Rapport annuel de la CNDHز «Transférer du champ politique et polémique les allégations d’esclavage au champ judiciaire… « 

L’esclavage, le passif humanitaire, le recours excessif à la détention préventive, la garde à vue, l’univers carcéral, les libertés individuelles et collectives, les mauritaniens détenus à Guantanamo, le foncier, l’habitat précaire…

 

 

le troisième rapport annuel de la commission nationale mauritanienne des droits de l’Homme (CNDH) qui s’étend de mars 2010 a mars 2011 touche quasiment tous les domaines.

Sous le chapitre « Situations des droits de l’Homme », il est fait d’abord la remarque suivante : « Les avancées dans le domaine de la protection et la promotion des droits de l’homme masquent les violations qui y sont relatives et qui découlent de l’absence de moyens humains financiers et matériels, doublée d’une certaine méconnaissance des textes »
Concernant l’esclavage, le Rapport note que la loi de 2007 incriminant cette pratique n’a pas connu application. Une non-application du, entre autres, « à la rétraction des victimes avant la fin de l’instruction menée par les autorités compétentes. »
Cause de ces rétractions, « Le plus souvent, les victimes, confrontées à l’étalage public et médiatisé de la confrontation avec les esclavagistes présumés, séduites par des propositions d’arrangements à l’amiable entre les parties et soumises à plusieurs types de pressions exercées par le milieu familial, tribal ou confessionnel, finissent par se dédire et s’éloigner des ONG qui les ont accompagnées et aidées à porter sur la place publique l’asservissement dont elles sont victimes. » Pour mettre fin aux polémiques nées de la rétractions des présumés victimes de l’esclavage, le Rapport propose « la voie de la Justice qui, dans son indépendance, dira le droit en condamnant ou en acquittant les accusés .Il convient donc, dans un but d’intérêt général et par les vertus de la pédagogie de l’exemplarité de la sanction, de transférer du champ politique et polémique les allégations d’esclavage au champ judiciaire où les tribunaux , dans leur impartialité, appliqueront la loi et constitueront une jurisprudence qui devrait réconcilier les différentes opinions sur le sujet. »
Concernant le traitement des cas pratiques « La commission ,sur la base de ses propres investigations ou sur la base d’information fiables et crédibles portées à sa connaissance par les Organisations de la Société Civile, et sans préjuger de la suite du traitement judiciaire de la plainte qui est parfois introduite auprès des parquets, intervient pour que soit mise fin à la violation des droits de l’homme, demande l’éloignement de la présumée victime du lieu où seraient commises les allégations de pratiques esclavagistes et requiert son installation dans une autre ville tout en lui cherchant un appui auprès du PESE. »
Parmi les cinq cas traité en 2010 grâce à l’action combinée de la Commission, du PESE et des ONG, celui d’une mère de sept enfants dont le cas est devant les tribunaux. La CNDH a saisi le PESE et a obtenu un financement d’une activité génératrice de revenus pour un montant de 440.000 UM au profit de cette femme.
Sous le chapitre Passif humanitaire, il est écrit « Le lancement du Processus de règlement effectif du passif humanitaire peut être daté au 25 Mars 2009 à Kaédi, jour de la reconnaissance formelle faite par le Président de la République au nom de l’Etat mauritanien, des exactions subies par la Communauté
Négro-africaine au début des années 90 et jour où il a participé à la prière dédiée aux absents. »
Ces actes, note le Rapport « pour tous ceux qui, victimes directes ou ayants droit, désespéraient, vingt ans durant, de voir réparer le préjudice enduré et/ ou de recouvrer leurs Droits, l’espoir est revenu. »
Bémol au sujet du règlement de ce passif humanitaire « Prédomine actuellement, un constat de tassement du processus de règlement du passif humanitaire, sentiment qu’il y’a lieu de dissiper très rapidement en s’attaquant avec courage et lucidité au parachèvement du processus. »
Concernant l’appareil judiciaire, le Rapport se fait écho des plaints des citoyens en ces termes « Dans la pratique, les justiciables déplorent la lenteur de l’appareil judiciaire, la non application des lois à portée sociale, les difficultés procédurales pour y accéder, la non opérationnalité de l’aide juridique pour les plus pauvres, l’abus du recours à la détention préventive et la surpopulation des prisons et centres de détention qui en résulte, le non respect des délais de la garde à vue, la politisation et le clientélisme de certaines décisions et la faiblesse de l’exécution des décisions judiciaires.»
 

