Peut-on faire confiance à nos services publics chargés de l’état civil ?

mariem_mint_bilalL’état civil est la situation de la personne résultant d’une identification administrative décrivant l’ensemble des droits civils et les qualités d’une personne (nom, nationalité, domicile, situation matrimoniale, …) Il désigne également le service public en charge des actes de l’état civil (naissance, mariage, divorce, décès…)

L’état civil revêt une importance capitale car il justifie les droits qui font qu’un homme ou une femme peut se prévaloir de la qualité de « citoyen », laquelle qualité lui permettra de participer pleinement à la vie économique et politique et d’accéder aux systèmes d’éducation, de santé, etc.

Aussi, l’état civil présente un intérêt majeur dans la mesure où il constitue la source d’informations statistiques sur la population (pyramides d’âges, taux de scolarisation, besoins en importation alimentaire, taux de vaccination, …) permettant ainsi l’élaboration d’une vision prospective de développement.

Dans le contexte Mauritanien marqué par un passé de fraudes massives et par de mauvaises pratiques encore présentes et soutenues par la tendance à appliquer les mêmes usages que nous avons vécus ces trois dernières décennies, la fiabilité de l’état civil ne peut être garantie que dans la transparence la plus complète.

Du point de vue démocratique, il est évident que le principe sacré d’ « un homme, une voix » ne peut être assuré que sur la base d’un état civil fiable et géré d’une manière consensuelle. En l’absence d’une telle situation, la sécurité, la préservation de l’image et des intérêts de l’Etat ainsi que la défense des droits humains (élémentaires) ne sont, pour l’instant, que de la poudre aux yeux ; juste un échafaudage destiné à fonder la qualification de majorité ou de minorité attribuée abusivement à la loyauté ou l’opposition. Tant que nos documents officiels font objet de malversation, de complaisance, d’utilisation à des fins individuelles, tribales ou claniques, l’administration et les services publics chargés de l’état civil ne peuvent parvenir à inspirer confiance ou asseoir un véritable système démocratique.

Si, à titre d’exemples, on constate qu’un acte de naissance établi pour la circonstance, est délivré sur ordre du Ministre de la Justice afin d’escamoter un cas d’esclavage et d’exploitation de mineurs, ou que les services de renseignements français découvrent qu’un haut responsable libyen détient un passeport diplomatique mauritanien « offert », dans des conditions à élucider, par la Ministre mauritanienne des affaires étrangères, l’administration a donc réussi à dépasser le rôle qu’elle a malheureusement eu l’habitude de jouer – celui de cautionner ce genre de pratiques- pour devenir l’initiateur et même le meneur de l’opération de fraude.

Ces exemples, à eux seuls, font état de plusieurs défaillances : absence de l’état de droit, omniprésence du trafic d’influence dans les esprits des « décideurs », primauté de l’intérêt personnel- même au plus haut niveau de notre administration-, manque de volonté à traiter les problèmes structurels de la société.

Dans des circonstances pareilles, il est tout à fait légitime, voir obligatoire, de se poser des questions sur la sincérité et le sérieux du projet de reprise de nos documents officiels, sur la volonté politique de création et de mise en œuvre d’un nouveau code d’état civil.

L’établissement de l’état civil doit donc être confié à une structure consensuelle- gérée par des personnes crédibles et indépendantes- en mesure de susciter l’adhésion effective des populations et des acteurs (économiques et politiques) et de prévenir les malversations, tout en repensant une nouvelle alternative de gestion capable de mettre notre administration à l’abri de toute instrumentalisation.

Continuer des pratiques mafieuses d’établissement d’actes d’état civil, organiser des élections fondées sur un état civil confectionné à l’ombre d’officines mises au pas par un gouvernement partial est une source de graves erreurs, pour l’ensemble des politiques publiques qui seront entreprises en fonction de fausses données, et surtout de danger potentiel pour la concorde et la paix sociale.

Par Mariem Mint Bilal, députée à l’Assemblée Nationale

Source: Canalrim.info

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