L’occasion pour son camp, notamment l’Union pour la majorité présidentielle (UMP), de célébrer ses acquis et de remobiliser ses troupes à exactement un an du prochain scrutin ; et pour ses adversaires de mettre en exergue ses faiblesses et insuffisances au moment où l’intéressé bat des records d’impopularité.
Pour autant, à douze mois de l’échéance, la cause est loin d’être perdue face à une gauche éparpillée en de multiples loges, surtout un parti socialiste déchiré par des querelles picrocholines. Pour nous autres, Africains, l’enfant de Neuilly-sur-Seine débarque en 2007 à l’Elysée sans connaître vraiment le continent noir (contrairement à son prédécesseur) et, quatre ans plus tard, on ne peut pas dire qu’il en perce encore tous les mystères.
C’est pourtant avec une foi de premier communiant qu’il annonce la couleur, décidé à débarrasser les relations franco-africaines des scories de la Françafrique et à engager une nouvelle dynamique avec ses partenaires. Hélas, la rupture annoncée sera de très courte durée et l’enthousiasme de Sarko mise à rude épreuve devant les réalités du marigot politique africain, où nagent encore de vieux crocodiles.
Très vite en effet, le soldat Sarko, pas téméraire pour un sou, va battre en retraite sous les coups de boutoir de la vieille garde du temple françafricain (Omar Bongo Ondimba, Denis Sassou N’Guesso…), qui finira par obtenir en mars 2008 la tête de Jean-Marie Bockel. L’alors secrétaire d’Etat à la Coopération, plus royaliste que le roi, avait trop bien compris la volonté de changement de son patron et entendait de ce fait, célébrer à Libreville et à Brazzaville les funérailles de la Françafrique dont il aurait signé auparavant l’acte de décès. Mal lui en a pris. Pour la rupture sarkozyenne donc, on repassera.
Nicolas Sarkozy, c’est aussi l’auteur du discours de Dakar à la jeunesse africaine, l’auteur du fameux “L’homme noir n’est pas suffisamment entré dans l’histoire”, tissu de mensonges et de préjugés raciaux, voire racistes pour les uns ; vérités pour quelques autres mais jetées à la figure des négros avec l’habituelle brutalité de l’agité de la rue du Faubourg St-Honoré.
Pour beaucoup d’intellectuels et de politiques africains ou africanophiles, en professant le 26 juillet 2007 (soit deux petits mois seulement après son arrivée aux affaires) pareille hérésie sur et au sujet du berceau de l’humanité, le petit Nicolas jetait bas le masque et dévoilait sa vraie nature.
Le rectificatif plus ou moins besogneux du Cap quelques mois plus tard (le 28 février 2008) ne parviendra pas véritablement à couvrir la clameur d’indignation soulevée par son allocution discourtoise et déplacée de l’université Cheick Anta Diop.
Fort heureusement, le locataire de l’Elysée, comme pour gommer la mauvaise image qui lui colle à la peau, s’est trouvé ces derniers temps une nouvelle vocation : défenseur des droits de l’homme et de la démocratie, au besoin à coups de canon.
Après avoir fait preuve de myopie politique au début de la révolution tunisienne pour ensuite rattraper à grandes enjambées le train du changement en route pour l’Egypte, il s’est résolument engagé en Côte d’Ivoire pour le respect du verdict des urnes ;
de façon décisive, il faut le reconnaître, car si les éléments de la Force Licorne et ceux de l’ONUCI n’avaient pas nettoyé le secteur de la résidence présidentielle, où se terrait Laurent Gbagbo, avec mère, femme et enfants, les Forces républicaines n’auraient pu, à elles seules, venir à bout du bunkérisé de Cocody.
En Libye, c’est de nouveau l’Hexagone qui est la tête de pont de l’intervention de l’OTAN pour chasser Kadhafi.
On peut émettre les critiques qu’on veut contre ; brocander le néocolonialisme version Rafale et Puma du grand chef blanc ; ça peut froisser notre petite susceptibilité de négrillons, mais la finalité, elle au moins, est positive.
Ce qui est gênant, c’est que les raids aériens et les interventions terrestres se font à la tête de l’autocrate, et le même qui va, sabre au clair, casser du despote et rectifier les démocraties qui dérapent est le même qui couve d’un amour quasi fraternel les fils Bongo et Eyadéma, qui ont hérité du fauteuil de leur père comme on reçoit en legs une maison, avant de passer une mince couche de vernis démocratique sur leur pouvoir pour être plus présentable que leur géniteur ; avec la bénédiction de Paris.
On a beau se convaincre que les enfants ne doivent pas payer pour les péchés de leurs parents, une telle transmission héréditaire du pouvoir heurte en bonne République.
Sarkozy, c’est aussi celui qui fait copain-copain avec les tripatouilleurs constitutionnels professionnels, à l’image d’un Idriss Déby Itno dont il défend le palais à deux doigts de tomber en février 2008 sous le pilonnage des insurgés.
Une politique africaine donc (à supposer qu’elle existe vraiment) à géométrie variable et qui manque bien souvent de lisibilité. Vu d’Afrique, Sarko, c’est également le premier garde-côtes de France qui barricade son pays face à l’invasion des hordes de migrants ; et qui chasse ouvertement sur les terres du Front national, le tout pour lui étant de se faire réélire quel qu’en soit le prix.
Il va peut-être y parvenir, mais s’il devait renouveler son bail pour cinq ans, tout le mal qu’on lui souhaite est qu’il revoie la copie de sa feuille de route pour l’Afrique afin de la rendre encore plus présentable qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Ousséni Ilboudo
Source : L’Observateur Paalga le 08/05/2011