Le président directeur général du groupe de communication MEPIPS a déclaré que la Mauritanie traverse une crise politique sans précédent depuis l’élection, en juillet 2009 du président Mohamed Ould Abdel Aziz. Ce dernier, a-t-il indiqué a marginalisé la majorité qui lui a permis de remporter ces élections.
Evaluant le bilan des réalisations du président de la République au cours des deux années écoulées, Ould Haiba a déclaré que la démocratie s’est davantage consolidée en Mauritanie, c’est le cas notamment pour la liberté d’expression dont le champ s’est élargi. Personne ne peut nier qu’un climat de liberté d’expression qui n’existe dans aucun autre pays du monde, prévaut en Mauritanie. La presse jouit d’une liberté totale. Le ministère de la communication joue un rôle important en vue d’assurer cette liberté de presse et d’expression.
Je ne sais si les sit-in peuvent être comptabilisés comme des réalisations ? Si tel est le cas, beaucoup de choses ont été accomplies. Mieux : on pourrait dire que la principale caractéristique de ces deux ans écoulés du mandat du président de la République ce sont les sit-in quasi quotidiens devant le Palais présidentiel. Toutes sortes de gens ont manifesté devant la Présidence : les chômeurs, les personnels non permanents, les habitants des gazras, nos compatriotes expulsés de Côte d’Ivoire, ceux revenus de Libye, les diplômés chômeurs, les employés des médias publics, les femmes chefs de ménage, les mendiants, les commerçants ambulants et nous avons même vu des coqs devant la Présidence !
Les attroupements devant le Palais présidentiel sont devenus, au cours de ces deux dernières années, si fréquents que n’importe quel individu qui fait face la nuit à un malentendu familial à son domicile, se rend très tôt le lendemain à la Présidence en brandissant une banderole sur laquelle on peut lire « Non à l’injustice, je réclame mes droits ».
Dans la même déclaration, Ould Haiba a noté que parmi les importantes réalisations, il y a lieu de citer le réseau routier dont il faut s’en féliciter. Mais à la première goutte de pluie à Nouakchott, ces routes se sont transformées en mares et cuvettes d’eau pourrie. De ce fait le risque est grand de voir Nouakchott ployer sous l’eau au cas où la pluviométrie atteindrait 20 mm du fait qu’il n’existe absolument pas de canalisation. En conséquence cet effort important de construction de routes bitumées, reste hypothétique. Dans tous les cas, ces routes ont été construites avec l’argent de l’Etat qui appartient au peuple, et non pas l’argent du gouvernement ou du régime.
Parmi les réalisations également, on cite la distribution de parcelles de terrains au profit des populations. Le gouvernement a certes distribué des terrains aux populations pauvres mais ces lots appartenaient déjà au peuple ; comment peut-on se glorifier de donner à quelqu’un ce qui lui appartenait déjà ? S’il veut se vanter d’avoir donné au peuple quelque chose, le gouvernement doit nous donner ce qu’il a drainé de l’étranger ou encore distribuer des richesses héritées des aïeuls.
Quant aux boutiques de solidarité que le gouvernement cite à grands coups de publicité comme l’une de ses importantes réalisations, il y a lieu de noter que le riz vendu aux pauvres est celui là même que les riches et les auteurs de détournement des biens publics donnent à leurs animaux comme aliment de bétail. Des sommes faramineuses du budget de l’Etat sont données à un commerçant qui ramène des denrées alimentaires périmées qui ne font que détourner les femmes de l’éducation de leurs enfants du fait des longues heures qu’elles passent dans les rangs pour obtenir une infime quantité de riz, de sucre ou d’huile. S’agit-il d’une réalisation qui mérite tout ce tintamarre ?
Les autorités n’ont pas réussi à drainé pour le peuple mauritanien le moindre financement ou coopération des autres Etats du monde. D’abord, en raison de la conjoncture internationale difficile mais surtout en raison du déficit enregistré par notre pays en matière de politique étrangère et l’échec de ceux qui en ont la charge. Jamais notre diplomatie n’a été aussi catastrophique qu’aujourd’hui. C’est la première fois, que l’on voit un ministre des Affaires étrangères d’un Etat agressé et ses ambassadeurs subir le même sort. Cela s’explique du fait que le secteur de la diplomatie souffre de l’absence de critères dans les nominations. Ces derniers temps, le département des Affaires étrangères est occupé par des personnes qui n’ont rien à voir avec la diplomatie. Des ambassadeurs nommés sur les critères du clientélisme et du favoritisme alors que des diplomates de carrière sont confinés à des postes subalternes. Ceci explique que les pays frères et amis hésitent à coopérer avec nous ou à nous accorder des financements.
