D’un côté, une pauvre femme de chambre noire et musulmane. De l’autre un «maître du monde» blanc, puissant directeur général du Fond monétaire international.
Quand éclate l’affaire DSK, une histoire que le scénariste le plus tordu d’Hollywood n’aurait pas osé imaginer, beaucoup y ont vu une allégorie dramatique des rapports Nord-Sud. Avec, évidemment, la dame Nafissatou dans le rôle du Sud subissant encore les assauts du Nord, Dominique Strauss-Kahn.
De ce fait, beaucoup d’Africains —contrairement à l’opinion publique française— avaient applaudi les flics de New York pour leur interpellation musclée et spectaculaire de DSK. La preuve qu’il n’y avait pas forcément une justice à deux vitesses. Et patatras! Avec les derniers développements de ce procès hors du commun qui voient la crédibilité de Nafissatou Diallo fortement entachée, l’effet boomerang risque d’être terrible.
A commencer chez ces nombreuses femmes de chambres qui travaillent dans des hôtels new-yorkais, venues spontanément témoigner leur solidarité à la présumée victime de viol, en couvrant l’ancien patron du FMI de lazzis devant les caméras du monde entier.
Si Nafissatou Diallo a monté cette sordide histoire de toute pièce, c’est d’abord à ses congénères, ces servantes des temps modernes, que les puissants côtoient dans les hôtels de luxe sans vraiment les voir, qu’elle aura causé beaucoup de torts.
Nafissatou a amené le gacce chez les siens
Mais les dégâts collatéraux ne risquent pas de se limiter à ça. Après l’affaire DSK, ce qu’il est désormais convenu d’appeler «l’affaire Nafissatou» risque de causer un énorme préjudice à la très discrète communauté guinéenne, majoritairement composée de Peuls, musulmans et très religieux
La femme de chambre, par ses mensonges répétés, a amené le gacce (la honte, en langue peule) chez les siens. Elle risque de passer pour le restant de ses jours pour celle qui, comme on dit en Afrique, a «gâté le nom» des Peuls.
Au début de ce procès hallucinant, ceux qui savaient comment fonctionnait cette communauté très soudée et conservatrice n’avaient pas manqué de tiquer, avec le soutien du bout des lèvres apporté à une compatriote pourtant en grande difficulté —et de surcroît «souillée» par un «infidèle».
Une attitude qui tranchait avec celle adoptée au moment d’une autre affaire tragique, à savoir le meurtre de sang-froid par des policiers new-yorkais en 1999 du jeune Amadou Diallo, confondu avec un malfaiteur. Une histoire tragique qui avait créé un véritable traumatisme chez les Guinéens.
La crainte aujourd’hui, c’est que les Guinéens vivant aux Etats-Unis fassent désormais l’objet de soupçons sur les conditions de leur entrée sur le territoire américain.
Les nouveaux rebondissements de l’affaire DSK placent Nafissatou dans la position délicate de l’arroseuse arrosée. Dans une superbe tribune, l’écrivain guinéen Tierno Monénembo avait volé au secours de sa compatriote en s’en prenant vertement à un certain establishment parisien, ulcéré par cette «poussière de femme sortie des décombres du Bronx (qui) a osé enrayer la grande machine de l’Histoire. Par sa faute, DSK ne sera plus ni le plus grand banquier du monde ni le successeur de Louis Napoléon Bonaparte et de De Gaulle».
Par son comportement, Nafissatou Diallo aura aussi «trahi» beaucoup d’intellectuels africains, à l’image du talentueux écrivain, récompensé par le prix Renaudot en 2008, qui ne s’était pas ménagé pour voler à son secours…
Barka Ba
Source: slateafrique.fr