Khalilou Diagana

Extrait des Recommandations
1. Renforcement de la démocratie
– Approfondir et consolider la démocratie apaisée et consensuelle par la pratique de la concertation et du dialogue sur les sujets d’importance entre les acteurs politiques et les pouvoirs publics.
– Garantir et assurer le fonctionnement transparent et diligent de l’Administration de la Justice en tant que véritable recours et gardienne des libertés individuelles ;
– Renforcer l’Unité nationale par le règlement du passif humanitaire notamment à travers le parachèvement du processus de recensement et d’intégration des fonctionnaires victimes de événements de 1989 ainsi que l’éradication massive et urgente des séquelles de l’esclavage par le biais de l’éducation, de la formation professionnelle, de l’emploi et de la lutte contre la pauvreté ;
• Rendre plus visibles les programmes d’éradication des séquelles de l’esclavage et mieux cibler les bénéficiaires et faire de ces programmes de véritables instruments de solidarité nationale.
• Faire prévaloir en toute circonstance et en tout lieu le caractère multiculturel de la Mauritanie musulmane et afro arabe pour préserver la paix sociale et l’unité nationale
• Renforcer les capacités de la CNDH comme espace public privilégié de médiation et de recherches de solutions aux questions de Droits de l’Homme. ;
• Renforcer les capacités des Organisations de la
Société Civile dont la professionnalisation devrait être encouragée et les impliquer dans les différentes réformes institutionnelles.
• Elaborer et appliquer une nouvelle politique foncière pour permettre à tous les citoyens d’accéder à la propriété foncière source de nombreux conflits.
• Redynamiser le rôle du Médiateur de la République dans le traitement diligent des requêtes des citoyens pour répondre à leurs griefs contre l’administration :
• Inciter les autorités administratives, judiciaires et de sécurité à prendre en considération la dimension des Droits de l’Homme dans tous les actes qu’elles posent et les rendre passibles de sanctions notamment pénales en cas de violations délibérées des Droits de l’Homme :
• Organiser des sessions de formations et de sensibilisations aux Droits de l’Homme à l’intention des autorités chargées de l’application de la loi :
• Accélérer la mise en conformité de nos lois et règlements avec les normes internationales de promotion et de protection des Droits de l’Homme conformément aux engagements pris et ratifiés par notre pays et en assurer une large diffusion à l’intention des autorités chargées de l’application de la loi d’abord, des personnes devant en bénéficier ensuite.

Extrait du Rapport
L’application de la loi 2007/048 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes Tous les acteurs des droits de l’homme s’accordent à dire que la voie la plus indiquée pour faire disparaître du pays les pratiques esclavagistes réside dans l’application, dans toute sa rigueur de la loi précitée, qui autorise les ONG à assister les victimes, fait obligation aux autorités d’instruire les cas qui seraient portés à leur connaissance et impose aux juges de prendre, sous peine de déni de justice et des sanctions y attachées, les mesures conservatoires indiquées au profit des présumées victimes..
. Cette affaire aurait dû aboutir à un tel résultat tant la détermination de l’Administration ne prêtait pas à équivoque: la célérité des instructions données par le
Préfet, la coopération de la Police avec les militants de l’ONG pour constater sur les lieux la réalité des faits incriminés, l’audition des mineures sur les pratiques qu’elles ont endurées, le placement en garde à vue de la présumée esclavagiste, l’approfondissement de investigation qui sera confiée à la gendarmerie pour faire la lumière, le recours encore pendant du Ministère public pour s’opposer à la décision de libération de la dame en accusation, etc. La Justice, en retenant une autre qualification, celle d’exploitation des mineures, et en ordonnant la libération de l’accusée pour vice de forme entachant le mandat de dépôt, en a décidé autrement.

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 20/04/2011

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