La détention arbitraire de Mohamed Lemine Ould Dadde est symptomatique de l’instrumentalisation de la justice

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), son organisation membre en Mauritanie, l’Association mauritanienne des droits de l’Homme (AMDH), ainsi que Agir ensemble pour les droits de l’Homme (AEDH), et SOS- Esclaves, s’inquiètent de la détention arbitraire de M. Mohamed Lemine Ould Dade, ancien Commissaire aux droits de l’Homme, à l’action humanitaire et des relations avec la société civile en Mauritanie.

Cette détention démontre une fois de plus l’instrumentalisation du système judiciaire mauritanien à des fins politiques ou personnelles et bafoue les droits de la défense. Nos organisations demandent aux autorités mauritaniennes la stricte application du droit et le respect de leurs obligations internationales et régionales en matière de droits humains.
M. Mohamed Lemine Ould Dade, est par ailleurs connu pour son engagement personnel contre l’esclavage en Mauritanie. Il est l’unique « Maître » à avoir accepté de parler de ce problème à des journalistes et à avoir expliqué comment il a libéré et accompagné l’esclave qu’il avait reçu à sa naissance.
Le 27 septembre 2010, M. Mohamed Lemine Ould Dadde, a été arrêté, placé sous mandat de dépôt et inculpé de « détournement de deniers publics » prohibé par les articles 164, 165 et 379 du code pénal. Selon la loi en vigueur, le suspect aurait dû pouvoir bénéficier à l’issue de ses 18 mois de détention provisoire, échu depuis le 27 septembre 2011, et sans clôture de l’instruction et sans renvoi définitif devant les juridictions de jugement, d’une remise en liberté, le temps de la fin de l’instruction et du renvoi de l’affaire devant la juridiction compétente ou de la décision de non-lieu. Au lieu de cela, M. Ould Dadde a été maintenu en détention contre les dispositions légales en vigueur.
Le 26 octobre dernier, le Ministère public, par voie de presse, a nié le caractère arbitraire de la détention au double motif que, les demandes de remise en liberté avaient été régulièrement rejetées et que les charges portées contre M. Ould Dadde étaient notamment aggravées par l’application de l’article 138 alinéa 5 du Code de procédure pénale qui dispose que « si les éléments constitutifs de l’infraction ont été commis hors du territoire national ou si l’individu est poursuivi pour homicide volontaire, trafic de drogue, terrorisme, association de malfaiteurs, prostitution, brigandage ou pour cause d’infraction commise en bande organisée », la détention préventive peut être portée jusqu’à 3 ans.
« L’application de l’article 138 alinéa 5 est manifestement inadaptée au cas de M. Mohamed Lemine Ould Dadde et est instrumentalisée pour prolonger sa détention en dehors du cadre de la loi » a déclaré Me Fatimata Mbaye, présidente de l’AMDH et Vice-présidente de la FIDH.
Par ailleurs, d’après les informations reçues, de multiples violations de procédure ont été observées depuis le début des poursuites engagées contre M. Lemine Ould Dadde. Il est jugé par des juridictions ordinaires alors que le commissaire aux droits de l’homme, ayant rang et prérogatives de ministres, est justiciable de la Haute Cour de Justice. L’annulation par la chambre d’accusation de la Cour d’Appel, une semaine après leur émission, des huit mises en demeure adressées le 22 mai 2011 à de hauts responsables et des fournisseurs du commissariat, est irrégulière du fait que l’un des fournisseurs n’avait pas donné suite, et que la requête d’annulation était anonyme. On relèverait également de nombreuses erreurs et incohérences dans les rapports de l’Inspection Générale d’État, les rapports des enquêtes de police et le rapport provisoire de la cour des comptes.
Le cas de M. Ould Dadde est symptomatique de l’instrumentalisation de la justice mauritanienne à des fins politiques ou personnelles. M. Ould Dadde est par ailleurs connu pour son engagement personnel contre l’esclavage en Mauritanie. Il a été un des principaux personnages du documentaire de ARTE  » Chasseur d’Esclave » dans lequel il explique comment il a libéré et accompagné l’esclave qu’il avait reçu à sa naissance. Il est l’unique « Maître » à avoir accepté de parler de ce problème à des journalistes.
Dans un contexte de forte tension sociale et politique en Mauritanie du fait des pratiques discriminatoires observées à l’encontre des Noirs notamment dans le cadre du processus en cours de recensement de la population [1], de la négation par les autorités du phénomène persistant de l’esclavage, et des atteintes régulières aux droits humains, nos organisations demandent aux autorités mauritaniennes de procéder à la libération immédiate de M. Ould Dadde et de se conformer pleinement à ses obligations en matière de protection des droits de l’Homme.

Source  :  lecalame.info le 05/11/2011

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