Dialogue politique : On continue de tourner en rond?

dialogueazizcodDepuis plusieurs mois, la classe politique, toutes tendances confondues, prône le dialogue «inclusif». Aucun des camps ne s’y oppose, à priori, et pourtant, on continue de tourner en rond sans réelles propositions pour faire aboutir le dialogue recherché.

Bien plus que la classe politique mauritanienne, les mauritaniens ordinaires sont favorables à l’idée d’un dialogue entre le Pouvoir et l’Opposition. Ces deux derniers font, par déclarations parallèles, croire à leur disposition à l’entamer, sans précision réelle de son contenu. Côté pouvoir, nous assistons depuis quelques jours, à l’initiative prise par le premier Ministre, chef du gouvernement, pour des consultations tous azimuts de la classe politique (RNND (islamistes), COD…). Mais on n’en est encore qu’au début de ces rencontres politiques, sans avancées réelles sur la perception des contours que doivent prendre de telles consultations et à quelle forme de dialogue elles doivent aboutir. Hormis les dernières propositions formulées par le Mouvement Pour la Refondation (MPR), membre de la majorité présidentielle, dont le président Kane Hamidou Baba, a invité toute la classe politique à réfléchir à ses propositions de réformes consensuelles concernant et sur le régime politique, et sur le redécoupage ainsi que le mode de scrutin électoraux, dans toutes les autres formations on continue d’afficher la volonté de s’asseoir autour de la table, sans pondre la moindre des idées.

La COD disposée à un dialogue «sérieux»

Même si l’on n’avance pas à grands pas, une dynamique semble s’instaurer imperceptiblement, peut être. Dans une conférence de presse organisée le week-end, à l’issue d’une rencontre entre son président actuel, Me Bettah et le Chef du gouvernement, la Coordination de l’opposition démocratique (COD), s’est dit «attachée à un dialogue sérieux, franc et responsable » portant sur l’ensemble des questions d’intérêt national. La COD cite, dans une formule assez vague, «une absence de culture démocratique» comme obstacle à l’amorce d’un tel dialogue tout en réclamant un dialogue direct avec le gouvernement qu’elle vient pourtant d’inaugurer avec le premier Ministre. Dans une déclaration de presse, diffusée à l’issue de sa rencontre avec le premier Ministre, la COD indique que «le Premier ministre a souligné la nécessité de lever les obstacles psychologiques qui se dressent jusqu’à présent devant le dialogue souhaité par les deux parties depuis quelque temps, déclarant que le pouvoir est disposé à l’engager de manière sérieuse et sincère dans l’intérêt du pays. Ce dialogue devrait inclure un code électoral et n’exclure aucun autre sujet». Cependant, la COD estime que des blocages psychologiques restent : «des obstacles demeurent, parmi lesquels, il y a certaines pratiques du gouvernement, qui sont contraires aux principes de la démocratie, dont l’inexistence de l’opposition dans la mentalité du pouvoir, de sorte que le gouvernement n’admet pas que la démocratie exige la présence de deux parties, l’une au pouvoir et l’autre à l’opposition, tirant chacune sa légitimité du peuple mauritanien.
Il y a aussi l’exclusion et la persécution des opposants, le monopole des médias publics par les autorités, la restriction du champ des libertés, etc. ». Si le premier ministre a donc évoqué un dialogue sans restriction, pour la COD, il y a «la nécessité de convenir à l’avance du format, du cadre, des thèmes et du calendrier de ce dialogue».

Les non-dits pour le dialogue
Depuis l’élection présidentielle de juillet 2009, malgré la reconnaissance par certains partis de la COD, des résultats de cette élection et donc de la légitimité du président de la République, l’accord inclusif de Dakar est devenu l’une des réclamations perpétuelles de la COD. Et pourtant souvent apostrophés sur la compréhension de cet accord inclusif, les dirigeants de la COD font la fine bouche estimant que leur ambition n’est pas l’exercice du pouvoir. Pour le président Ould Abdelaziz, non plus, car, dans son débat radiotélévisé d’août 2010, «cet accord est enterré». Alors quelle forme peut prendre ce dialogue inclusif, lequel d’ailleurs renvoie à la participation de toute la classe politique et non seulement aux différents acteurs de la crise institutionnelle de 2008?
Pourtant dans la perspective de l’élection de juillet 2009, l’accord inclusif de Dakar évoquait la poursuite et l’intensification du dialogue entre «toutes les forces politiques mauritaniennes» en vue notamment «de la possibilité d’arrangements politiques de partenariat dans l’exercice du pouvoir et des perspectives de tenue d’élections législatives anticipées ». Or, sans le dire, c’est sur cet aspect de «partenariat dans l’exercice du pouvoir » que bute l’entente entre l’Opposition et le Pouvoir. L’Opposition entend, sans le dire, participer à cette gestion en espérant un gouvernement d’union nationale alors pour le Pouvoir, l’Opposition devrait assumer son rôle de contre-pouvoir démocratique. Deux visions diamétralement opposées et que ne sauraient rapprocher aujourd’hui, une quête de dialogue, tant que les deux parties en feront une condition sine qua non, à leurs échanges. Et ce d’autant plus que la seconde condition politique relatives à des élections législatives ne se pose plus avec celles prévues avant la fin de l’année. Une date butoir au cours de laquelle les forces politiques en présence pourraient, au-delà des prétentions subjectives, manifester de leurs assises sur le terrain. Il serait donc improbable de voir, tout de suite, le dialogue se produire même si l’on suppose qu’un déclic a été opéré avec ces rencontres entre le Chef du gouvernement, sur instructions du président de la République, et les partis politiques. Mais encore une fois, l’on reste sur notre faim, sans aucune révélation, de par et d’autre de l’échiquier politique, de propositions sérieuses de l’entame d’un tel dialogue et à quelle autre fin que le partage du «gâteau »?
Jedna DEIDA

Accord inclusif de Dakar :
VII) De la poursuite du Dialogue national inclusif
Cet accord ne met pas fin à la poursuite du Dialogue national sur les autres points qui peuvent renforcer la réconciliation nationale et la démocratie. Dans le prolongement de l’élection présidentielle, le dialogue national inclusif sera poursuivi et intensifié entre toutes les forces politiques mauritaniennes en vue notamment :
-du renforcement des assises et de la pratique de la démocratie pluraliste, ainsi que de la prévention des changements anticonstitutionnels de gouvernement ; y compris la réforme des institutions nationales de sécurité.
-De la promotion de la bonne gouvernance politique et économique, de l’Etat de droit et du respect des Droits de l’Homme ; de l’élaboration et de l’adoption des réformes susceptibles de renforcer le bon fonctionnement et l’équilibre des institutions de la République.
– de la possibilité d’arrangements politiques de partenariat dans l’exercice du pouvoir et des perspectives de tenue d’élections législatives anticipées.
– de toutes autres questions susceptibles de renforcer l’unité nationale, la réconciliation, la stabilité, la moralisation de la vie publique et le développement socio-économique du pays.

Le Quotidien de Nouakchott

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