Report des élections : et changement de gouvernement à la rentrée ?

On reparle, à nouveau, d’un changement imminent de gouvernement. Et d’un très probable report des élections municipales et législatives.

 

 

 

Si pour le premier, on n’est pas vraiment à une première  » information  » sur le sujet, pour le second, c’est quand le président Aziz a parlé, il y a une semaine, du dialogue et de ses conditions que la possibilité d’un report s’est présentée comme la meilleure opportunité pour remettre à plus tard un scrutin dont l’étape de préparation est encore très aléatoire.

Ceux qui donnent pour imminent le changement du Gouvernement du Premier ministre Moulay Ould Mohamed Laghdaf s’appuient sur la possibilité, de plus en plus sérieuse, de reculer l’échéance électorale des municipales et législatives d’au moins deux mois. Ce sera la réponse à donner à deux impératifs majeurs : être suffisamment bien outillé (financièrement parlant) pour mener à bien ce scrutin d’importance et répondre à une demande de l’opposition dont une partie pourrait bien se lancer dans la course, à condition toutefois qu’on lui donne le temps de se préparer.

On s’inscrirait ainsi dans l’optique du discours rémanent de la majorité, depuis le  » direct du président avec le peuple « , n’excluant pas la possibilité de reculer la date des élections, à condition, bien sûr, que le dialogue ait lieu. Et l’on ne serait pas loin de penser que c’est en allusion aux bonnes dispositions d’une partie de la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD) que la Majorité n’hésite pas à déclarer que le dialogue «  aura bien lieu  » ! La crainte qu’une élection sans au moins deux ou trois partis de la COD ne renvoie l’image des scrutins de l’époque Taya a les mêmes conséquences fâcheuses d’une déroute – possible – pour le pouvoir ! A cause d’une multiplication des candidatures indépendantes. Et d’aucuns d’évoquer, à ce sujet, le report du renouvellement partiel du tiers du Sénat qui, selon plusieurs observateurs de la scène politique mauritanienne, allait se solder par un fiasco politique pour l’Union pour la République (UPR) dont les concurrents les plus sérieux se trouvaient être les  » indépendants «  issus de ses côtes !

La méthode du fusible

Concernant le nouveau remaniement en perspective, il sera surtout destiné à aligner une nouvelle équipe qui ne pourra pas être rendue responsable, à la veille des élections, des mauvaises performances du gouvernement. Le changement répondrait donc à la vieille tactique du fusible qui saute et n’aurait rien à voir avec les rééquilibrages opérés jusque-là par Ould Abdel Aziz et qui ne visaient, à chaque fois, qu’à donner l’impression de prendre en compte le jugement de la rue. Maintenant, notent ceux qui évoquent l’imminence du remaniement, Ould Abdel Aziz doit éviter toute réadaptation qui ne correspondrait pas, véritablement, à la volonté de concilier l’action du gouvernement au discours du président.

Encore faudrait-il que la nouvelle équipe puisse répondre aux critères de sélectivité liée uniquement aux prédispositions de performance pour éviter que revienne la question souvent posée lors des précédentes retouches : Les ministres  » sortis «  étaient-ils réellement les moins performants du gouvernement Laghdaf I et II ou avaient-ils seulement joué de malchance ? Difficile de répondre à une telle question puisque, de toutes les façons, rien ne permet aujourd’hui de dire réellement pourquoi certains ministres restent indéfiniment à leur poste – s’il n’y a pas de changement de PM – alors que d’autres ont compris, trop tard, qu’ils étaient assis sur des sièges éjectables ? Toujours est-il qu’aujourd’hui le gouvernement de Moulay Ould Mohamed Laghdaf est perçu, de plus en plus, comme un véritable boulet au pied du président Aziz. Avoir ordonné aux ministres de profiter de leurs  » vacances d’hivernage  » pour aller rencontrer les populations de l’intérieur ne change rien à la chose.

Paradoxalement, les critiques dont on accable l’Union pour la République (UPR), parti au pouvoir qui essaie de reprendre la main, après avoir été  » marginalisé  » sur la question du dialogue par les rencontres entre Aziz et Messaoud, doivent aller plutôt au  » gouvernement par défaut  » dont l’action, sur près de deux ans manque de visibilité. Malgré le satisfecit président à l’occasion de la commémoration de l’An II de l’investiture d’Aziz.

