Enrôlement discriminatoire inacceptable!

recensement-mauritanieIl se passe des choses d’une extrême gravité, en Mauritanie, et personne ne semble s’en émouvoir. Aujourd’hui, les populations négro-mauritaniennes, si chèrement attachées et liées au pays – c’est le leur – se voient dénier la nationalité mauritanienne.

Certains, il est vrai, qui en faisaient, il y a peu encore, leur cheval de bataille, déjeunent, désormais, à la table du chef et ont, donc, décidé de se taire, à jamais. L’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA) a raison et le constat se généralise. Chaque jour, ce sont des dizaines de personnes, identifiées par leur appartenance ethnique et leur naissance, qui subissent d’énormes tracasseries avant d’être éconduites, dans leur démarche d’enregistrement. Notamment à Sebkha, en ce même centre où Mohamed Ould Abdel Aziz s’est, si facilement, fait enregistrer, le jeudi 6 juin 2011, donnant, ainsi, le coup d’envoi de l’opération d’enrôlement des populations.
Un policier, un gendarme et un fonctionnaire civil décident, illico presto, de la mauritanité de leurs compatriotes. A la tête du client. Dans ces anciennes «maisons du Livre», symbole d’un régime génocidaire et raciste. En brousse, des terres ancestrales du waalo sont expropriées et «cédées», moyennent des sommes colossales, à des saoudiens et autres émirs richissimes. De quel droit? Au nom de quels principes? Ce qui se passe relève d’un plan ourdi par des extrémistes.
Nous n’acceptons pas un enrôlement sélectif. Que signifie la division, communautariste, des Halpulaareen en sous-ensembles ou fractions tribales? Exige-t-on, des hassanophones, de telles précisions? Seule l’IRA de Birame Ould Abeïd a le courage de dénoncer, vigoureusement, les critères de classification ethnique établis pour ce recensement. L’organisation anti-esclavagiste de défense des droits humains réprouve le fait que les Maures, noirs et blancs, sont classés dans le même groupe, sous l’appellation «arabo-berbère», alors que dans le même temps, les Foulbe et les Haal-pulaar, deux sous-groupes de l’ethnie peule, qui parlent la même langue, sont classés dans des groupes distincts. L’IRA dénonce «des visées politiciennes et des calculs hégémoniques qui dénotent la volonté, pernicieuse, de la minorité arabo-berbère de phagocyter les communautés négro-africaines».
Selon l’IRA, l’objectif des autorités est de maintenir «un équilibre artificiel». Toutes ces manœuvres, fait-elle remarquer, «consistant à diviser les uns et ignorer les autres, s’inscrivent dans la logique, raciste et ségrégationniste, du système de domination qui voudrait faire prévaloir, à tous les niveaux, la suprématie d’une minorité au détriment de la majorité». Le pays aurait beaucoup à gagner, s’il dépassait ces considérations particularistes, voire exclusionnistes. Le recours aux vieux démons de la division raciale est un très mauvais calcul. Pendant que le pays va mal, les autorités n’ont pas trouvé mieux que de restaurer une politique sélective, en accordant les coudées franches à des agents plus que zélés, en matière de racisme. Tout le monde sait que les commissions départementales ne sont pas représentatives, ni ethniquement ni racialement. Les organisations de droits de l’Homme n’ont jamais cessé de condamner leur composition, éminemment raciste et ethno-centriste: onze arabo-berbères pour un négro-mauritanien dont l’intégrité morale suscite, souvent, le doute. Que deviendront les personnes non-enrôlées? Des apatrides dans leur propre pays? C’est, évidemment, inadmissible. Où devront-elles aller, une fois privées de leurs droits civiques? Les mêmes critères devraient être appliqués à tout le monde. Des touaregs ont envahi la Mauritanie, en 1992, à la faveur de la guerre civile au Nord du Mali, tandis que des sahraouis étaient, déjà, omniprésents, dans le pays. Personne n’ose rien dire. Le pire, c’est qu’il n’y a aucun recours possible, quand on est débouté. Du jamais vu dans un Etat de Droit.
L’IRA a mis en garde les autorités «contre les risques de tensions que pourraient engendrer le détournement et la réduction d’une opération d’une importance capitale, pour le pays, en une entreprise sectaire, visant au renforcement et à l’accélération de la dérive ethnique du pouvoir». L’organisation de Birame engage les autorités à renoncer à la division, tant absurde qu’inacceptable, de la communauté Peulh en Fulbé et Halpulaar. Tout comme, elle exige, des autorités, la révision des procédures d’enrôlement, afin d’assurer, à tous les citoyens, un égal accès à l’état-civil.
Appel est lancé, à tous les partis politiques, les organisations de défense des droits humains, les élus et toutes les forces vives du pays, pour faire échec à «cette farce administrative qui, si elle est menée à terme, portera un coup, fatal, à l’unité de notre peuple et à la stabilité du pays». La Mauritanie pouvait, pourtant, se passer de cette mauvaise publicité qui ne témoigne que de la dangereuse immaturité citoyenne de nos dirigeants, sinon de leur incapacité à contrôler le sectarisme de fonctionnaires, affectés, sans discernement, à des tâches éminemment sensibles.

THIAM

Source: Le Calame

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