La Mauritanie s’apprête à libéraliser les médias

Des organisations de la société civile et des défenseurs des droits de l’Homme ont salué l’initiative mauritanienne d’accorder une plus grande liberté aux médias, mais certains citoyens s’interrogent sur l’opportunité du moment.

 

 

En juillet, la Mauritanie mettra en oeuvre une législation déréglementant les médias audiovisuels, répondant ainsi à l’une des fortes demandes des salariés du secteur et des militants des droits de l’Homme. Dans le cadre de ce processus, une réunion a été organisée à Nouakchott la semaine dernière pour élaborer les grandes lignes de ce projet.

« L’élaboration de cahiers des charges et de procédures et leur mise à la disposition des autorités et du public dans les délais requis constituent certes un événement attendu avec impatience depuis longtemps », a déclaré le président de la Haute autorité de la presse et de l’audiovisuel (HAPA), Haibetna Ould Sidi Haiba.

« L’impatience est à son comble », a-t-il ajouté lors de cette réunion du 11 mai.

Cette nouvelle loi « ouvre de nouvelles perspectives pour les médias, et est un important pas en avant dans le renforcement de la liberté d’expression, le pluralisme et la diversité », a ajouté Ould Sidu Haiba, dont le groupe organisait cette réunion.

Mais il a fait part de sa préoccupation de voir « la mise en oeuvre de cette loi confrontée à de nombreuses contraintes et à des défis non négligeables ».

« La promotion d’un environnement médiatique caractérisé par la liberté d’expression, le pluralisme et la diversité requiert un ensemble de conditions que la Mauritanie est loin de remplir pleinement aujourd’hui », a-t-il expliqué.

Le président de l’HAPA a ajouté que « parmi les critères répertoriés par l’UNESCO comme indicateurs de développement des médias, il y a le cadre légal et politique, les ressources humaines, la capacité infrastructurelle… ainsi qu’un système de régulation favorable à la liberté d’expression, au pluralisme et à la diversité. »

L’expert marocain et avocat Yassine Charif estime pour sa part que « les conditions sont favorables à l’avènement du pluralisme dans les médias ».

« Mon séjour en Mauritanie m’a permis de voir que les facteurs de réussite sont là : une volonté politique exprimée, un bon cadre légal et une ressource humaine à la hauteur », a-t-il précisé.

Mais si les organisations de la société civile et les professionnels de la presse saluent cette initiative, certains citoyens font toutefois part de leurs réserves.

« C’est une bonne chose », estime la militante féministe Aichetou. « Cela va contribuer à la défense de nos droits. »

Pour sa part, Ely Ould Maghlah, salarié à l’agence ANI, met en garde sur le fait que « la libéralisation de l’audiovisuel ne se fera pas du jour au lendemain, même si le cadre juridique est en place », ajoutant que « le pays manque de façon criante d’expertise dans le domaine », et que « il y a aussi la faiblesse des capitaux nationaux pour investir dans le domaine médiatique. »

Pour Mohamed Salem, « il est temps que les Mauritaniens profitent des avantages de la diversité des médias ». « Aujourd’hui, partout en Afrique, il y a des radios et des télévisions libres. Pourquoi pas chez nous ? »

« Est-ce que nous sommes préparés à cette libéralisation ? », se demande Aliuone. « Je ne le pense pas. Notre unité nationale risque d’être menacée, car avec le tribalisme et les divisions ethniques, chacun voudra créer sa radio ou sa télé et cela peut être dangereux. »

Bakari Guèye

Source  :  Magharebia le 17/05/2011

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