Les autres Etats qui disposent d’un poids réel sur l’échiquier international ne doivent pas avoir comme interlocuteur des personnes n’ayant aucune expérience en matière de diplomatie, ignorants les enjeux des mutations qui secouent le monde actuel et méconnaissant les fondements des relations internationales. Ces personnes ne peuvent guère convaincre un partenaire, ni lui inspirer confiance. Aujourd’hui certains pays du Golfe, de l’Europe et des Amériques sont disposés à coopérer avec la Mauritanie et à y investir, le seul problème c’est qu’ils n’ont pas trouvé un interlocuteur valable et fiable.
Le problème de la diplomatie mauritanienne ce ne sont pas les diplomates puisque le pays regorge de hauts cadres en ce domaine, disposant de solides expériences et de grandes capacités mais ces compétences sont écartées et les nominations se font sur la base d’un seul critère : celui de choisir ceux qui présentent les profils les moins indiqués.
Voici ce qui a été fait sur le terrain. Vous pouvez l’appeler réalisations ou autre chose. Pour ma part, j’estime tout simplement que c’est du menu fretin. La seule réalisation qui vaille est celle de la liberté d’expression et d’opinion. Personne ne peut la nier. Mais cette liberté ne nourrit pas l’affamé, ne guérit pas le malade et ne résout pas les problèmes du chômage ni ceux de la pauvreté.
Cette liberté a été obtenue par la presse en 1991. A l’époque le tristement célèbre article 11 permettait aux autorités de censurer n’importe quel journal mais, en contrepartie elle empêchait l’emprisonnement des journalistes et leurs sanctions pour ce qu’ils écrivent. La presse souffrait également de l’absence d’appui public et aujourd’hui, de cet appui elle n’a obtenu que des promesses et les textes théoriques.
Vous vous souvenez du rôle joué par la presse lors du procès de Wad Naga 2004-2005 et son rôle dans la défense des Imams et Ulémas arrêtés au cours de cette période ? Les ulémas qui à l’époque apparaissaient sur le petit écran pour criminaliser leurs collègues emprisonnés, développent aujourd’hui publiquement un autre discours qui consiste à applaudir aveuglément le pouvoir et à trouver justification à tous ses faits et gestes.
C’est vous dire que la liberté de presse n’a pas débuté il y a seulement deux ans mais depuis près de vingt ans. L’appui dont on parle actuellement était déjà une promesse des années quatre vingt dix. C’est d’ailleurs toujours une simple promesse.
S’agissant du recensement actuel pour la sécurisation du registre national, Ould Haiba a indiqué que l’état civil existait et tous les mauritaniens disposaient de pièces. Le recensement se déroulait régulièrement et périodiquement. Il y’avait certes des dépassements et certaines falsifications mais cela restait dans les limites du tolérable. C’était l’Etat qui pilotait l’opération et c’était l’administration qui en assurait l’exécution.
Aujourd’hui, on a confié le dossier à un commerçant qui le gère comme bon lui semble. La gestion de l’état civil est l’une des manifestations les plus claires de l’échec dont j’ai parlé tantôt. Ce n’est ni une réalisation ni un acquis dont on peut se glorifier. Cette opération constitue un obstacle devant le processus démocratique car les élections ne se dérouleront pas à la date prévue et les citoyens ne pourraient pas y participer tous ; même à une date ultérieure.
