Cameroun: le cas Samuel «Ego’o»

Souvent taxé d’arrogance, Samuel Eto’o ne fait plus l’unanimité au sein des supporters camerounais. Son ego agace, et le capitaine des Lions indomptables ne règne plus en maître sur la Tanière.

Il a beau avoir raté un penalty décisif contre le Sénégal (0-0) samedi 4 juin 2011, lors de la 4e journée des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Nations 2012, Samuel Eto’o reste une idole pour tout le Cameroun.

Il faut dire que les statistiques parlent d’elles-mêmes pour le capitaine des Lions indomptables: meilleur buteur de l’histoire de la sélection, Eto’o est, à juste titre, considéré comme l’un des meilleurs attaquants du monde. En Europe, du FC Barcelone à l’Inter Milan, il a tout simplement tout remporté: quatre Ballons d’or africains, trois Ligue des Champions, trois Ligas (le championnat espagnol), une Serie A (le championnat italien), une Coupe du monde des clubs…

De quoi en faire un intouchable? Pas loin. De nombreux artistes ont composé des chansons en l’honneur du natif de Nkon, que ce soit en Côte d’Ivoire, la terre du footballeur Didier Drogba, ou au Cameroun, avec DJ Kitoko, Tiesco S ou encore Weba Weba X. En 2009, un chanteur ivoirien, Arafat 8500 volts, lui dédie même un album entier intitulé Attalaku Eto’o vol 1

C’est indéniable, Samuel Eto’o Fils est une idole. Mais son ego lui joue parfois des tours. Incroyable joueur, l’attaquant de 29 ans avait su se sacrifier pour son club, l’Inter Milan, évoluant parfois arrière droit sous l’ère Mourinho, alors entraîneur de l’équipe italienne. Au travail du collectif la saison dernière, il a pris cette année une autre dimension, démarrant l’année sur les chapeaux de roue (21 buts en 35 matchs de championnat).

La diva du foot

Mais voilà… Avec le maillot des Lions, Eto’o est transformé. Le capitaine devient diva, faisant et défaisant les équipes à son gré. Et quand on l’attaque, il sort les griffes. A l’image de sa sortie sur Roger Milla le 29 mai 2010, très critique envers le numéro 9 quelques semaines avant la Coupe du monde en Afrique du Sud:

«Les gens doivent plus me respecter et surtout fermer leur gueule. C’est toujours la veille d’une grande compétition que ces petits aigris se permettent de faire des déclarations. J’espère que le peuple camerounais voit la malhonnêteté de ces gens qui ne veulent pas voir cette nation aller au-delà des quarts de finale car leur carrière s’est arrêtée en quarts de finale.

Il a fait quoi? Il n’a pas gagné la Coupe du monde ni la Ligue des Champions! Finalement, vous vous demandez: est-ce que c’est ça mon peuple? Est-ce que ça vaut vraiment la peine que j’aille à la Coupe du monde? J’ai encore quelques jours pour réfléchir. Je vais voir si ma participation est importante. Parce que je n’ai pas besoin de ça dans ma carrière.»

Eto’o n’aime pas la contestation et il le fait savoir. D’ailleurs, ceux qui lui ont tenu tête lors de la Coupe du monde 2010 (Alexandre Song, Achille Emana, Carlos Idriss Kameni), pourtant considérés comme des cadres de la Tanière il y a peu, ne sont pas encore tous revenus en odeur de sainteté. Pointés du doigt comme les principaux artisans de la débâcle sud-africaine, les «bannis» ont pâti de leur mutinerie face au capitaine.

Le chef, c’est lui

Son talent ne peut être remis en cause; la sélection camerounaise ne peut être autre chose que le jardin de Samuel Eto’o: la rumeur veut que soit Eto’o himself qui fasse et défasse les équipes à son bon vouloir. Une idée tenace, bien que toujours niée par l’intéressé.

Ceux qui s’opposent à Eto’o sont poussés vers la sortie, à l’image du vieux Lion Rigobert Song, capitaine déchu et qui méritait une sortie plus digne. Idem lors du dernier Cameroun-Sénégal le 4 juin: alors qu’il devait être remplacé par Aurélien Chedjou, Eric-Maxim Choupo Moting a été repris par son capitaine, Samuel Eto’o, empêchant sa sortie du terrain.

Eto’o est le véritable chef du Cameroun —et l’a encore démontré en piquant une colère noire lorsqu’un journaliste lui pose une question qui fâche:

«Vous et votre beau sombrero, vous devriez plutôt penser à vous retirer. Quand on joue comme on a joué ce soir, vous devriez plutôt nous dire merci. […] Je me demande si vous êtes camerounais et si vous avez vu le même match que nous. Je pense d’ailleurs que vous n’êtes pas camerounais. Je parlerai à votre patron d’Equinoxe, parce que vous ne méritez même pas de travailler pour cette merveilleuse chaîne.

J’ai 30 ans, j’ai tout gagné dans ma carrière, mis à part la Coupe du monde, et jusqu’à présent, j’essaye de représenter valablement l’Afrique et le Cameroun. Des gens comme vous, ça ne mérite pas d’exister. Vous ne voulez pas que l’Afrique avance, vous ne voulez pas que le Cameroun avance! Vous êtes toujours négatif!»

Souvent comparé à l’acteur Alain Delon pour sa facilité à parler de lui à la troisième personne, Samuel Eto’o a peut-être atteint la fin du cycle. Après la rencontre face au Sénégal et son penalty raté, pour la première fois depuis bien longtemps, ses propres supporters scandaient son nom. Au milieu des troubles qui ont émaillé l’après-match, des «C’est Eto’o que nous voulons. Nous voulons le tuer» montaient des rues de Yaoundé, la capitale…

Nicholas Mc Anally

Source: slateafrique

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