Autour d’un thé ( Le Calame )

Le 10 juillet est une date mémorable, pour les Mauritaniens. Elle symbolise le jour où les militaires se sont invités au pouvoir, en renversant le premier président de la Mauritanie indépendante, feu maître Moktar Ould Daddah.

 

 

Depuis – 33 ans ! Avec un petit intermède de quinze mois – le pays vit sous la botte des officiers, champions du monde toutes catégories en coups d’Etat. Après ces plus de trois décennies d’intrusion, les militaires n’ont aucune envie de renoncer aux honneurs, à l’argent facile et aux commodités que leur offre leur recyclage en politique. Leur engagement en ce sens est tel que certains hauts gradés n’éprouvent aucune gêne à organiser des réunions de sensibilisation, au profit de telle ou telle formation politique. Et que d’autres s’investissent publiquement, comme lors de la dernière présidentielle, dans la campagne du candidat le plus enclin à assurer leur place et leurs privilèges. Personne n’a encore oublié leurs interférences, évidentes, dans l’issue du scrutin de 2007. Tous se rappellent leur réaction, en 2008, lorsque le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, excédé par leurs multiples et maladroites immixtions, a, subitement, décidé de les démettre. La constitution d’un peloton de députés, sa gestion et sa manipulation, pour conduire une fronde contre les institutions républicaines, sont des preuves supplémentaires: les militaires de Mauritanie entendent jouer, encore longtemps, leur partition en politique. Peut-être que la grande désorganisation qui sévit, dans l’institution militaire, s’explique, en partie, par le désengagement de ses responsables de leurs missions régaliennes, au profit d’activités qui ne devraient, normalement pas, les concerner, comme dans tout Etat de Droit. Mais vous savez, dans un pays où les nominations de ministres, de secrétaires généraux, de tous les grands commis aux hautes charges de l’Etat dépendent de l’intervention d’un chef de corps, d’un officier de la garde présidentielle, d’un intendant ou des femmes ou amies de ceux-ci; dans ce pays-là, dire que ce sont les militaires qui gouvernent n’est pas un mensonge. Un ami – c’est une anecdote sans importance, mais je vous la raconte quand même – un ami, disais-je, éternel fauché, compte bancaire toujours au rouge, a contracté un prêt qui vient à peine de débuter, donc n’ayant vraiment droit à plus rien d’autre. Dans ses recherches de solution, le voici creusant sa mémoire, jusqu’à en ressortir le nom d’une vieille amie de classe qui a eu plus de chance que lui: C’est la femme d’un respectable officier supérieur, proche de notre ex-général national. Grâce à cette relation, mon ami a réussi à obtenir, auprès de sa banque, un second prêt, étalé plusieurs dizaines de mois, une faveur habituellement impossible, en sa situation. Et je vous dis deux choses, à bien vérifier, tout de même, avant de les colporter. En un, tous les soldats de Mauritanie n’entretiendraient qu’un seul souhait : avoir la chance, historique, de se faire affecter au BASEP. Pour cela, l’intervention d’un général, d’un ministre, du président de l’Assemblée nationale ou du Sénat ou d’un ancien président n’est pas de trop. Savez-vous pourquoi? Parce que les officiers, sous-officiers et HDT (hommes de troupes) de cette unité jouiraient de monumentales faveurs dont le versement hebdomadaire de sommes conséquentes serait la moindre, selon mon indiscret informateur, un soldat jaloux et aigri qui remue ciel et terre, depuis son entrée à l’armée, pour être du BASEP. Deuxième secret de Polichinelle: certains officiers supérieurs investiraient, paraît-il, en démolissant leurs anciennes villas et en en construisant de plus somptueuses, dans des matériaux très coûteux, importés de pays étrangers parfois situés très loin de la Mauritanie. En tout cas, les spéculations, sur l’origine des fonds des généraux, colonels et autres grands officiers de l’armée mauritanienne, me semblent insensées. D’abord, l’institution militaire dispose d’un budget de trente milliards dont la gestion s’effectue dans la plus totale opacité et aucun organe de contrôle de l’Etat ne peut prétendre enquêter dans l’état-major d’un corps constitué. Ensuite, il y a l’argent du Trésor, de la Banque centrale, des caisses noires des ministères de souveraineté et bien d’autres sources, intarissables, du Bien d’Allah. Une mère n’y retrouverait pas son petit. Alors, une spéculation…

Sneiba

Source  :  lecalame.info le 12/07/2011

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