L’état civil est une question nationale qui concerne l’Etat, son intégrité et l’identité de toutes les composantes du peuple. Depuis l’indépendance du pays, l’état civil relevait de la responsabilité de l’Etat car il s’agit d’un aspect essentiel de la souveraineté nationale. Aujourd’hui, elle est entre les mains d’une personne sans rapport aucun avec l’administration, ni avec la fonction publique. Un homme d’affaires qui tient entre ses mains le destin de tout un peuple et qui définit qui est mauritanien et qui ne l’est pas. C’est la preuve de l’échec du ministère de l’Intérieur. C’est un précédent dangereux qui ne mènera que vers plus de problèmes et de blocages. Il est urgent de corriger ce dysfonctionnement afin que l’Etat assume toutes ses responsabilités, avant qu’il ne soit trop tard.
Evoquant la question du dialogue politique, Ould Haiba a déclaré que c’est la quintessence de la démocratie sans laquelle on ne peut pas parler de démocratie. Il a ajouté que l’opposition a tenté d’amorcer le dialogue avec le régime mais ce dernier n’accepte de parler qu’avec les pans d’opposition qui le glorifie et le magnifie ouvertement, se demandant pourquoi le régime ne se réunit pas avec l’ensemble des leaders de l’opposition ? Pourquoi le président de la République ne reçoit pas le leader de l’institution démocratique ?
Ould Haiba a également précisé que le leader de l’institution démocratique a obtenu ce titre en vertu de la constitution qui stipule que le président doit le recevoir en audience tous les trois mois. L’opposition a exprimé sa disponibilité pour le dialogue et le régime en a fait de même mais je vous assure que celui-ci n’aura pas lieu car le régime rejette toute référence à l’accord de Dakar et l’opposition tient à cette référence.
Qu’est ce qui fait craindre au régime l’accord de Dakar ? Pourquoi cet accord ne fait pas partie des sujets de discussion ? J’invite l’opposition à aller vers le dialogue même sans l’accord de Dakar et je souhaite que le pouvoir vienne vers ce dialogue sans développer de complexe par rapport à cet accord. Le dialogue est une nécessité pour toute la Mauritanie et c’est la meilleure voie pour prémunir les crises politiques et sociales, il est aussi le plus sûr moyen de garantir l’unité et la cohésion du peuple mauritanien.
Concernant ses positions par rapport aux opérations militaires menées par l’armée mauritanienne contre AQMI dans le territoire malien, il a exprimé son soutien pour l’armée nationale, précisant qu’il se considère personnellement comme membre de l’institution militaire dans laquelle il a servi sous le drapeau national lors de la guerre du Sahara. Il a encore dit en substance : « je suis du côté de l’armée et je soutiens sa guerre contre le terrorisme et en tant qu’expert militaire, je sais que les bandes de pirates et de trafiquants qui se nomment AQMI ont attaqué notre armée à l’intérieur de ses frontières. Ce sont eux qui ont ouvert les hostilités mais je sais aussi que l’Algérie qui n’est pas à comparer avec notre pays en termes de force militaire et d’armement et qui a fait l’objet d’attaques de ces bandes avant nous et à plusieurs reprises n’est jamais sorti de ses frontières pour faire la guerre à ces groupes, en dépit du fait qu’elle dispose de centaines d’avions de combat et des milliers de chars.
Je soutiens l’armée dans toute démarche qu’elle entreprend et je me mets à son service à tout moment et suis prêt à prendre les armes de nouveau. Je sais que des milliers de retraités et ancien de l’armée partagent avec moi cette idée, j’exhorte tous les mauritaniens à manifester leur solidarité avec l’armée. Celle-ci doit protéger les frontières du pays et contrer toute agression. Il suffit de protéger nos frontières, n’avons pas besoin de manœuvrer hors de nos frontières à la recherche des assaillants.
Parlant des révolutions arabes, Ould Haiba a indiqué qu’en Egypte la révolution a réussi mais a été volée. Ce qui a eu pour conséquence une certaine instabilité et violence. La situation ne se calmera que lorsque se concrétisera l’objectif qui a poussé le peuple a destituer le régime de Moubarak.
La même scénario s’est déroulé en Tunisie où prévaut la violence et où ont refait les pratiques pour lesquelles les tunisiens s’étaient soulevés et pour lesquelles Bouzizi s’était immolé. Ce qui se passe au Yémen est complétement différent car le président Ali Abdallah Saleh s’est comporté comme si le Yémen lui appartenait à lui et à ses fils. Je crains que le scénario du Yémen se passe chez nous, qu’Allah nous en preserve ! Nous avons vu que le président du Yémen a été visé en raison de son entêtement et son mépris des revendications du peuple et de la classe politique.
