Quatre questions sur l’envoi de conseillers militaires en Libye

C’est donc officiel. La France, la Grande-Bretagne et l’Italie, les trois pays les plus engagés militairement dans le conflit, vont envoyer des conseillers militaires auprès de la rébellion libyenne.

 

 

 

1 – Combien ?

François Baroin a parlé de « moins de dix » pour la France; le porte-parole du Foreign Office de « moins de vingt », et Rome en annonce « dix ».  Au total, cela fait au moins quarante. Depuis l’article de Bernard-Henri Lévy dans « Le Monde » d’hier, on sait qu’au moins un officier de chaque pays est déjà présent auprès du CNT depuis plusieurs semaines.

2 – Pour quoi faire ?

Chaque pays utilise une dénomination particulière. Les Italiens parlent d' »instructeurs », les Britanniques de « conseillers » et les Français, plus pudiques, d' »officiers de liaison ». Que cachent ces trois vocables? Officiellement il s’agit de renforcer les missions diplomatiques sur place. Mais cela fait pour beaucoup d’hommes pour de si petites missions. A l’évidence, et malgré les dénégations tardives des uns et des autres, ces conseillers participeront d’une manière ou d’une autre à la formation d’une « armée » rebelle faite de bric et de broc ou au moins à la coordination avec l’Otan. S’agit-il aussi d' »éclairer » les cibles pour les bombes guidées laser, opération menée en général par les forces spéciales? Aucune capitale ne le dit. Toute démentent aussi qu’il s’agit d’une préparation à l’envoi massif de troupes au sol.

3 – Est-ce légal ?

La résolution 1973 interdit les « forces d’occupation étrangères ». Il est donc assez facile pour les trois capitales de plaider que, dans ce cadre, des instructeurs ou des officiers de liaison, qui à l’évidence n’occuperont pas le pays, ne sont pas formellement interdits. Un diplomate m’a d’ailleurs assuré qu’en réalité ce paragraphe de la 1973 concernant l' »occupation étrangère » était surtout destiné à l’Egypte dont, à l’époque, certains redoutaient une intervention militaire pour exfiltrer ses nombreux ressortissants de Libye.  Mais il est probable que les pays qui ont réfusé de voter la résolution, notamment la Chine et la Russie, vont dire qu’il s’agit là d’une violation de l’esprit si ne ce n’est de la lettre du texte. On suivra avec attention la réaction de l’Allemagne, qui, elle aussi, s’est abstenue. Va-t-elle critiquer la décision des trois pays européens? C’est peu probable.

4 – Juppé y est-il vraiment opposé ?

C’est, hier, au cours d’un déjeuner de l’Association de la Presse Diplomatique qu’ Alain Juppé s’est dit « tout à fait hostile » à l’envoi de troupes au sol. Mais il répondait à une question concernant un communiqué du président de la commission des Affaires étrangères, Axel Poniatowski, qui demandait que la France dépêche 200 à 300 forces spéciales en Libye. Je ne pense pas qu’il avait en tête des « officiers de liaison » d’autant moins que, comme on l’a vu, il y en a déjà sur place. Mais ce n’est pas certain.

Vincent Jauvert

Source  :  Affaires Etrangères ( blog) via Le Nouvel Observateur le 20/04/2011

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