Les rebelles détournent l’opérateur téléphonique du clan Kadhafi

Rebelles-a-l-entree-d-ajdabiya-sur-un-tankFree Libyana permet aux rebelles libyens et aux habitants de l’est du pays de téléphoner librement sans être contrôlés par Tripoli. Récit d’une opération digne d’un roman d’espionnage. Par Sébastian SEIBT (texte).

Les insurgés libyens et les habitants des zones sous leur contrôle ont de nouveau un accès au réseau téléphonique. Ce n’est pas le résultat d’une quelconque largesse de Tripoli, mais plutôt la conséquence d’une opération « commando » menée par une poignée d’hommes pour rétablir la communication en zone rebelle.

À Benghazi et dans l’est du pays, un nouvel acteur des télécommunications a donc fait son apparition il y a une semaine. Une petite équipe de Libyens habitant à l’étranger et opposés à Mouammar Kadhafi a créé Free Libyana en détournant les lignes de l’opérateur étatique Libyana.

« Toutes les communications qui passent par le réseau Libyana [sous contrôle de Mohamed Kadhafi, l’un des fils du leader libyen, NDLR] sont contrôlées par les autorités. En février, ils ont coupé l’accès à ce réseau à Benghazi et aux alentours », raconte à FRANCE 24 Ousama Abushagur, un Libyen des Émirats arabes unies qui est à l’origine de Free Libyana.

Le « gazouilli » d’Ousama Abushagur annonçant que Free Libyana fonctionne.

Dans ces conditions, les forces armées rebelles avaient du mal à s’organiser convenablement. Certains utilisaient des téléphones satellitaires, mais d’autres avaient recours à des moyens beaucoup plus rudimentaires comme des drapeaux (rouge pour signifier qu’il faut reculer, vert pour dire d’avancer), rapporte le Wall Street Journal dans son édition de mercredi. Les Libyens habitant la région de Benghazi n’avaient, quant à eux, aucun moyen de tenir leurs proches à l’étranger informés.

Plusieurs millions de dollars

« C’est la situation humanitaire inacceptable qui nous a décidés à agir », se souvient Ousama Abushagur. Ce Libyen, qui a fait ses études aux États-Unis et a travaillé notamment pour Netscape (l’un des premiers navigateurs internet), sait qu’il est possible de détourner les lignes téléphoniques.

Reste à traduire en pratique les belles théories. Début mars, il réussit à convaincre des ingénieurs télécoms de lui prêter main forte et des « généreux donateurs » pour financer cette équipée sauvage numérique. « Nous avons acheté tout le matériel nécessaire pour une connexion téléphonique par satellite et pour mettre en place la base de données des numéros de téléphone », explique Ousama Abushagur qui précise simplement que ces achats « ont coûté plusieurs millions de dollars ».

En parallèle, ils prennent contact avec des ingénieurs de Libyana à Benghazi. Ces derniers leur communiquent discrètement des données essentielles pour réussir à pirater l’opérateur téléphonique détenu par un fils de Mouammar Kadhafi.

C’est alors que commence le travail de terrain. Il faut en effet transporter tout ce précieux matériel à Benghazi sans pour autant que les douanes dans les pays traversés découvrent la finalité de l’opération. « Une partie a été envoyée par cargo aérien, une autre dans des containers », énumère Ousama Abushagur. L’équipe sera retardée plus d’une semaine par les douanes égyptiennes mais arrive finalement à bon port.

Aubaine pour l’armée

Sur place, le « commando », protégé par des gardes du corps, n’a plus qu’à connecter tout le matériel au réseau de Lybiana. « Nous avons reconfiguré l’équipement de Benghazi pour créer un deuxième réseau téléphonique indépendant de Libyana mais qui utilise son infrastructure », explique Ousama Abushagur.

Le 2 avril, il appelle avec succès depuis son portable sa femme restée à Abu Dhabi en utilisant pour la première fois Free Libyana. Depuis lors tout le monde peut recevoir depuis l’étranger des appels sur son portable. « Ça a été notre récompense de voir des familles entendre la voix de leurs proches à l’étranger », se réjouit Ousama Abushagur. Environ 750 000 personnes peuvent utiliser Free Libyana. Les communications internes en Libye sont par ailleurs gratuites. Une aubaine pour l’armée rebelle.

En revanche, le plus grand nombre ne peut pas encore utiliser Free Libyana pour appeler l’étranger. « Nous n’avons pas encore finalisé le moyen de paiement », explique Ousama Abushagur. Une poignée de « VIP », « essentiellement les membres du Conseil national de transition », a tout de même reçu une autorisation pour téléphoner à l’étranger gratuitement.

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