La révolution libyenne est différente de ce qui se passe dans les autres pays. Je soutiens le CNT libyen mais je ne partage pas avec eux le fait d’avoir fait appel à l’OTAN qui tue le peuple libyen et bombarde jour et nuit ce pays au motif de vouloir destituer le guide libyen. Ben Ali et Moubarak ont quitté le pouvoir sans l’intervention de l’OTAN et sans une guerre interne. Pourquoi les libyens ont-ils besoin des frappes de l’OTAN, alors qu’ils sont capables de réaliser par une révolution pacifique ce que les tunisiens et les égyptiens ont réussi ?
S’agissant des positions divergentes des leaders de l’opposition sur la question des révolutions arabes qui sont vues par Messaoud Ould Boulkheir comme une sorte de pagaille et de zizanie qui ne sied pas à la Mauritanie, et par Ould Daddah comme moyen de débarrasser les peuples des dictatures, en invitant le peuple mauritanien de s’inspirer des peuples tunisien et égyptien.
Ould Haiba a déclaré qu’il s’agit là de ligne politique propre à chaque parti, indiquant qu’il respecte le point de vue du président de l’Assemblée nationale et celui du leader de l’opposition démocratique. Personnellement, je pense qu’une révolution ne va pas dans notre intérêt. La Mauritanie ne supporte pas ce modèle. Nous pouvons dépasser cette situation, notre tempérament ce sont le dialogue et la concertation. Nous avons nos illustres ulémas et nos sages. Nous ne devons tolérer aucun comportement susceptible de menacer notre paix sociale et notre stabilité.
Enfin, Ould Haiba a parlé de l’intérêt qu’il porte au parti El Wiam qu’il a rejoint récemment. Il a précisé que les dirigeants de ce parti sont des symboles du régime d’Ould Taya. Il a précisé qu’il n’a personnellement pas rapport avec le régime d’Ould Taya ajoutant que la plus illustre des personnalités avec lesquelles il avait des relations du temps du régime d’Ould Taya, qu’il ne regrette pas, est Boidiel Ould Houmeid.
Tout le monde sait que ceux qui gouvernaient la Mauritanie avec Ould Taya et qui l’ont poussé à entreprendre les fautes qui lui ont été fatales, sont ceux qui dirigent aujourd’hui le pays. Les personnalités qui dirigent El Wiam ont été écarté par Ould Taya parce qu’elles lui ont dit la vérité et se sont élevées contre les dérives de son régime. Ceux qui ont pris en otage l’ancien président ce sont eux qui gouvernent le pays.
Ould Taya a dirigé le pays durant deux décennies. Il a réalisé beaucoup de choses que personne ne peut nier ou effacer. Au cours des festivités commémoratives du centenaire, nous avons constaté que certains applaudisseurs se sont mis à diviser l’histoire de la Mauritanie en deux étapes : le régime de feu Mokhtar Ould Daddah et celui d’Ould Abdel Aziz. Ils ont réduit un demi-siècle de vie de la nation en une vingtaine d’années seulement. Comme si la Mauritanie s’était arrêtée de vivre durant la période s’étalant de 1978 à 2008 ; ils ont fait semblant d’ignorer tout ce pan d’histoire bien qu’ils aient participé au régime de Ould Taya.
Ces laudateurs n’ont pas changé, sauf peut être l’un des plus illustres ministres de l’intérieur qui s’est laissé pousser une barbichette il y a quelques jours. Lui au moins a essayé de changer de look ! Je suis fier d’appartenir à El Wiam et je suis fier d’être au sein de ce groupe dont la plupart des membres étaient avec Ould Taya. Pourquoi Ould Taya s’est-il passé des services de ce groupe ? Aujourd’hui le seul grief reproché aux dirigeants d’El wiam c’est qu’ils disent la vérité et s’insurgent contre la trahison et la flagornerie. Ce groupe a été écarté par Ould Taya. Si le coup d’état qui l’avait destitué a réussi, c’est parce que ce groupe n’était plus à ses côtés !!!
Source : Le Véridique le 27/07/2011