Mauritanie : le premier recensement administratif sous l’ère Ould Aziz contesté par les jeunes

Des milliers de jeunes issus des quartiers populaires ont envahi cette fin de semaine le centre d’Etat civil des Sebkha pour exprimer leur colère  sur le caractère discriminatoire de l’enrôlement actuel des populations et titres sécurisés.

Cette révolte est soutenue par plus de 13 organisations non gouvernementales qui ont  demandé la suspension immédiate de ce processus non transparent dans une lettre que les signataires viennent d’adresser au ministre mauritanien de l’intérieur et de la décentralisation.
Pour les observateurs ce signal fort des jeunes et des ONG est un  prélude à un soulèvement populaire. Encore faudrait-il que les autorités de Nouakchott décryptent à temps le message ? C’est loin d’être le cas.

Nouakchott a vécu cette fin de semaine certainement une de ces fièvres les plus chaudes depuis le lancement de l’opération sous le vocable enrôlement des populations et titres sécurisés le 5 mai dernier. Ces milliers de jeunes qui ont pris  d’assaut  le centre d’Etat civil Sebkha ont les nerfs à fleur de peau. Issus d’ un des quartiers les plus populaires de la capitale  fief des chômeurs et les  quelques travailleurs Haratins. En arborant le slogan « Touche pas à ma Nationalité », ils réclament justice  c’est-à-dire un recensement transparent et équitable de toutes les composantes de la population. Par la même occasion,ils dénoncent ainsi  la caractère raciste de ce vaste projet du gouvernement de Ould Laghdaf  qui  vise en réalité à « dénégrifier » la Mauritanie comme ce fut le cas sous l’ère de Ould Taya
pendant les évènements 89 où plus de 200 000 négro-mauritaniens ont été déportés vers le Sénégal et le Mali déchus de leur nationalité à la suite d’une vaste opération menée par les services de  renseignement du pays  qui ont établi des listes en priorité des mauritaniens nés au Sénégal. Pour les observateurs, ce signal fort de la jeunesse mauritanienne est un début de révolte populaire pour mettre fin à ce que certains qualifient encore une fois de deuxième crime programmé par l’Etat contre les noirs. C’est le sens de la lettre commune du réseau des ONG de Développement de la Mauritanie (RODIM) qui regroupe plusieurs associations nationales, du Forum national pour les droits de l’homme( FONADAH), de la Promotion de la Citoyenneté(RPC) et de Publiez Ce QueVous Payez  ( PCQVP) ainsi que d’autres associations, lettre adressée ce vendredi au ministre de l’intérieur et de la décentralisation  et qui souligne les conditions déplorables de ce recensement  administratif dans les Moughataa du district de Nouakchott. Par conséquent les signataires de cette lettre plus d’une trentaine d’organisations non gouvernementales demandent pour le moment la suspension immédiate de ce processus et l’ouverture d’un dialogue franc avec tous les mauritaniens. Même son de cloche de mauritaniens de l’Etranger à travers une pétition signée également par des mauritaniens de l’intérieur. Cette idée est  également partagée  par la société civile et beaucoup de leaders d’opinion nationale et internationale sur Facebook. Du jamais vu  dans  le pays des Mourabitounes depuis son indépendance en 1960. Et pire. Comme mode de communication les autorités de Nouakchott privilégient l’attentisme.
Aucun signe d’apaisement des populations encore moins d’explications ou de rectifications des erreurs des centres d’état civil. Ce silence troublant du gouvernement de Ould Laghdaf pourrait endommager gravement l’ascenseur de la réconciliation nationale déjà en panne malgré les promesses du chef de l’Etat Ould Aziz de localiser les sépultures de toutes les victimes mauritaniennes des crimes passés. Et il y’a plus d’une année il avait manifesté sa volonté de finir avec les crimes commis par Ould Taya contre la communauté Halpulaar. Globalement rien n’a changé.  A quelques mois des législatives et municipales d’octobre prochain, la sécurisation des titres sécurisés apparaît comme un tremplin pour gagner « légalement » ces consultations. Et sur le terrain, elle devient un véritable cauchemar pour
les électeurs potentiels qui pourraient être privés de  leur droit de vote.
Si non comment expliquer que des mauritaniens de plus de 45 ans dont l’inscription est subordonnée à l’enrôlement de leurs parents et que des femmes de mauritaniens soient exclus du recensement ? Une exclusion qui touche essentiellement les négro-mauritaniens. Encore faudrait-il que le Premier ministre et son gouvernement décryptent à temps ce message de la jeunesse, des organisations non gouvernementales, de l’opposition et d’autres partis même de la coalition  de la majorité présidentielle, de la société civile ? Apparemment toutes les médiations auprès du ministre mauritanien de l’intérieur ont quasi échoué à défaut du traitement conséquent du déroulement de cette opération importante pour que le pays soit enfin doté d’un système biométrique de l’état civil. Et si cette situation perdure, elle pourrait réveiller les vieux démons du racisme  de la xénophobie et conduire à une implosion et à défaut pour la seconde fois à une identité monocolore de la Mauritanie.

Baba Kane

Source: kassataya

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