La chine n’a jamais quitté la Mauritanie. Et vice versa. Depuis que les relations diplomatiques ont été rétablies entre Nouakchott et Pékin en 1965, la coopération bilatérale dans beaucoup de domaines s’est accélérée en l’espace d’un quart de siècle. Ce dynamisme s’est traduit dans le volume des échanges commerciaux qui a fait un bond spectaculaire en 2007 passant à 700 millions de dollars.
Les investissements chinois se concentrant depuis ces dernières années sur des infrastructures de base et les secteurs productifs de l’agriculture de la pêche et des industries extractives dont l’objectif est de permettre la croissance de l’économie mauritanienne. Les chinois ont fait leurs premières preuves dans le domaine de la santé où ils étaient plus de 700 à Kiffa et à Sélibaby et particulièrement appréciés par les populations. Le symbole de cette coopération est matérialisé aujourd’hui par « l’hôpital de l’Amitié Arafat » dans un des quartiers les plus populaires à Nouakchott d’une capacité l’accueil de 88 lits.
Ensuite les chinois ont beaucoup investi dans l’agriculture en réalisant en 1970 dans la région du Trarza la plaine M’Pourié pour la production du riz. Après plusieurs années d’exploitation concluantes des centres de démonstrations de techniques agricoles vont prochainement ouvrir leurs portes pour améliorer le cadre de vie des paysans et leur rendement. En dépit de tous ces efforts consentis mutuellement c’est sur la politique de contrôle des prix qu’il y’a friction entre les deux capitales.
Les autorités de Nouakchott avaient décidés récemment de limiter les bénéfices de la partie chinoise pour pouvoir encourager ses exploitants agricoles notamment les petits producteurs. Ce qui a entraîné le retrait des investisseurs de Pékin qui n’y trouvaient plus leur compte. Pour les observateurs cet échec est bien loin de l’image que le citoyen mauritanien a du modèle de développement officiel chinois.
Ce n’est pas la première fois que Pékin est gourmand comme en témoigne le différend en 2009 qui portait sur la réalisation d’un aéroport international sur l’axe Dakhlet-Nouadhibou. Les négociations ont achoppé sur le prix du fer. Pékin avait exigé que les prix soient conformes au prix en vigueur au moment de l’accord sous le régime Ould Taya alors que Nouakchott voudrait vendre son fer au prix du marché international qui avait entre temps augmenté pour ne pas avoir un manque à gagner sur la contre valeur à verser de 200 millions de dollars en minerai de fer.
Par contre dans d’autres exemples, les chinois se montrent plus discrets et plus coopératifs. Le joyau Port de l’Amitié, le premier port en eau profonde opérationnel depuis 1988 est significatif à cet égard et dont l’extension en 2010 permettra à la Mauritanie d’augmenter son trafic maritime d’une capacité estimée à un million de tonnes et mieux desservir les pays voisins et au de-là de l’Europe et le reste du monde. Dans cette lancée, la chine va aider prochainement la Mauritanie à construire un chemin de fer qui reliera Nouakchott au Mali .Un challenge dans ce pays désertique à 90 pour cent et une aubaine pour le désenclavement du pays des Dogons.
En attendant les mauritaniens pourront être fiers du premier tronçon de la route du « Triangle de l’Espoir » pour le désenclavement de l’Aftout oriental qui a nécessité un prêt préférentiel de près de 25 milliards d’ouguiya comme les Mourabitounes le sont du reste avec le palais de Nouakchott, le palais du congrès et le musée national. La coopération volontariste chinoise se manifeste surtout dans le domaine universitaire où c’est la première fois en Afrique que Pékin finance gratuitement et construit le futur siège d’une faculté de médecine à Nouakchott.
Peut-être pour compenser aujourd’hui ses lourds investissements dans les industries liées à la pêche et à l’aquaculture de crevettes où beaucoup de chinois travailleraient dans ce secteur vital pour la Mauritanie. Ce soudain revirement de la chine vers les richesses halieutiques suscite beaucoup d’interrogations aux yeux de l’opposition mauritanienne qui voient dans le nouvel accord de pêche de 25 ans signé par l’opérateur chinois Poly Handong Fishey soit un investissement de 100 millions de dollars avec à la clé la construction d’un complexe de transformation des produits pélagiques d’une capacité de 100 000 tonnes annuellement ainsi que 2500 emplois permanents, un bradage de l’une des côtes les poissonneuses du monde. Ce sentiment est conforté par les récentes décisions du gouvernement de Ould Laghdaf d’autoriser le chalut bœuf par le bateau usine flottant chinois « Lafayette » il y a quelques mois aux larges de Nouadhibou. Alors que les pourparlers pour un nouvel accord de pêche avec l’Union européenne ne sont pas terminés.
Ainsi ce sont les stocks de petits pélagiques qui vont être le plus menacés. En plus l’usine de farine destinée à l’aquaculture ne fait pas l’affaire des mauritaniens puisque cette technique de transformation demande des tonnes de petits pélagiques comme la Sardinelle, base de consommation de poisson dans beaucoup de pays voisins sans compter ses retombées polluantes sur l’environnement. Les chinois tiennent les investissements agricoles comme les investissements des industries de pêches à la prunelle de leurs yeux. Raison pour laquelle ils ne sont trop regardant sur les conditions et d’exigence en matière de respect des règles de transparence et de bonne gouvernance.
Mais ce regard unilatéral risque à long terme de mettre en porte-en-faux la chinafrique avec l’Union Africaine et certaines démocraties africaines qui souhaitent tourner la page des dictatures notamment militaires. Cette stratégie est faible et pourrait fragiliser l’équilibre des populations locales qui ont surtout besoin du savoir faire chinois. Autrement dit un modèle de coopération gagnant-gagnant pour les faibles.
Bakala Kane
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