certains groupes avaient délibérément choisi d’émigrer, constituant ainsi les premières communautés de Mauritaniens au Maroc, en Afrique Occidentale, en Turquie, en Arabie Saoudite et dans de nombreux autres pays. Le discours « pacifiste » de l’orientaliste Xavier Copolani ne trompait personne. Comment d’ailleurs pouvait-il en être autrement quand l’on sait qu’il avançait en conquérant avec une force de frappe disproportionnelle avec celle dont pouvaient disposer les autochtones. C’est sans doute pourquoi il fut le premier et le dernier administrateur civil de la pénétration coloniale. Tous ceux qui le suivirent étaient des militaires, en raison de la forte résistance opposée à l’occupation. Quoiqu’on dise, cette indépendance dont nous célébrons ce mois-ci le cinquantième anniversaire est l’aboutissement logique de la somme des sacrifices consentis par les martyrs héroïques qui ont fait don de leur vie à ce pays

Transcrit, réécrit et mis en forme par Babouna Diagana.

HORIZONS

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