La matinée s’annonce prometteuse. Il suffit de jeter un regard sur l’organisation pour s’en convaincre : accueil chaleureux des hôtesses sourire de rigueur, stand à l’entrée où sont exposés les badges nominatifs des invités et des congressistes, croissants, petits-fours, petit déjeuner en libre-service… du rarement vu dans les manifestations africaines comme le fera remarquer le journaliste Sidik Abba de la PANA.
10h : les invités s’installent dans la salle de conférence et échangent des politesses. Certains font connaissance, d’autres fêtent les retrouvailles : la délégation américaine est bien représentée. Soudain, les regards se tournent vers l’entrée : le président Samba Thiam fait son entrée. Quelques poignées de main et le voilà installé à la tribune entouré de Ibrahima Mifo Sow, secrétaire à l’organisation, de Ndongo Abou Bekrine, coordinateur du conseil national et Ibrahima Abou Sall, secrétaire général de la section Europe de l’Ouest et organisateur de l’événement. Après un bref mot de bienvenue ce dernier, très détendu et souriant, donne la parole au président Samba Thiam qui ouvre son discours en rappellent que les « congrès étaient un moment de pause… destinés à faire le point, à ouvrir des perspectives et à réajuster, au besoin, méthodes et stratégies de lutte ». Le ton est donné. Ce congrès ne sera pas comme les autres.
Dictature raciste et arrogante
Très remonté contre le président Mohamed Ould Abdel Aziz qui « au tout début de sa prise de pouvoir avait suscité quelque espoir », Samba Thiam dénoncera l’absence d’équilibre dans la représentativité dans la haute administration, l’évacuation de la question du passif humanitaire, l’arrêt brutal du retour des réfugiés, la spoliation des terres de la Vallée, et le laxisme dans la gestion de la question de l’esclavage. Pour le président des FLAM, le constat est clair et amer : « le régime, par toutes ces pratiques, est entrain de révéler sa vraie nature : une dictature camouflée, arrogante, répressive et raciste, qui œuvre à préserver le même Système discriminatoire, à l’origine des régimes militaires arabo-berbères qui l’avaient précédé ! Comme ces derniers, le Régime du président Mohamed Ould Abdel Aziz élude les questions centrales pour n’aborder, au petit bonheur la chance, que les questions périphériques, techniques, secondaires ». Il reviendra ensuite sur les violences contre les étudiants noirs à l’université de Nouakchott avant de minimiser la portée de la décision prise par les autorités mauritaniennes de répertorier les tombes des disparus depuis l’indépendance.
Dispersion des forces, rôle des sites électroniques
La charge est violente contre le régime. Elle le sera à peine moins pour « les forces de la résistance ». Samba Thiam ne se montre pas tendre en effet avec ces organisations, les FLAM comprises, qui se livrent à une querelle de clochers, « jouant au leader », organisant leurs propres manifestations… Il fustigera également la gestion des sites électroniques sur fond de chasse aux visiteurs, regrettant qu’elles donnent dans l’auto flagellation au lieu de s’attaquer au Système.
Le moment est venu de nous remettre en cause.
« A situation nouvelle, stratégie nouvelle », lance Samba Thiam. La salle retient son souffle. Le fantôme du congrès de Cincinnati qui a vu l’organisation traverser une sévère crise semble s’éloigner. Samba Thiam poursuit en appelant à « l’unité la plus large possible avec les forces patriotiques, démocratiques et progressistes qui partagent, avec nous, les mêmes aspirations… S’unir ou périr tel est le sens et l’alternative de l’instant, tel est l’enjeu du moment ». Les lignes semblent bouger. Et pas de peu. Et le président des FLAM de déplorer l’autosatisfaction et la condescendance auxquelles son organisation a pu céder par moments. C’est qu’après avoir rendu un hommage appuyé aux martyrs qui ont donné leur vie et aux militants qui font preuve de persévérance, Samba Thiam en est arrivé à la conclusion qu’ « il serait illusoire de croire qu’une seule organisation, même toute puissante, au vu des conditions internes de plus en plus difficiles et complexes, fut en mesure de venir à bout, toute seule, du Système en cours ». L’auditoire saisit la portée de la déflagration et la couvre de ses applaudissements. Un véritable tournant s’annonce. Ce congrès ne ressemblera décidemment pas aux autres. Pour ceux qui ne l’auraient pas compris, le président des FLAM martèle qu’il faudra se préparer à « prendre les décisions courageuses qu’impose l’évolution de notre organisation, voire sa survie ». Un autre tabou va tomber : le mouvement va se redéployer en Mauritanie. C’est l’objet d’une vieille querelle qui vole en éclats. Désormais, plus rien ne sera comme avant. En se débarrassant de ces écueils, les FLAM renvoient habilement la balle dans le camp des autres organisations et partis. Les FLAM se disent prêtes pour le rassemblement et le combat sur le terrain.
Tous les invités qui prendront la parole abonderont dans le même sens et encourageront les FLAM à aller jusqu’au bout de ces résolutions. Une absence de taille assombrit cependant le concert : la section française de l’AJD/MR n’a pas répondu à l’invitation des FLAM.
Il est 12h30, les congressistes ont une demi-heure d’avance sur le programme. Les invités s’installent dans le restaurant de l’hôtel. Les discussions informelles reprennent dans une atmosphère bon enfant. Des acteurs qui s’étrillaient copieusement sur le net rigolent, plaisantent et mangent côte à côte. Un nom s’invite soudain : mais qui est donc Poullori ? Où est-il ? Quelqu’un semble l’identifier à une table. Tout le monde en rit. Aucune tension n’est visible. Le syndrome de Cincinnati est exorcisé.
En raccompagnant quelques invités et en répondant à l’un d’eux désireux de prendre la carte des FLAM pour assister aux travaux du congrès, Ibrahima Sall répond en riant « ce sera pour le huitième congrès à Nouakchott ». Rendez-vous est pris. Les invités se dispersent vers 15h, laissant les congressistes mettre en musique la feuille de route tracée par le président. Les conclusions seront attendues avec impatience. Une page est entrain d’être tournée.
Abdoulaye DIAGANA pour KASSATAYA
Reportage photo.