L’esclavage en milieu soninké : le point de vue du président de l’Ocvidh

Dans un entretien accordé au site haratine.com, le président de l’Ocvidh Diagana Mamadou Youssouf livre son point de vue sur l’esclavage en milieu soninké»,

 

 

qu’il décrit d’emblée comme un phénomène social qu’il ne faut pas nier, ayant existé par le passé et continue de persister dans certains milieux soninkés et Négro-Africains. Ci-après son avis :  « Pour s’attaquer fondamentalement à ce fléau, il faut parfaitement le faire comprendre de la manière la plus explicite à nos compatriotes. Il n’y aura jamais dans mon esprit une quelconque volonté d’esquiver votre question sur l’esclavage en milieu soninké et au-delà en milieu Négro-Africain. Mon combat contre ces injustices m’interdit tout amalgame. De prime abord, il n’y a et il n’y aura jamais d’esclavage meilleur que d’autre comme on a tendance à l’affirmer souvent! C’est ma première conviction. Etre esclave ou considéré comme tel, est une négation de l’homme par l’homme. Pour ce qui concerne mon ethnie Soninké que je connais parfaitement et plus particulièrement la question au niveau de Kaédi, je l’affirme sans risque de me faire contredire que l’esclavage a bien existé dans notre milieu. L’esclave, sur le plan de la servitude et de l’exploitation de l’homme par l’homme, l’homme soumis à son maître et corvéable à volonté, n’existe ni en théorie ni en pratique en milieu soninké de Kaédi. L’esclavage a été pratiqué par nos ancêtres à leur époque et personne ne peut le nier mais de ma génération et je dirai même de la génération de mes grands frères, l’esclavage n’existe que par le nom ! Les enfants dits « esclaves » de ma génération ont fréquenté les mêmes écoles (coraniques et modernes) que moi. Chaque génération de kaédiens a eu ses promotionnaires d’école issus de cette classe « d’esclaves ». Comme je l’ai dit tantôt, je ne pourrai dire avec la mêm exactitude comment la question de l’esclavage est vécue dans les autres milieux Négro-Africains en dehors de cette communauté soninké qui était mon milieu naturel. J’insiste encore pour réaffirmer que dans la pratique, l’esclavagisme en milieu arabo-berbère est d’une férocité incalculable et diffère fondamentalement de celui que nous vivons dans le milieu soninké ; Et c’est ce type d’esclavagisme que nous combattons farouchement par sa brutalité et son inhumanité. Il a existé effectivement une timide relation d’anciens maitres à anciens esclaves de par une certaine génération de nos pères en milieu soninké à kaédi mais du temps de ma génération cette relation n’a jamais existé et il n’y en a jamais eu d’où l’inexistence de soumission ni de corvée ou toute autre forme d’exploitation ou de privation de liberté. Je mets au défi quiconque qui me contredira ou démontrera le contraire. Je ne pourrai jamais dire de manière formelle que l’esclavage n’existe pas dans certains milieux négro-africains mais dans mon Kaédi natal, je ne connais pas un seul cas. D’ailleurs, cette appellation en soninké du mot « komé » qui veut dire esclave est tabou dans ma ville de Kaédi. Personne ne peut se permettre de le prononcer ni publiquement ni en aparté sans qu’il n’y ait réprimande. La lutte contre cette tare sociale est un combat que je mène farouchement. Il est tellement gênant, voire révoltant de voir une personne devant soi qui souffre de l’esclavage psychologique qu’il ressent comme une humiliation de la nature. Et ce sont ces séquelles qu’il faut maintenant s’attaquer par l’information et la sensibilisation des consciences. L’esclavage en milieu soninké de Kaédi qui persiste est beaucoup plus dans les mentalités que dans la pratique. Dans les comportements au quotidien d’où le complexe d’infériorité ou de supériorité du fait que l’autre est issu de la grande féodalité ou que ses grands parents avaient comme esclaves telles familles d’où souvent ou un climat d’alliance et d’entraide réciproque ou un climat de méfiance, de haine, de rivalité ou de frustration etc.
Faut-il qualifier ces faits évoqués d’esclavage ou de séquelles ? Quel que soit le qualificatif que l’on donnera à ces pratiques et à leurs relations d’anciens maitres à anciens esclaves, la lutte pour briser l’humiliation voire l’appellation « komé » qui veut dire esclave en soninké ne doit plus exister. C’est pourquoi, pour aider les populations victimes de ces pratiques d’esclavage féroce et brutal afin qu’elles accèdent à leur émancipation totale et à tourner les pages sombres de cette histoire humaine douloureuse, il incombe à l’Etat de prendre sa responsabilité pour l’éradiquer. Je finirai votre question en disant que je combats sans réserve toutes les formes d’esclavage, comme pour mon engagement dans la lutte contre la torture. Il n’y a pas de petite ou grande torture et il ne peut y avoir non plus de bon ou mauvais esclavage! Le Combat contre l’esclavage et dans toutes ses coutures doit être l’engagement de toutes et de tous.

Source  :  OCVIDH via Flamnet le 18/03/2011

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