François Léotard, ex-ministre et lobbyiste de luxe en Afrique

François Léotard, l’ancien ministre de la Défense d’Edouard Balladur, s’est reconverti dans le recyclage des déchets… et celui de son carnet d’adresses.

En Tunisie, François Léotard est suspecté d’être intervenu auprès du clan Ben Ali pour qu’un groupe français se voie confier la décharge de la capitale.

Ce rapport de la Commission nationale d’investigation sur la corruption et la malversation, publié en novembre, n’a pas fait beaucoup de bruit en France. Pourtant, comme le relève Var Matin, il met notamment en cause un gros groupe français de traitement des déchets, Pizzorno, et son conseiller, désigné sous les initiales « FL ».

Entre 2005 et 2007, les autorités tunisiennes avaient lancé trois appels d’offres successifs pour la décharge de Tunis et son agglomération, tous infructueux. Le quatrième sera le bon : fin 2007, Pizzorno décroche enfin le marché, l’équivalent de 20 millions d’euros sur cinq ans.

« Un ami de la Tunisie » selon Ben Ali

Le lobbying du mystérieux FL n’y serait pas étranger, affirme le rapport :

« Il apparaît que le marché a été accordé d’une manière irrégulière […] à la société française et son conseiller FL, qui occupait le poste de ministre dans le gouvernement français et que l’ancien président [Ben Ali, ndlr] considérait comme un ami de la Tunisie […]. Il apparaît que FL a usé de son autorité et ses relations avec les responsables tunisiens pour influencer le cours du marché […]. »

Pizzorno conteste ces conclusions : il assure qu’il a remporté ce marché à la loyale, en respectant strictement les procédures.

Le groupe n’est pas très bavard, en revanche, sur le rôle exact de François Léotard. La direction n’a pas donné suite à nos sollicitations. L’ancien ministre, non plus. Dans Var Matin, le secrétaire général de Pizzorno expliquait simplement :

« François Léotard est un de nos administrateurs, ce n’est pas un secret. En sa qualité et compte tenu de son grand relationnel en Afrique, il était dans son rôle à faire du lobbying pour le groupe dans le cadre de ce marché. Cela n’a rien d’illégal. C’est ce que font toutes les entreprises. »

Pizzorno bénéficie de ce « grand relationnel » depuis février 2005. Le groupe varois avait conclu avec François Léotard, lui-même ancien maire de Fréjus et député du Var, un « contrat de prestation d’assistance commerciale », selon un rapport des commissaires aux comptes.

Du lobbying payé 120 000 euros par an

Coût de ces prestations : 120 000 euros par an. Depuis, François Léotard a rejoint, en juin 2008, le conseil d’administration de Pizzorno. De quoi compléter sa rémunération avec 10 000 euros de jetons de présence, selon les rapports annuels du groupe.

Bilan ? L’ancien ministre a permis au groupe de décrocher deux gros marchés à l’étranger. Déjà très actif au Maroc, Pizzorno a pu s’implanter en Tunisie, donc, mais aussi en Mauritanie. Il y a obtenu la collecte des déchets à Nouakchott, la capitale : un contrat de vingt ans, rapportant 5,6 millions d’euros annuels.

Là-bas aussi, un ancien ministre de la Défense. Lorsque le président mauritanien est victime d’un coup d’Etat, François Léotard obtient une audience avec le général qui l’a déposé.

On y parle de déchets, mais pas seulement. Selon l’Agence mauritanienne d’information, le Français assure aussi à son nouveau client qu’il est prêt à « accompagner ses efforts dans […] la rénovation qu’il a engagée » : retraité de la politique, François Léotard a gardé quelques réflexes utiles en affaires…

Son conseiller rattrapé par l’affaire Karachi

Mais plus que les sacs poubelles, ce sont les sous-marins qui préoccupent en ce moment l’ancien ministre de la Défense : ceux de l’affaire Karachi, dont la vente est soupçonnée d’avoir donné lieu à des rétrocommissions en faveur de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur.

Renaud Donnedieu de Vabres, compagnon de route politique de François Léotard et son conseiller à la Défense, a été mis en examen ce jeudi, dans le volet financier de l’affaire. François Léotard, lui, s’était expliqué dans une tribune publiée sur Rue89 en janvier : il démentait l’existence de rétrocommissions et tout financement occulte au profit d’Edouard Balladur.

François Krug

Source  :  Rue89 le 15/12/2011

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