La recherche pétrolière dans le Bassin de Taoudenni dans l’impasse : Quand le « partenaire » algérien torpille le projet

Attendu au second semestre de 2009, puis ajourné au premier trimestre de 2010, le premier forage sur le site pétrolifère de Taoudenni (région de Tombouctou) n’a pas eu lieu à ce jour pour deux facteurs : le coût exorbitant – 32 millions de dollars US – proposé par l’Algérie pour les travaux de génie et la sécurisation du périmètre par l’armée…malienne et le refus par la même Algérie de faire transiter par son territoire le matériel de forage. Loué au Mexique, celui-ci est donc condamné à passer par le port de Dakar, ce qui va occasionner un surcoût d’au moins 5 millions de dollars US.

Les légendes, dit-on, ont la vie dure. L’une d’elles, qui remonte aux premières heures du Mali indépendant, veut que notre pays et son grand voisin du nord partagent le même bassin pétrolifère et que la structure dudit bassin est telle que le jour où le Mali se mettrait à pomper son pétrole, les puits algériens tariraient. Que cette assertion soit fondée ou non, une chose est réelle et vérifiable : l’Algérie, partenaire du Mali dans l’exploration et, éventuellement, l’exploitation du bassin pétrolifère de Taoudénni (nord-est de Tombouctou) s’évertue, depuis maintenant plus d’une année, à torpiller le projet. Ce partenariat s’est noué fin 2006 lorsque SITEC, la branche internationale de la société d’Etat algérienne, la SONATRACH, a acquis 33, 33 % des actions de la firme australienne BARAKA PETROLEUM, la plus grosse part, soit 66,67 % ayant été rachetée par l’italienne ENI, sixième rang mondial dans la production de pétrole. Elle sera ainsi l’opérateur du consortium ainsi formé. Le créneau de BARAKA PETROLEUM étant de mettre au jour les indices pétroliers et gaziers sans aller jusqu’à l’exploitation réservée aux seniors, ce qu’elle est loin d’être.

La cession du tiers des actions de BARAKA PETROLEUM à SITEC a été la grande faute des autorités maliennes. Un diplomate étranger, qui suit de très près ce dossier, très averti des méthodes algériennes, la commentait en ces termes :  » Si le Mali compte sur l’Algérie pour l’aider à découvrir du pétrole sous son sous-sol, il se goure complètement. Le Mali n’a d’intérêt pour l’Algérie que s’il reste pauvre et dépendant de lui sur la question sécuritaire en particulier. Pourquoi l’aiderait-elle à devenir riche et affranchi ? « .

Les faits semblent donner raison à ce diplomate aujourd’hui. En 2007, quand nous nous sommes rendus sur le site de Taoudénni pour observer le déroulement de la campagne sismique aux côtés de l’ex-ministre des Mines, Hamed Sow, l’optimisme était de rigueur sur le forage du premier puits attendu en fin du second semestre 2009. Un haut responsable de ENAGIO, filiale de la SONATRACH mise à contribution pour le relevé et le traitement des données géophysiques, domaine dans lequel elle est spécialisée, me disait alors avec un enthousiasme non feint : « Je ne sais pas quelle quantité de pétrole ou de gaz nous allons découvrir, mais je suis sûr que ces terres-renferment quelque chose d’intéressant « . Et pour cause ! Le consortium travaillait à l’époque sur un programme de financement de 37 millions de dollars US. A l’heure actuelle, on nous assure que pas moins de 70 millions de dollars US ont été dépensés. On ne jette pas un tel paquet d’argent dans les sables du désert si l’on n’est pas sûr de le récupérer avec de très confortables bénéfices.

Fin 2009 arrive. ATT, le seul chef d’Etat malien à avoir cru en l’existence de pétrole au Mali et inscrit sa recherche au rang de priorité nationale, a le regard rivé vers Taoudénni pour voir jaillir le précieux liquide du tout premier puits foré. Il n’en sera rien. Ni forage ni pétrole. Explication donnée à l’époque par les services compétents : des compléments d’informations relatives aux données géologiques et sous-régionales (le bassin de Taoudenni va des abords mauritaniens de l’océan atlantique au Tchad) étaient nécessaires.

Un second rendez-vous est pris pour le premier trimestre de 2010. Mais un forage suppose un préalable : des travaux de génie civil. Dans le cas de Taoudénni, il faut une piste d’atterrissage pour les avions devant transporter les équipements, les vivres et le reste. Il faut, en outre, la plate-forme sur laquelle doit s’élever le matériel de forage. Il faut, enfin, la construction d’une base de vie où le personnel affecté au forage va vivre aussi longtemps que dureront les travaux dans un minimum de confort : logement, eau, électricité, bureaux, aire de sport etc.

Partie prenante dans le projet, possédant un capital d’expérience en la matière, l’Algérie était toute indiquée pour effectuer ces travaux. Mais voilà : elle a placé ses prétentions financières suffisamment hautes pour dissuader à la fois son partenaire italien ENI et les autorités maliennes. En effet, pour les travaux de génie civil, elle a réclamé, nous assure t-on, pas moins de 13 millions de dollars US alors qu’il faudrait diviser ce chiffre par cinq ou six pour approcher le coût réel pratiqué sur le marché, y compris en Algérie même.

Pour la sécurisation du site, elle réclame, tenez-vous bien, 19 millions de dollars US pour les militaires… maliens – soit 1 000 dollars US par jour et par militaire – dont elle demandera la mise à sa disposition. Et cet argent devra être déboursé par le gouvernement malien.

Au total, ce sont donc 11 milliards et demi de FCFA que l’Algérie exige qu’on lui paye rubis sur l’ongle pour réaliser les travaux de génie civil. Mais le pire est à venir. Le matériel de forage n’étant pas un article que l’on peut se procurer par un simple claquement de doigts, ENI s’est mis en devoir d’en louer un auprès d’une entreprise mexicaine avant même le début des travaux de génie civil. Seulement voilà : ce matériel, très coûteux, reste bloqué depuis plusieurs mois dans un port du Mexique, les autorités algériennes refusant qu’il transite par le port d’Alger. Aux dernières nouvelles, ENI aurait opté pour le transit par le port de Dakar. Auquel cas, il va falloir débourser 7 millions de dollars US contre seulement 2 millions et demi de dollars US si Alger s’était montrée plus coopérante.

La seule explication plausible que l’on peut trouver à cette franche hostilité de l’Algérie envers le Mali (si l’on met de côté, bien sûr, la légende sur l’exploitation du pétrole malien qui entraînerait le tarissement des nappes algériennes) est que notre grand voisin du nord ne pardonne pas à ATT son choix actuel sur la question du Sahara dit occidental (un gel de fait de la reconnaissance de la RASD) et le développement des relations économiques et financières, ces dernières années, entre Bamako et Rabat.

Aux dernières nouvelles, le nouveau ministre des Mines, Amadou Cissé, aurait décidé de faire faire les travaux de génie civil par des entreprises opérant au Mali. Les mêmes que celles se trouvant sur le chantier du barrage de Taoussa. Elles sont censées être les meilleures de la place et devraient être à la hauteur des attentes.

Saouti Labass HAIDARA

L’indépendant via maliweb

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