Nouvelles d’ailleurs: Désespérances et cécités…

Un recensement mal ficelé, un défaut d’explication, des mémoires non apaisées et, au bout du chemin, la mort d’un garçon de 20 ans, Lamine Mangane.

Kaédi, Maghama, Nouakchott… Des gendarmes qui tirent à balles réelles et c’est tout un pan de notre Mauritanie qui s’emballe.
Ceux qui vantaient, depuis des mois, la « merveilleuse » Mauritanie rectifiée, ceux qui nous la vendaient comme on vend une voiture, ceux qui la bradaient dans des discours et des communiqués élogieux, ceux là font preuve, maintenant, d’un silence gêné.
Comment n’ont-ils pas vu et senti, tous nos politiques, de n’importe quels bords qu’ils soient, que rien n’allait chez nous. Que la désespérance des années 89 et 90 était telle qu’elle méritait mieux qu’une prière des morts à Kaédi, et un retour des rapatriés.
Que cette désespérance n’avait pas trouvé de réponses de la part de ceux qui sont censés améliorer, proposer, gouverner, apaiser.
Comment ont ils pu être aveugles, et sourds, et hermétique au bon sens?
1989 fut une fracture, tous les pardons du monde n’y changeront rien et n’auront aucun sens si les politiques ont pris la désespérance à l’envers, croyant la soigner à coups de placebos stériles et dangereux.
Comment nos politiques n’ont-ils pas pris, réellement, la mesure des traumatismes de 1989? Pourquoi et comment?
Que ce recensement en cours soit réellement exclusif ou non, telle n’est plus la question. Le cœur des manifestations, c’est bien le ressenti d’une partie des mauritaniens face à ce recensement, nos compatriotes de la Vallée, eux qui traînent, depuis plus de 20 ans, la mémoire sanglante des années de sang et de braise.
Eux à qui, sous Taya, on a refusé toute citoyenneté. Que l’on a tués. Que l’on a emprisonnés. Que l’on a assassinés, que l’on a déportés, que l’on a chassés des futurs.

Cette jeunesse qui manifeste est la descendante de ces années là. Elle est porteuse de toutes les rancœurs et souffrances. Elle est désespérance.
Nos politiques, dans un grand exercice d’amnistie des mémoires et des assassins, ont tout fait à l’envers : une prière des morts, une demande de pardon, des réfugiés installés sur des terres qui n’étaient pas leur et, zou, tout était réglé. Les morts au placard…
Avant de mettre en place un recensement somme toute obligatoire et normal, il fallait prendre le temps nécessaire pour expurger ces mémoires de doutes et de deuils. Ne pas faire l’économie de la prise de conscience.
Laisser la parole se libérer. Permettre aux victimes de parler. A leurs descendants d’interroger.
Il fallait, quitte à ce que à ce que ça prenne des années, revenir sur les drames de 1989.
Et, surtout, rendre la justice. Débusquer les assassins, les voleurs de terres, de bétail, de vie. Les juger. Les punir. Montrer que la justice de notre pays n’est pas qu’un grand machin vide de sens, aux ordres, tétanisée par un pouvoir personnel, aveugle et sourde, soumise aux clans familiaux et aux lobbys de l’argent.
Il fallait gérer et non pas simplement entériner.
Quand les jeunes manifestants se sont trouvés face à des forces de gendarmerie à Maghama et qu’ils ont été tirés comme des lapins, ils rappelaient à la Mauritanie entière que son histoire est bancale.
Qu’être noir aujourd’hui chez nous fait de vous un citoyen qui fait « tache » sur l’arabité inventée et imposée depuis des décennies. Qu’être noir aujourd’hui, c’est être un citoyen de seconde zone.
Qu’ils sont juste tolérés par des politiques qui, à force de regarder vers le monde arabe, en ont perdu, sciemment, le sens des choses et des réalités.
Ces politiques qui ont séparé, de fait, la Mauritanie des Pères Fondateurs, en 2 blocs communautaires qui se regardent en chiens de faïence. Un fleuve d’incompréhension….
Il fallait, de la part du pouvoir, des gestes forts, pas simplement une prière des morts médiatisée et exploitée.
Il fallait un Président et des ministres qui parlent, simplement. Qui comprennent la désespérance.
Il fallait interdire les partis politiques apôtres d’une arabité à tout crin, arabité exclusive, ceux qui sont allés, par exemple, s’aplatir devant Kadhafi.
Il fallait, pour l’opposition, ne pas accepter la « raison d’Etat » et faire comme si….Et exiger réparation.
Et si, par le biais de la justice, tout l’appareil militaro politique des 30 dernières années avait été envoyé en prison, tant pis!
Des politiques ne peuvent demander la paix quand les auteurs des violences sont issus de leurs rangs.
L’armée ne peut exiger l’ordre quand elle abrite encore les assassins.
Malheureusement, au vu des déclarations rigides de notre ministre de l’Intérieur et le retour de la théorie du complot (ce sont des « étrangers » qui encadraient les manifestations de Touche Pas à Ma Nationalité, etc., etc…), il semble que la cécité soit de mise.
Par volonté gouvernementale.
Alors, une pensée à Lamine Mangane, mort de désespérance, rêve d’une Mauritanie pacifiée, retrouvée, réinventée…..
Salut

Mariem mint DERWICH

Source  :  lecalame.info le 05/10/2011

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