Marché de télécoms : Une Adjudication controversée

telephonieEn application du décret no2010-268 du 12 décembre 2010, promulgué par le gouvernement mauritanien et instituant un seuil minimum pour la tarification de la terminaison d’appel des communications téléphoniques internationales entrantes en Mauritanie,

l’Autorité de régulation (Are) a initié un processus d’appel d’offres visant à choisir un prestataire qualifié qui devrait assurer la fourniture, l’installation, et la mise en service d’un système de contrôle et de lutte contre la fraude pour ce type de trafic.

Ainsi le 23 Janvier 2011, l’ARE a lancé, un appel ouvert à manifestation d’intérêt à l’intention des entreprises réputées en « gestion des passerelles internationales, possédant une expérience démontrable ainsi que l’expertise et la capacité technique nécessaires pour l’assister en tant que partenaire stratégique. »
Neuf candidats à savoir : AZTELCO, IPERCOM, GVG SA, N-SOFT/ESMT, EAZY TELECOMS LTD, IT TELECOMS, GEMDT, TELTAC WORLDWIDE, AXSALA QoS ont exprimé leur intérêt pour ce marché. Le 13 Février, une commission d’évaluation fut mise sur pied et le 7 Mars cette commission arrête une short list avec seulement quatre d’entre eux : AXSALA QoS, GEMDT, GVG SA, N-SOFT/ESMT. Sur quel critère ? Mystère ! En effet une recherche sommaire montre qu’AXSALA est une petite PME (3personnes) et dont le capital est de 1000 euros. Quant GEMDT elle a travaillé dans le secteur mais seulement en Somalie et son chiffre d’affaire en 2009 est de 1 209 000 euros seulement.
Toujours est il que le 26 Mars l’appel d’offre est lancé et le 5 Mai parmi cette short list seuls GVG et N-SOFT/ESMT ont été reconnues par la commission comme qualifiées pour concourir et le 26 du même mois l’ARE attribue provisoirement le marché à GVG alors que son offre est dix fois plus chère que celle de N-SOFT/ESMT. Cette attribution demeure toutefois soumise à l’accord préalable du Gouvernement car c’est sur sa quote-part que le prestataire est rétribué.

Mais de quoi s’agit-il au juste ?
Depuis l’attribution de la première licence de téléphonie et la libéralisation du secteur des télécoms, l’Etat ne perçoit rien dans le cadre des appels internationaux entrants en Mauritanie.
Ainsi si quelqu’un en France par exemple appelle un abonné en Mauritanie, son appel est transporté avant d’atteindre sa destination, c’est-à-dire qu’il passe par un transporteur (carrier) qu’on appelle aussi « transporteurs de flux téléphoniques » Le transporteur peut être France télécom ou Sfr. Ils sont nombreux, mais on peut les identifier. Ce dernier facture le passage qui est payé par l’appelant. L’appel arrive en Mauritanie, mais ne va pas directement chez le destinataire. Il passe d’abord par l’un des trois réseaux (Mattel, Mauritel ou Chinguitel). Ce que l’Etat demande, c’est un « droit d’atterrissage ». C’est ce que fixe le décret no2010-268 du 12 décembre 2010 à 0,220 euros la minute. Quant au transporteur, France télécom par exemple, il facture au départ de l’appel à l’étranger vers la Mauritanie 0,56 euros et il paye à l’opérateur mauritanien le droit l’atterrissage, soit 0,220 euros par minute. D’autres transportent vers la Mauritanie en facturant au départ 1,5 euro et ne payaient en l’absence de tarifs que 0,10 à 0,14 euro à l’opérateur local. Compte tenu du trafic entrant en Mauritanie estimé à plus de 60 millions de minutes par mois, beaucoup d’argent est en jeu. On aurait 50 000 000 de minutes X 0,22 soit une manne de 11 000 000 euros par mois, l’Etat prélevant 36,5%, il aurait un peu plus de 4 millions d’euros par mois. Sur ce montant GVG se propose de prélever 45% alors que N-SOFT/ESMT se serait contenté de 4,5% soit dix fois moins. Il est donc normal que les gouvernements songent à avoir leur part du gâteau. Ce sont les ressources nouvelles que peut générer une régulation du marché des télécommunications à destination de la Mauritanie. De fait si le marché de GVG est approuvé le type de ce partenariat public-privé avec Global voice consisterait à déléguer à GVG le contrôle et le recouvrement de ce pactole. Un autre aspect économique, n’est pas moins important. Jusqu’ici les opérateurs, laissaient en Europe les sommes perçues auprès des transporteurs dans des banques européennes. Avec cette nouvelle procédure ils seront obligés de puiser sur ce compte pour rapatrier les fonds en Mauritanie. Mais ce qui braque encore plus les opérateurs c’est que le système mis en place, grâce au matériel qui sera installé, va mesurer le volume exact de trafic qui entre en Mauritanie. C’est la volumétrique. Aujourd’hui, on l’estime seulement à 50 millions de minutes, sur la base de simples déclarations des opérateurs. L’Etat n’avait pas les moyens de vérifier. Désormais, il y aura un compteur. Si on constate que le chiffre est supérieur à 50 millions de minutes, le fisc pourrait demander un redressement fiscal pour les années écoulées. Il faut souligner que GVG travaille au Ghana, en Guinée et en RCA. Au Sénégal, il y a eu une longue controverse, qui connut son dénouement le 15 septembre 2010, quand l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp), avait ordonné l’annulation de la procédure relative à la conclusion du contrat dit de partenariat entre l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) et Global Voice Group, après avoir suspendu le marché dans un premier temps.

Qui est le partenaire mauritanien de GVG ?
Qu’en sera-t-il en Mauritanie ? Y a-t-il des commissions occultes pour que ce marché suive ce chemin si tortueux ? Qui est le partenaire de GVG ? Certains parlent d’un ancien Premier Ministre ! Dans l’attente de l’adjudication du marché les opérateurs vont-ils continuer à se sucrer alors que le décret est déjà en vigueur ? Seule l’ARE pourra répondre à toutes ces questions et pour le moment i elle a, semble-t-il, choisi de ne pas parler !
BC

Source: Le quotidien de Nouakchott

 

 

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