Les observateurs s’interrogent sur cette exceptionnelle juridiction qui prolonge de six mois le mandat parlementaire. Une inquiétude qui interpelle le chef de l’Etat et tous les juristes sur l’urgence d’une révision de la constitution mauritanienne. Au de-là de ce forcing au plus haut sommet de l’Etat c’est la gouvernance démocratique qui est pointé du doigt.
Soulagement et suspicion
Le parlement est assuré du moins à continuer de fonctionner jusqu’en 2012. Une décision du Conseil constitutionnel qui évite pour l’instant à la Mauritanie de sombrer dans une crise institutionnelle semblable à celle de 2008 qui a conduit au putsch du général Aziz et arrêté brusquement le processus démocratique en cours depuis seulement une année.
Les mauritaniens ont échappé de justesse à un vide juridique qui pouvait être fatal au pays et au gouvernement de Ould Laghdaf confronté non seulement à une crise sociale et politique mais aussi à une guerre contre la nébuleuse islamique plus dangereuse que jamais dans cette bande désertique sahélo-saharienne difficilement maîtrisable par l’armée. Heureusement que cette fois-ci Ould Aziz a saisi la balle au bond et dispensé sa majorité d’éventuels dérapages du parlement.
Ce chambardement juridictionnel tient au report au dernier moment des législatives et municipales à une date ultérieure dont l’objectif vise à poursuivre le dialogue inclusif avec l’opposition. Mais ce forcing au plus haut sommet de l’Etat est une mauvaise procédure de prorogation du parlement puisque l’article 47 est très clair sur cette question. Il précise que les députés sont élus pour 5 ans au suffrage direct et que sauf prorogation éventuelle l’assemblée nationale ne peut se réunir au-delà du terme fixé par la loi.
Dans cette perspective, la constitution actuelle ne prévoit pas de donner ce pouvoir au président de la République encore moins au parlement ou le conseil constitutionnel. Ce dernier ne peut statuer selon l’article 49 qu’en cas de contestation sur la régularité de l’élection des parlementaires et sur leur éligibilité. Ces graves lacunes héritées de l’ancien régime de Ould Taya pénalisent le fonctionnement des institutions. Un autre cas d’école peu probable dans la pratique mais qui mérite l’attention par exemple en cas de mésentente entre le président et le gouvernement ou le président et la majorité au parlement.
C’est étonnant que la constitution n’ait rien prévu pour cette cohabitation. Au moment où les législatives sont reportées jusqu’à l’année prochaine ce cas de figure n’est pas une vue de l’esprit .Et ce n’est pas de gaieté de cœur que l’opposition dénonce à chaque fois que l’occasion se présente ce camouflage flagrant de la dictature de Ould Aziz sous les habits d’une démocratie. Les pouvoirs exorbitants du président excluent toute possibilité d’alternance en Mauritanie.
Et pourtant dés son arrivée au pouvoir en juillet 2009 l’homme fort mauritanien avait promis de faire un toilettage même s’il faut prendre un peu de temps. A l’époque, le Haut Conseil d’Etat avait proposé de coupler les élections présidentielles à un référendum constitutionnel .L’idée a été reprise secrètement dans les accords de Dakar sur l’épineuse question de la poursuite du dialogue national inclusif, pomme de discorde aujourd’hui entre la majorité et l’opposition. Pour les observateurs, ce forcing politique interpelle le chef de l’Etat voire tous les juristes mauritaniens sur l’urgence d’une révision de la constitution.
Sur ce dossier, des journées de réflexion à Nouakchott en 2010 organisées par les partis de la majorité avaient déblayé le terrain mais les résultats sont restés dans les tiroirs de la Maison brune. En clair c’est la tête du poisson qui est pourrie. Ce sera difficile de réguler l’exercice des pouvoirs sans une réelle volonté politique. Au-delà de cette révision c’est la gouvernance démocratique qui est pointée du doigt. Le président mauritanien a tué dans l’œuf tout de suite le dialogue national en tournant le dos aux différentes propositions de l’opposition qui allaient dans le sens de l’adoption de réformes susceptibles de renforcer la démocratie d’où la lenteur des pourparlers.
Ce qui est sûr les deux principaux leaders de l’opposition Ahmed Ould Daddah du RFD et Mohamed Ould Maouloud de l’UFP n’iront pas au dialogue sans les préalables des accords de Dakar et la mise en place d’un code électoral consensuel approuvé par une commission nationale indépendante des élections .Les autres leaders de la Coordination sont toujours dans l’expectative mais d’ici six mois pourraient bel et bien faire avancer le dialogue.
Mais quel dialogue ? Placé toujours sur la défensive Ould Aziz devrait tendre la main à toute l’opposition et surtout de garder à l’esprit l’organisation d’élections transparentes et libres. Une seconde constitution mauritanienne pourrait rehausser son image sur le plan national et international. Un difficile pari à gagner.
Bakala Kane
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com