Car les principaux axes de la dernière Déclaration de Politique Générale du Premier ministre d’il y a 8 mois ne se reflètent nullement dans ce qui est entrepris en ce moment et qui est plutôt une sorte de navigation à vue. Le triomphalisme qui a suivi la récente visite de haut responsable du Fonds monétaire international (FMI) rappelle étrangement celui de la  » réussite exceptionnelle  » de la Table ronde de Bruxelles. Mais attention, à l’allure où va la contestation sociale (celle des travailleurs de plusieurs secteurs sensibles et de l’opposition), il pourrait céder la place très bientôt à une tendance inverse de désenchantement qui, même s’il n’est pas affiché par les premiers concernés (les ministres eux-mêmes) est vécu par les administrations sous formes de coupes drastiques dans leurs budgets de fonctionnement, de retard de salaires, pour les travailleurs non permanents, et d’essoufflement de certains projets et programmes qui ne fonctionnent que grâce à une certaine gymnastique financière, où la SNIM (Société nationale industrielle et minière) serait  » traitée  » comme une vache laitière ! Une sorte d’Etat-Providence dans un Etat où pratiquement tous les voyants sont au rouge !

Le gouvernement, qui commence vraiment à lasser, faute de bilan pouvant justifier son maintien, comme équipe et non comme individualités, ne peut plus jouer avec le temps, à presque trois ans de la fin du quinquennat du président Aziz. Ce dernier, qui est certainement en course pour un second mandat, en 2014, doit penser maintenant à mettre un terme à l’existence d’un gouvernement qui pèche par son affiliation à une  » Rectification « , qu’il faut oublier maintenant, et à une élection présidentielle qui a été vécue par l’opposition comme le prolongement du coup d’Etat du 06 août 2008.

Déroute gouvernementale

On avait confié à Ould Mohamed Laghdaf et à ses ministres la mission  » sisyphienne «  de poser les fondements de cette Mauritanie Nouvelle mais l’on n’a pas tardé à comprendre que son équipe actuelle est loin d’être à la hauteur de ce que le président Aziz avait conçu comme une rupture avec le passé récent du pays. Chaque jour qui passe, donne ainsi raison à ceux qui s’évertuent à inverser les termes de la boutade qui dit qu’on  » ne change pas une équipe qui perd «  et qui est en train de donner son sens au maintien d’un gouvernement qui présente mille et un défauts dont le moindre n’est sans doute pas celui d’être inodore et incolore.

Bâtir l’édifice la « Mauritanie Nouvelle », dont le fondement doit être ces premières années d’exercice plein du pouvoir démocratique, ne peut se faire MAINTENANT qu’avec du sang neuf. Le président de la République qui procède jusqu’à présent par petites retouches ne peut tolérer plus longtemps la fainéantise aujourd’hui reconnue d’un gouvernement dont le seul fait d’armes est d’avoir survécu plus longtemps qu’on ne le pensait ! Ni accélération des réformes, ni plan de rigueur ne sont à mettre au compte d’un gouvernement dont la présence n’est sentie – ressentie – qu’à travers celle du Président lors des injonctions processuelles du Conseil des ministres. L’intervention du Chef de l’Etat dans divers secteurs de l’activité du Gouvernement et son exposition aux critiques de l’opposition démontrent, largement, le déficit de crédibilité et d’efficacité d’une équipe gouvernementale ayant très tôt perdue le souffle nécessaire à la Longue Marche qui s’annonce.

Ainsi, pensent certains observateurs, l’actuel PM n’a plus rien à prouver à la tête de l’équipe gouvernementale. Son amitié avec le Chef ne justifie nullement une confiance sans limite qui, à la longue, peut relever de la complicité sur toutes les questions qui fâchent : flambée des prix, esclavage, enrôlement des populations, traitement du dossier des réfugiés, dialogue…

Sneiba Mohamed

Source  :  L’Authentique le 17/08/2011

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