Indemnisation des victimes militaires : Entre devoir de réparation et dépénalisation rétroactive des putschs

justiceLors du dernier Conseil des Ministres, le Ministre de la Défense Nationale a présenté une communication relative au règlement du dossier du Passif humanitaire des personnels des Forces Armées Nationales. Selon le communiqué officiel, cette communication fait suite aux instructions du Président de la République, visant à engager le pays dans la voie d’une « véritable réconciliation nationale ».

Selon cette communication, des mesures concrètes ont déjà été prises en vue du règlement apaisé de tous les différends qui ont, sous les régimes précédents, « ébranlé la cohésion nationale du pays et entravé sa marche vers le progrès. »

Ainsi les militaires mauritaniens victimes d’événements situés dans la période 1981-2004 (coups d’Etat et purges à caractère ethnique) vont bénéficier d’indemnisation, dans le cadre d’un règlement définitif du dossier dit « passif humanitaire », selon le ministre.
Il faut souligner que pour la période considérée (1981 et 2004), la Mauritanie a connu des dizaines de tentatives de coups d’Etats parfois violents, mais souvent découverts à l’Etat de préparation entraînant l’emprisonnement puis la révocation des auteurs véritables ou supposés. Parmi ces tentatives vraies ou supposées, au moins deux ont revêtu un caractère ethnique, ayant conduit à des purges qui ont frappé plusieurs centaines de militaires négro-mauritaniens.
Selon le ministre mauritanien de la défense Ahmedou Ould Idey Ould Mohamed Radhi, une commission spéciale a été mise en place pour définir les dispositions à prendre pour remettre dans leurs droits toutes les victimes à travers le payement d’indemnités et la régularisation d’une pension de retraite au profit de l’ensemble de ces victimes.
L’incidence financière du projet adopté est estimée à un milliard deux cent millions d’ouguiyas.
Depuis son arrivée au pouvoir en août 2008, le chef de l’Etat mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, a multiplié les initiatives en faveur des ayants droit des victimes
négro-mauritaniennes dans le cadre de ce qui est communément connu sous l’appellation de «Règlement du passif humanitaire). Ould Abdel Aziz a notamment fait organiser, en février 2009 à Kaédi, une prière collective pour le repos des âmes des militaires noirs exécutés extrajudiciairement tout en demandant pardon au nom de la nation et en indemnisant une partie des ayants droit. Il y a deux semaines, il avait donné l’ordre au ministre des affaires religieuses de localiser les tombes des disparus pour permettre à leurs parents de se recueillir sur leurs tombes.
Il semble qu’après examen des listes mises à sa disposition, la commission a pu établir le classement des victimes en fonction des catégories suivantes :
A- Les victimes des événements de 1990 à 1991 bénéficient d’une indemnisation de soutien unique allant de 1 à 2 millions d’ouguiyas, en plus de la pension de retraite qu’ils aient ou non accompli 15 ans de service.
B- Victimes des événements de 1989 bénéficient d’une indemnisation unique allant de 800 mille à 1 million d’ouguiyas, qu’ils aient ou non accompli 15 ans de service.
C- Victimes des événements de 81-87-88-2003-2004 bénéficient d’une indemnisation unique allant de 600 mille à 1 million d’ouguiyas, qu’ils aient ou non accompli 15 ans de service.
Les militaires, dont la perte de grade avait été prononcée par mesure judiciaire ou administrative bénéficieront de la pension de retraite correspondant à leur grade avant les événements.
Bien entendu cette classification pose d’emblée quelques problèmes. Tout d’abord et notamment pour les catégories C, peut on parler de « victimes » alors que les intéressés étaient souvent passés à l’action devenant au moins acteurs des événements ? Comment désignera-t-on les personnes qui elles, ont perdu la vie au cours de ces fâcheux événements ? Quelle place pour l’autorité de la chose jugée ? N’est ce pas là de fait une dépénalisation de la tentative de coup d’Etat ? Certaines tentatives de coup d’Etat sont allées au-delà des « actes préparatoires » et ont atteint un début d’exécution très avancé avec mort d’hommes, de civils innocents.
Il est bien évident qu’il y a un devoir de mémoire et de reparation à faire. Pour tous les cas il faudrait instituer des commissions d’enquêtes parlementaires ou non qui vont chercher à savoir qui a été accusé à tord et a subi de ce fait un préjudice en étant sanctionné à tort ? C’est alors et seulement on peut parler d’indemnisation.
BC

Source: Le quotidien de Nouakchott

 

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