Mâle, lève-toi!

coupe decale masculiste. Par Damien GletzEntendez-vous dans vos campagnes pleurer les féroces machistes? En Afrique, il n’y en a plus que pour les femmes. La révolte masculiniste gronde. Texte et dessin inédits de Damien Glez.

Pauvres hommes. Déjà que la gent féminine exerce une domination numéraire sur la planète, la voilà qui tend à dominer les sphères dirigeantes de l’Afrique. Et à capter tout le capital de sympathie. Quizz: qu’y a-t-il de commun entre les trois récipiendaires du dernier prix Nobel de la Paix? L’origine géographique? Non. Professionnelle? Que nenni. La féminité! La victime de cet apparent sexisme décomplexé est le système chromosomique XY, tout particulièrement africain. Deux lauréates sur trois sont africaines. La Libérienne Leymah Gbowee, la «guerrière de la paix», n’exprima-t-elle pas une tentation de misandrie en nommant son mouvement pacifiste «Women of Liberia Mass Action for Peace». Exclusion, quand tu nous tiens!

Pauvre homme démuni

 Quel trophée l’opposant-candidat libérien Winston Tubman pouvait-il bien brandir, en campagne électorale, quand Ellen Johnson Sirleaf –déjà nantie de la «prime au sortant»–, faisait mine de minimiser la plus valorisante des distinctions internationales? Au titre de la réconciliation des sexes, Stockholm aurait pu décerner une médaille d’argent au pauvre candidat mâle. Que vaudrait une candidate sans contradicteur?

Au Kenya, c’est à un autre prix Nobel de la paix féminin qu’on ne finit pas de rendre hommage: Wangari Maathai. Au Mali, on encense la généticienne Assétou Samaké en la qualifiant de «femme courage». Au Burkina Faso, dans le village d’Issouka, on se prosterne devant Napoaka Ziiri, Léontine Kaboré à l’état civil, cheffe traditionnelle au cœur d’une population mossé exclusivement  issue de la… princesse Yennenga (dans la légende, à l’origine de l’empire mossi). Pauvres hommes assujettis! Si la chefferie (territoire sous l’autorité du chef de tribu) ne leur est plus réservée, il faut commencer à craindre pour l’exclusivité masculine de la prêtrise. Déjà, le Vatican a salué la «victoire pour les femmes» que constitue le choix du Comité Nobel.

En mars dernier, c’étaient deux jeunes filles burkinabèes, Aissatou Hamidou Diallo et Fatimata Yanta, qui obtenaient le droit de fouler, à Washington, le sol de la Maison Blanche. Fi de la parité: les garçons de leurs classes de CM2 n’avaient qu’à ronger leur frein dans les villages de Kantchari et de Kouroumani.

Pauvres hommes discriminés !

Sans complexe, la Banque mondiale envisage formellement «de favoriser les femmes», arguant que ce serait un bon calcul pour l’économie du continent. Déjà, les hommes de pouvoir africains doivent écrire «chère madame la directrice générale» en tête de leurs doléances adressées à l’autre institution de Bretton Woods, le FMI. La femme africaine serait le messie du secteur agricole. À la fin de la précédente décennie, l’OCDE indiquait que «les femmes africaines assurent près de 70 pour cent de la force agricole du continent et produisent environ 90 pour cent de toutes les denrées alimentaires». Elles sont aussi les championnes de la gestion du microcrédit. Et du microphone. En matière culturelle, elles incarnent le continent, comme en atteste l’affiche de la neuvième édition du festival  »Octobre africain » de Parme. Un profil de femme s’y confond avec la carte du continent noir. Partout sur le continent, on voit naître des festivals sur le modèle de «Voix de femmes». Que dirait-on d’un festival «voix d’hommes»? Pauvres mâles incompris.

D’ailleurs, quel linguiste a-t-il décidé que les adjectifs accolés à «Afrique» devaient s’accorder au féminin?

Femmes, femmes, femmes… Elles domineraient donc les champs, les scènes et les bureaux. Ne restera-t-il au mâle africain que la domination dans la chambre à coucher? Pas sûr. Le Huffington Post publie une étude de chercheurs de l’Université John Hopkins qui affirme que les femmes dominantes auraient jusqu’à cent fois moins de rapports sexuels que les autres. L’étude à été menée dans six pays d’Afrique: le Ghana, le Mali, le Rwanda, l’Ouganda, le Malawi et le Zimbabwe. Six pays au nom masculin.

La toute fraîche lauréate du prix Nobel de la paix, Leymah Gbowee, joue depuis longtemps avec la libido de nos braves guerriers. Pendant la guerre civile, son mouvement pacifiste lança la «grève du sexe». Chaque femme, toutes confessions religieuses confondues, était invitée à se refuser aux hommes tant que le conflit durerait. Le pouvoir des femmes serait-il castrateur?

Si l’homme avec un petit “h” ne réagit pas dès maintenant, il pourrait passer ses journées à compenser sa frustration sexuelle en pilant le mil.

Messieurs, à votre testostérone, l’heure de la révolte a sonné!

Il est grand temps de militer dans les mouvements masculinistes. À cet effet: un nouveau manifeste pourrait prendre la forme suivante:

«Nous, hommes, décidons, ce jour, de nous libérer des chaînes de la domination féminine.Toi qui es las du matriarcat conquérant, rejoins-nous.

Par ce manifeste, nous:

condamnons les mauvais traitement infligés à nos frères battus sur le continent africain;

exigeons la parité systématique dans les prix Nobel de la Paix;

réclamons auprès de l’Académie française que les mots «parité», «égalité», «autorité» et «liberté» deviennent des termes masculins. Il devra ainsi être dit «Aux fins d’un égalité parfait, le parité sera exigé par un autorité compétent»;

sollicitons un congé de paternité d’une durée équivalente au congé de maternité;

sollicitons le droit de participer aux championnats féminins de judo;

demandons l’accès au métier d’esthéticien, en particulier aux épilations du maillot;

exigeons d’être, en toute égalité, victime de harcèlement sexuel;

revendiquons un dépistage systématique du cancer du testicule, annuel et remboursé dans son intégralité;

En échange de ces évolutions, nous, hommes, acceptons de faire quelques concessions:

Nous:

–  cédons l’usage des vocables suivants: «une ostracisme», «une fanatisme» et «une sectarisme»;

acceptons de participer à la vaisselle en léchant nos assiettes de Thiéboudienne [plat populaire sénégalais à base de riz et de poisson];

–  tolérons que les femmes passent avant nous dans les escaliers (surtout si elles sont en minijupes);

préconisons que les sages-hommes rendent leurs tabliers aux maïeuticiennes, attendu qu’on nous laisse exclusivement jouer avec l’échelle du camion de pompier;

acceptons de faire barrage aux lobbys marchands qui entretiennent le sexisme ludo-éducatif en jouant, nous aussi, avec des poupées. Gonflables.

L’égalité aujourd’hui”.

Mais pourquoi les hommes ont-ils l’impression que les femmes ont pris le pouvoir en Afrique? Ne l’avaient-elles pas depuis longtemps? Avant que l’organisation sociale d’Afrique noire ne soit altérée par une influence extérieure? En 1959, Cheikh Anta Diop racontait déjà le matriarcat africain. Un proverbe ne dit-il pas que «la barbe exécute le jour ce que la tresse lui a dicté la nuit».

Pauvres hommes…

Damien Glez

Source: Slateafrique

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