Nouvelles d’ailleurs: Poussez, Madame la Hapa, poussez encore…

Allez, un petit effort ! A mon signal, on bloque sa respiration et on pousse, de toutes ses forces. Allez, poussez Madame, poussez! Allez, allez, allez! On pousse encore !

 

 

Encore un effort ! Je vois les cheveux ! On pousse, on pousse, on pousse, on pousse !
Comment ça, ça fait mal ? Ben oui ça fait mal. Vous ne disiez pas ça quand l’illustre père de l’enfant a baguenaudé avec vous, non? Alors, maintenant on s’accroche aux étriers, et on pousse ! Jusqu’à ce que je vous dise « stop » ! Et là faudra cesser de pousser. On pousse, on pousse, on pouuuuuusse !
Stooooooooooooooooooop !
Vous pouvez souffler un peu maintenant. Reeeeeeeeeespirez ! On ventile! C’est bien. Allez : fff, fff, fff, fff, fff,fff…. On décontracte le périnée. Monsieur (on vous redonnera du Monsieur le Président quand l’enfant sera là; pour le moment pas le temps pour les salamalecs, mille excuses ), oui vous là, Monsieur, humectez lui le visage. Vous êtes bien blanc : z’allez pas tourner de l’œil non? Pour un ancien militaire, ça serait le comble… On se repose et on prend des forces avant la prochaine contraction. Ça devrait être une des dernières.
Ben ouais, un accouchement ça fait mal. Quel est l’imbécile qui vous a dit le contraire ?
Pendant plusieurs mois, vous vous êtes plainte de nausées, vous avez caché votre ventre. Vous avez tenté d’effacer les marques de la grossesse sur le visage. Vous vous êtes faite toute petite petite, histoire de faire oublier que vous étiez enceinte et que fini le bon temps! De plus vous avez « couvé » plus que de nature, dépassant allégrement les 9 mois généralement admis comme étant la norme chez les humains, parfois moins, mais jamais plus que 9 mois. Mais nous vous pardonnons, vu que vous êtes une Nous Z’Autre, donc sujette à tous les caprices et à toutes les dérobades.
On avait fini par se dire que soit vous aviez opté pour un avortement, soit vous aviez été maraboutée, tellement votre gestation fut longue.
Le fruit de vos amours présidentielles, la libéralisation de l’audiovisuel, était devenu un sujet de plaisanterie : « Salam mon ami, as-tu vu la libéralisation de l’audiovisuel aujourd’hui? », ou bien, « Tiens, je m’ennuie aujourd’hui Vendredi. Je vais partir à la recherche de la libéralisation de l’audiovisuel! ». Ou bien encore « Mais où donc se cache la libéralisation de l’audiovisuel? ». Les journalistes avaient placardé dans toutes leurs rédactions des affiches où l’on pouvait lire « Wanted, Libéralisation de l’Audiovisuel. Forte récompense. S’adresser au Shérif local. Attention, attention ; l’individu est dangereux et peut se comporter de façon aléatoire. Nous demandons à la population de ne pas tenter d’arrêter la demoiselle mais d’avertir les services de l’ordre concernés. Merci et bonne année.»
Mais ne chipotons pas. Maintenant vous êtes les pieds dans les étriers de la salle de travail. Enfiiiiiiiiin! Ok on n’en est qu’au stade « nous allons concerter ». Mais concerter c’est mieux que rien du tout. Alors les contractions vont servir à ça : à chaque contraction sa concertation. La dernière, là, c’était celle que vous allez entamer avec l’opposition par exemple. La prochaine, ça sera sûrement avec la société civile. Je ne sais pas qui est cette vénérable dame, La Société Civile, mais elle a le mérite d’être là, même autoproclamée et auto désignée.
Alors concertez, on a tout notre temps maintenant après cette grossesse extraordinaire et miraculeuse qui a duré plus de 10 mois. On n’est plus à quelques mois prés.
Et ne vous inquiétez pas : si vous n’expulsez pas par les voies naturelles, on tentera les forceps. Et, vraiment, si vous refusez, de façon toute personnelle, de laisser sortir votre enfant, on fera une césarienne. Cette dernière, je ne vous la conseille pas : d’abord ça laisse une cicatrice sur le ventre. En plus, c’est pas cool cool et un peu douloureux au moment du retrait des points. Si vous avez de la chance, on vous aura mis des points. Si vous tombez sur un chirurgien qui s’est levé du mauvais pied ou qui est en rupture de stocks, vous aurez droit aux agrafes. Et les agrafes, ça fait mal. Mais bon… On n’a rien sans rien…
Ne pleurez pas Madame la Hapa. Je sais que votre grossesse a été sujette à tous les mauvais sorts de la place. Car chez les Nous Z’Autres, parler de liberté de parole et de radios libres donne des boutons à certains. Ça fait 50 ans que nous fonctionnons avec une seule radio et une seule télévision où le discours officiel est roi et où les journalistes ronronnent leur adulation des puissants du jour.
Je sais aussi que, malicieuse comme vous l’êtes, vous arriverez bien à glisser dans le cahier des charges ( que nous espérons très prochain) tant de barrières qu’une radio libre non villageoise ou communautaire sera quasiment pieds et poings liés.
Je sais que les sommités religieuses vous souffleront les interdits à ne pas dépasser. Que les autorités militaires vous obligeront à marquer noir sur blanc ce que les journalistes pourront dire ou non de nos vaillantes forces armées. Je sais que les politiques édifieront des garde fous sur les limites à la critique. Je sais que Madame la Morale vous pondra quelques petits articles sur « ce qu’il sera bienséant de dire ou pas ».
Mais oui, nous savons tout cela.
Mais chaque chose à sa place et chaque place à sa chose, n’est ce pas?
Pour le moment, savourons ce moment où, enfin, nous pouvons imaginer la tête du futur bébé. Expulsez moi cet enfant et nous aviserons après. Allez, on se remet à pousser! On bloque sa respiration! Bloquez! Poussez, poussez, poussez, poussez!
Salut

Mariem mint DERWICH

Source  :  lecalame.mr le 20/04/2011

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