Sénégal : quand Sarkozy se fait le « parrain » du dauphin Wade

emeutes-dakar_23-juin-2011_Damien-LangryC’est une image qui passe mal au Sénégal, et qui figure en toile de fond de la révolte de la jeunesse qui pourrait balayer la dynastie Wade au pouvoir.

Lors du récent G8 en France, en présence de Barack Obama et de … Abdoulaye Wade, Nicolas Sarkozy s’est posé en parrain de Karim Wade, le dauphin du président sénégalais, qu’il a présenté au président américain.

Sur cette vidéo de la télévision française, qui circule sur la toile sénégalaise, on voit Nicolas Sarkozy en conversation animée avec Obama et Wade lors de la séance de photo de famille des chefs d’Etat, puis appeler quelqu’un avec un geste familier. Tout d’un coup, apparaît la stature longiligne de Karim Wade, ainsi présenté au président américain par Nicolas Sarkozy, dans le rôle du parrain. A Dakar, ça passe mal… (Voir la vidéo)

 

Cette vidéo est un élément à charge alors que tout le Sénégal se demande si la « dynastie » Wade survivra à l’actuelle vague de contestation au Sénégal, qui se retrouve dans le slogan devenu mouvement « Y’en a marre ».

A 86 ans, Abdoulaye Wade, au pouvoir depuis dix ans et qui envisage de se représenter à la présidentielle de 2012, et son fils Karim, 43 ans, quadruple ministre et dauphin de son père, sont menacés par une jeunesse tentée par un » printemps sénégalais ».

A deux reprises au cours des derniers jours, la rue s’est embrasée :

  • la première fois le 23 juin, pour protester – avec succès – contre un changement de Constitution qui, pour ses détracteurs, devait rendre plus aisée la succession dynastique à la tête du Sénégal au profit du mal-aimé Karim ;
  • la seconde fois lundi, pour protester contre les coupures intempestives d’électricité – avec, là encore, Karim au centre puisqu’il est notamment ministre de l’Energie !

Ces rassemblements ont tourné à l’émeute à Dakar et dans d’autres localités, faisant redouter un engrenage de la violence entre une jeunesse déterminée à se faire entendre, et un régime enfermé dans ses certitudes, et soucieux avant tout de protéger les intérêts de son clan…

Y’en a marre, collectif militant des rappeurs de Keur Gui

Le feu couvait depuis longtemps, et au moment où les Tunisiens se débarrassaient de Ben Ali, les jeunes Sénégalais se regroupaient derrière une poignée de rappeurs, Keur Gui, originaires de Kaolack, à quelque 200 km de Dakar.

C’est avec l’arme de la musique, et les paroles de l’indignation, que les chanteurs de Keur Gui ont semé la révolte, dénonçant la corruption et le mal-développement d’un pays qui s’est longtemps reposé sur ses lauriers de première démocratie d’Afrique francophone tout en laissant se développer une misère urbaine considérable. (Voir la vidéo de leur morceau « Coup 2 gueule »)

 

La vidéo de ce deuxième clip de Keur Gui a été vue plus de 170 000 fois sur YouTube, alors que les connections sont encore difficiles au Sénégal, notamment en raison des coupures d’électricité. (Voir la vidéo de « Guiss Guiss »)

 

C’est en janvier dernier que Keur Gui a franchi le Rubicon en lançant, avec un groupe de journalistes militants, le collectif « Y’en a marre », un slogan qui claque et que l’on a retrouvé dans les manifs des derniers jours, sur les pancartes et les T-shirts des jeunes émeutiers.

Le site SeneWeb.com le résume :

»« Y’en a marre » : tel est le nouveau mot d’ordre scandé par toute une génération se considérant comme « sacrifiée ». C’est également le nom du collectif à l’origine des rassemblements, qui a favorisé la création du Mouvement du 23 juin, coalition de plus de 60 partis d’opposition et d’organisations de la société civile sénégalaise. »

Selon Afrik.com, lors du lancement de leur mouvement, le 18 janvier, les « Y’en a marre » s’étaient ainsi définis, comme dans un morceau de rap :

« Marre de voir toutes ces frustrations accumulées et refoulées à longueur de journées sans rien faire. Marre d’être complice de cette passivité lassante sans lever le plus petit doigt. Marre d’avoir épuisé notre capacité d’indignation. Un désespoir ! Des nuits passées dans le noir, des journées de travail perdues. »

Un « faux nez » pour une passation de pouvoir au fils

La réforme de la Constitution, voulue par Abdoulaye Wade, a cristallisé la colère de ces jeunes, et le succès de leur mobilisation a contraint le vieux Président, autrefois chantre du « Sopi », le changement aujourd’hui bien usé, à faire marche arrière. Un recul qui pourrait le conduire beaucoup plus loin, si l’on en juge par la haine qu’inspirent certains membres de son régime.

Internet, ici aussi, permet à l’information de circuler. Ainsi, cette vidéo spectaculaire de la fuite, le 23 juin, de Farba Senghor – pilier du régime Wade, personnage controversé dont le nom avait été mêlé en 2008 au saccage de deux journaux critiques vis-à-vis du chef de l’Etat – fait le tour de la toile sénégalaise et contribue à délégitimer le pouvoir. (Voir la vidéo)

 

Abdoulaye Wade a sans doute commis l’erreur de sa vie en annonçant à son âge avancé qu’il serait candidat en 2012, après un bilan que peu de Sénégalais considèrent comme positif. Et, surtout, cette candidature est apparue à tous comme un « faux nez » destiné à préparer une passation du pouvoir à son fils Karim, comme dans le Gabon de Bongo, comme au Togo d’Eyadema…

Rectificatif le 29/7/11 à 18h25, avec l’age de Wade

Source: Rue89

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